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Les Épingles tout frais forgées ainsi que les À lire sur Internet tout frais repérés sont en haut de la pile
En épingle en 2019
L'insecte ou l'événement entomologique du jour, celui qui défraye la chronique et qui alimente les conversations en ville et dans les insectariums, sera épinglé sur cette page, qui s'enrichira au fur et à mesure des événements entomologiques.

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Rédaction (sauf mention contraire) : Alain Fraval 

La dernière de 2018 :  Gros porteur        Les Épingles d'avant         Les Épingles de 2020

Les Épingles du n° 191 d'Insectes (4e tr. 2018) : Un parfum qui rapprocheLe soleil dans l’œilLa vue c’est la viePour filer le train aux Belles Dames.
Neuf nouveaux-nés très vieux, Stridulations morbifiques, tuer le désir dans l'œuf, Frigo à gaz, Régime gras, Des insectes dans la rue, Pour en finir avec les punaises…, Feu le scolyte ?, Robot tueur, Usine à gaz, Honneur au charançon, Sourd mais sonore, Tous ses contacts identifiés, Une société de climatiseurs, Zéphyr ou Babar ?, Le parfum du danger, Faute de bogongs..., Un immigrant clandestin se cache dans un tunnel, Les fossoyeurs en ont plein le dos, Petit chimiste, Géophagie, Fils de reines : juste des protéines, Bâtonnet le magnifique, Éradication puis sauvetage, Grandeur humaine, Pieds sensibles, Très excité puis vite fatigué,
Les Épingles du n° 192 d'Insectes (1er tr. 2019) : Les antibiotiques, c'est entomologique, La mouche du marula, PQ pour termites, La forêt brûle, les chenilles se consument.
Un p’tit ver, ça fait pas de mal, Ravi qu'i soit sauvé, Déjeuner avec un lance-pierres, Émoji futur ?, Mon cancer, ma droso, Le grand remplacement ?, Champignon venimeux, Assistant d'assassinat, Un goût de chiottes ?, Sales mouches !, Apparition inquiétante, L'un chante, l'autre pas, Là-bas aussi,
Les Épingles du n° 193 d'Insectes (2e tr. 2019) : Pas de dérapages, Guillotine collective, Punaise, c'est vieux !,
Naviguer à vue
, Fourmi secours, Entièrement chromosensible, Le sirop est empoisonné, Saut à l'hydraulique, Toute bigame sera exécutée, Une bonne leçon de propreté, Trop de sel nuit, Percutants,  aveuglants, Cafard visqueux, Des goûts et des couleurs..., Monarque, dehors !, Les bruits parasites et le parasite, Les marmots, c'est du sommeil en moins,
Les Épingles du n° 194 d'Insectes (3e tr. 2019) : Ver rose : du rose au gris, Pour le malheur des demoiselles, Le cafard et la lune, Ça dépend du paysage.
 Phytothérapie, Sans bouchon, Pire que ce qu'on pensait, Rescapées du trou soviétique, Asticoter les mouches à la machine, Menu fretin, Juteux trafic de gènes, L'amour et la mémoire, Recyclage, Pare-brise nickel, Ni-usine, Mouche en lait, Prout !, Le souvenir d'une belle..., Prout puis Pschittt !, Pas bons du tout et mous,
Pique à mouches,
 Pied à pied, ils résistent,
Les Épingles du n° 195 d'Insectes (4e tr. 2019) : À l'écoute depuis toujours, Elle court si vite qu'elle semble voler, Potion amère et bosse des maths, Les écailles sucrées des écailles.

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décembreÀ cliquer

1216 Pied à pied, ils résistent
Les moustiques vecteurs du paludisme (Anopheles spp., Dip. Culicidés) sont prompts à acquérir une résistance aux insecticides, notamment aux pyréthrinoïdes dont on imprègne les moustiquaires. L’addition d’un synergisant, le butoxyde de pipéronyl, lequel cible le mécanisme basé sur le cytochrome P450s, restaure, pour un temps, l’efficacité de ce procédé de lutte.
Une équipe de l’École de médecine tropicale de Liverpool vient de mettre en évidence un tout nouveau procédé « inventé » par les anophèles (A. gambiae et A. coluzzii) pour se jouer de l’insecticide. Il s’agit de la protéine de liaison SAP2, qui se lie sans doute à la molécule de toxique. Son taux est élevé chez les individus des populations résistantes et augmente après contact – par les tarses – avec un pyréthrinoïde. Les moustiques résistants génétiquement modifiés pour produire moins de SAP2 sont sensibles à l’insecticide.
On espère traduire prochainement ce résultat en amélioration des moustiquaires imprégnées, outils indispensables pour faire reculer le paludisme.
D’après « Researchers identify that mosquitoes can sense toxins through their legs ». Lu le 25 décembre 2019 à //phys.org/
Illustration : moustiquaire BASF  

1215 À l’écoute depuis toujours
Il est admis jusque-là que les Lépidoptères ont évolué et se sont diversifiés (160 000 espèces actuelles) en relation avec l’avènement et la diversification des plantes à fleurs, depuis 200 millions d’années. Et, que leurs organes auditifs sont apparus et se sont perfectionnés comme moyen d’échapper à leurs principaux prédateurs à l’état adulte, les chauves-souris.
Un équipe internationale conduite par Akito Kawahara (université de Floride, États-Unis) a rassemblé et examiné le plus grand ensemble de données génétiques possible sur les différents groupes de Lépidoptères et pris en compte les fossiles. Il en ressort qu’effectivement, la diversité actuelle résulte d’une co-évolution : les plantes développent des moyens de contrer les attaques des chenilles, les Lépidoptères s’adaptent et parviennent à surmonter ces défenses. Toutefois, l’histoire démarre bien avant la date admise ; ces insectes sont plus vieux de 100 millions d’années. Ils sont là depuis le Carbonifère tardif.
La surprise est que les papillons de nuit se sont dotés d’organes auditifs à 9 reprises, dont 4 sont datées d’il y a 91 millions d’années, soit à une époque où il n’y avait aucune chauve-souris ; ces mammifères volants grands consommateurs de papillons apparaîtront 30 millions d’années plus tard.
« En attendant » d’espionner les ultrasons écholocateurs des Chiroptères, les papillons devaient guetter les bruits faits par d’autres prédateurs, bruits de pas, d’ailes, de frottements… Beaucoup d’Hétérocères (« papillons de nuit ») et quelques Rhopalocères (« de jour ») ont des « oreilles » en différents endroits du corps, mais très fréquemment près de la base des ailes, ce qui renforce l’hypothèse qu’elles ont un rôle d’alerte et de déclencheur de fuite au vol.
Beaucoup de groupes de Lépidoptères sont sensibles aux ultrasons et cette capacité a été acquise, pour une grande part d’entre eux, juste avant l’apparition de l’écholocation chez les chauves-souris, sans doute en réponse à une forte pression de sélection, dont la nature reste à découvrir.
Les premiers Lépidoptères avaient leurs larves mineuses dans les bryophytes et, à l’état imaginal, possédaient des pièces buccales broyeuses (comme quelques primitifs actuels). La trompe est apparue ensuite, il y a quelque 241 millions d’années (soit au milieu du Trias), qui leur a permis d’exploiter les jus et le nectar, entraînant leur diversification et la conquête de nouvelles plantes.
Les Rhopalocères, vieux d’environ 98 millions d’années (fin du Crétacé), ne sont que des Hétérocères volant le jour, conclut A. Kawahara.
Article source (gratuit, en anglais)
 
1214 Elle court si vite qu’elle semble voler
Elle vient de décrocher le record du monde de vitesse (en plein air), catégorie fourmis. Elle s’appelle Fourmi argentée du désert (localement Fourmi chrétienne), Cataglyphis bombycina (Hym. Formiciné), et vit dans le Sahara, là où il peut faire en plein jour 40°C et où le sable est à plus de 60°C. Elle résiste certes à une « fièvre » à 54°C mais pour de brefs et rapides (30 cm/s estimait-on) déplacements à la recherche des cadavres des insectes moins tolérants. Ses soies argentées réfléchissent les rayons du soleil et l’aident à ne pas cuire. Les nids, creusés à coups de mandibules, sont climatisés par leur situation à 30 cm de profondeur ; là il n’y fait pas plus de 25-30°C et l’air y est assez humide.
Le record a été enregistré en Tunisie, près de Douz. Il s’établit à 85 cm/s. Ceci correspond à 108 fois la taille de son corps et place notre fourmi à la 3e place des arthropodes à grande vitesse, derrière l’acarien Paratarsotomus macropalpis (Anystidé), 8 pattes, 0,7 mm de long et 377 taille/s, et Cicindela hudsoni (Col. Cicindélidé), 20 mm, 171 tailles/s sur ses 6 pattes, 9 km/h environ. À titre indicatif, l’humain dépasse à peine 5 tailles/s et devrait courir à 770 km/h pour la battre.
La piste du record, partant du débouché d’un nid, était le fond d’un profilé d’aluminium recouvert d’une fine couche de sable ; elle était surmontée d’une caméra vidéo à haute fréquence. Outre la vitesse, le dispositif a évalué le nombre de pas – 50 par seconde – et la durée du contact avec le sol – 7 ms – qu’elle touche donc à peine. Les pattes de chaque groupe de 3 posées alternativement (marche hexapode) semblent faire un roulement. À vitesse élevée, la fourmi peut se mettre à galoper, les 6 pattes en l’air en même temps.
L’autre fourmi du désert C. fortis, plus grosse et aux pattes plus longue (une façon aussi de ne pas se brûler sur le sable) est battue ; elle va deux fois moins vite.
Pourquoi tant de précipitation ? Pour trouver rapidement un cadavre, en prélever un bout et retourner au nid de façon la plus sûre et efficace. Pour éviter de dévaler les dunes aussi.
Il sera intéressant d’analyser le ressort de ces cadences extraordinaires en comparant la commande et le fonctionnement des muscles chez plusieurs espèces véloces. Cette fourmi devrait intéresser aussi mécaniciens et roboticiens pour la mise au point de véhicules qui doivent rester d’aplomb sur du sable fluide.
Travaux de Sarah Pfeffer et de son équipe, université d’Ulm (Allemagne).
D’après notamment « World’s fastest ants found racing across the Sahara », par Jake Büler. Lu le 16 octobre 2019 à www.nationalgeographic.com

1213 Potion amère et bosse des maths
Il semble que nous ne puissions pas reconnaître instantanément des quantités d’objets supérieures à 4. Nous, mais aussi les guppies, les anges de mer et l’Abeille mellifère. Pourquoi cette dernière, qui connaît les concepts « plus petit que » et « plus grand que » n’arrive pas à distinguer 5 de 4 ?
Scarlett Howard, travaillant chaque été à l’université de Toulouse, répond que la question lui a jusque-là été mal posée.
Pour les entraîner à distinguer 4 de 3, les chercheurs avaient seulement récompensé par du sirop les ouvrières donnant la bonne réponse, comme on fait classiquement. Cette fois, il y a une punition pour erreur : de l’eau additionnée de quinine, très amère.
Dans une première série d’épreuves, l’abeille est confrontée au choix entre une figure à 4 points et une autre à un nombre quelconque (jusqu’à 10) et reçoit ou la récompense ou de l’eau pure en cas d’erreur. Pour un second lot d’ouvrières, il y a soit récompense, soit punition. Ensuite, ces abeilles se voient offrir de choisir entre 4 points et un nombre supérieur, y compris 5.
Échec pour les participantes du premier lot, succès net pour celles du second. L’Abeille mellifère est donc bien plus forte en calcul que ce qu’on pensait : il suffisait pour qu’elle manifeste son talent de lui appliquer une pédagogie sévère.
D’après « Honeybees are math stars », par The Company of Biologists. Lu le 10 octobre 2019 à //phys.org/news/

1212  Les écailles sucrées des écailles
Écaille a deux sens en entomologie : d’une part les petites « tuiles » chitineuses (soies modifiées), qui recouvrent les ailes des Lépidoptères adultes (papillons, phalènes…), et d’autre part lesdits Lépidoptères, Érébidés de la sous-famille des Arctiinés. Ceci du fait que la bigarrure de leurs ailes fait penser à de l’écaille (de tortue).
L’écaille de l’aile est, au-delà de son insertion sur la membrane alaire, comme un sac aplati, renforcé à la face supérieure par des rides longitudinales et des ridules transverses et, intérieurement, par des trabécules (piliers) ; l’espace interne est rempli d’air et il y a le plus souvent une couche de pigment. Certaines écailles du mâle, souvent regroupées en touffes, sont des diffuseurs de parfums d’amour. Elles se terminent par une sorte de peigne ou par des filaments qui augmentent leur surface et sont implantées au débouché d’une glande qui sécrète une phéromone ; on les appelle androconies.
En examinant des papillons Arctiinés au Costa Rica et au Pérou, Michael Boppré et son équipe ont découvert des androconies très particulières chez 80 espèces de 30 genres. Elles sont très plates, sans trabécules et leur espace interne est rempli d’un gel (qui cristallise à l’air). Ce seraient des écailles dont le développement s’est arrêté à un stade précoce durant la nymphose.
Ces « macrotriches cristallines » se trouvent au sein des coremata, organes érectiles (pneumatiques, présents chez beaucoup de Lépidoptères), qui saillent entre les 7e et 8e segments abdominaux, ou en divers endroits du corps. Elles sont en forme d’écailles ou de soies (souvent munies d’expansions) ; leurs formes et ornementations de surface sont très variées. Certaines espèces n’en possèdent pas.
Le gel interne est uniquement soluble dans l’eau. Mis sur la langue, il révèle un goût sucré. On peut supposer qu’il sert de précurseur à une phéromone volatile et que sa composition est propre à chaque espèce.
Pour élucider le rôle de ces macrotiches cristallines, il faudrait connaître la vie de ces Arctiinés, qu’on piège (lumière ou appât) en nombres très faibles mais en diversité très grande. Pas de quoi démarrer un élevage, d’autant qu’on ignore leurs plantes-hôtes…
D’après, notamment, « “Candy” Scales Discovered in Dozens of Moth Species », par Leslie Mertz. Lu le 4 novembre 2019 à //entomologytoday.org/



1211 Pique à mouches
Carrikerella simpira (Mant. Thespidé) est une espèce nouvelle, découverte au Pérou dans la région de Tingo Maria par J. Rivera et Y. Callohuari. Larves et imagos n’attrapent pas leurs proies entre les « mâchoires » (tibia et fémur) de leurs pattes avant, comme font les autres mantes, mais les piquent, pour les fixer et le temps de les dévorer.
Ce comportement unique a été observé sur des individus maintenus en élevage sur des kokedamas, qui fournissent aux insectes support et nourriture sous forme de moucherons du genre Bradysia (Dip. Sciaridés). Les observations ont été confirmées et précisées sur des mantes placées en beurrier 30 minutes tous les deux jours en compagnie de différentes proies : Diptères Drosophilidés, Téphritidés, Muscidés ; petits papillons et araignées.
Différence morphologique avec ses congénères, cette mante possède 5 épines droites et barbulées à l’apex du tibia, qui lui font comme une foëne.
C. simpira, à distance de capture de sa proie, étend ses coxas vers l’avant puis ses tibias pointent vers la cible, les tarses restant en retrait. Les 4 autres pattes bougent de façon à bien placer son corps. Elle assène le coup, d’un abaissement des fémurs, piquant sa proie d’une seule des épines tibiales en général. Elle porte ensuite l’insecte à sa bouche comme avec une pique à olives.
Ce mode de capture est d’une précision remarquable : une de ces mantes a été vue piquer un acarien d’un demi millimètre de long ; elle peut aussi se repaître de papillons de 12 mm.
La technique n’est connue que de squilles (Malacostracés Stomatopodes), alias crevettes-mantes...
Article source 
Illustration : a – f : décomposition du mouvement de piquage ; g : femelle adulte consommant une mouche des fruits de 5,5 mm environ ; h : la même avec une autre proie ; i : larve de 1er stade ayant attrapé un puceron ; j : épine tibiale barbulée de d°.
Composition des auteurs    

1209 Pas bons du tout et mous
Les papillons de nuit sont la provende préférée des chauves-souris, qui les détectent dans le noir par écholocation. Pour y échapper, ils ont acquis et perfectionné plusieurs dispositifs : écoute des signaux ultrasonores du prédateur, brouillage des échos par des clics, expansions détachables en forme de queues, et une trajectoire de vol en zig-zag.
Certains de ces papillons volent nonchalamment, de tours en détours. L’hypothèse a été formulée que ces mollassons intrépides sont protégés par leur goût exécrable, qu’ils affichent souvent par leur livrée aposématique, signal possiblement renforcé par leur allure paresseuse.
Pour la tester, Nicholas Dowdy et William Conner (Wake Forest University et Milwaukee Public Museum, États-Unis) se sont assurés de la collaboration d’écailles (Lép. Érébidés) adultes de 5 espèces, prélevées en nature, qu’ils ont lâchées dans une cage virtuelle en plein air (espace éclairé, attirant les papillons), cantine des Chiroptères du coin. Trois lots expérimentaux : individus normaux, rendus sourds et ayant subi un traitement factice. Des caméras infra-rouge et des microphones ultra-soniques ont enregistré les interactions proie-prédateur.
Les écailles ont montré toute une gamme de comportements, de la fuite éperdue au je-m’en-foutisme, en fonction de leur immangeabilité (estimée par la réaction des chauves-souris) mais pas de leurs autres équipements de défense. Particulièrement, deux des écailles, Bertholdia trigona et Carales arizonensis, produisent des clics très rapides capables de brouiller les « radars » ; la seconde réagit pourtant plus mollement - et elle a plus mauvais goût.
Le couple phalène-chauve-souris semble un très bon outil pour l’étude de la relation prédateur-proie, car ces papillons peuvent facilement être rendus sourds ou muets sans les gêner (apparemment) et, pour changer leurs goût ou toxicité, il suffirait d’élever les chenilles sur un milieu ad hoc.
Article source (gratuit, en anglais)  
Photo : Bertholdia trigona. Cliché Aaron Corcoran    

1208bis Prout puis Pschitt !
On respire…  Joe Rwamirama, c'est quand même domage, n’est pas le super-héros qui terrassera le paludisme (au prix d’un dégagement de méthane irresponsable...), ni un rigolo de village ougandais (à la notoriété planétaire toutefois). Les Décodeurs du Monde nous informent, le 16 décembre 2019, que  Joe est virtuel, issu d’un site Internet parodique. Admettons le personnage Joe, en souriant, dans l’entomosphère.

1209 Le souvenir d’une belle...
...rend les mecs agressifs les uns vis-à-vis des autres. Elle n’est plus là, ils ne sont pas en compétition pour la conquérir, mais pourtant les voilà qui se précipitent en avant en se faisant plus gros qu’ils ne sont. Ceci en agitant leurs ailes, car ils sont des Mouches du vinaigre.
Menée par Yonil Jung, une équipe du Caltech (États-Unis) a montré comment le cerveau de la mouche gère ce comportement dépendant de l’expérience.
Quand un monsieur rencontre une demoiselle, il lui fait généralement la cour, en faisant vibrer ses ailes. Il est connu que ce sont les neurones P1 qui gouvernent cette réaction, déclenchée par son parfum. Dès qu’il se retrouve seul, ses neurones P1 cessent d’être actifs.
La découverte de l’équipe est que ces P1 ont activé des neurones pCd, qui ne s’éteignent qu’au bout de plusieurs minutes. Ce sont eux qui sont responsables de l’agressivité ; si, par génie génétique, on les inactive, la rencontre des 2 mâles est du genre pacifique.
Ce mécanisme semble avoir évolué pour permettre au mâle de sentir à la fois la présence d’une femelle et celle d’un concurrent, de façon à se préparer à livrer bataille. Or, pour sentir, dans ce monde, il faut se toucher par les pattes. À trois, cela ne peut guère se faire, surtout quant tout le monde marche de long en large, d’où le besoin de stocker l’information.
Il reste à comprendre comment les pCd restent actifs si longtemps alors qu’un neurone normal ne le demeure que quelques millisecondes.
Ce travail pourrait déboucher sur la compréhension de certains troubles de la mémoire et maladies psychiatriques chez Homo sapiens.
D’après « How interacting with females increases aggression in male fruit flies », par Lori Dajose. Lu le 12 décembre 2019 à //phys.org/news/
Photo : le mâle de droite en posture d’agression sur celui de gauche. Cliché Anderson Lab

1208 Prout !
Joe Rwamirama est un villageois ougandais de 48 ans, qui mange normalement et qui a une excellente hygiène et ne sent pas mauvais. Il a pourtant un super pouvoir, qu’il n’exerce qu’à bon escient et jamais à proximité des gens. Ses pets sont insecticides.
Détecte-t-il des moustiques vecteurs du paludisme qu’il lâche une caisse, un vent normal, pas un pet de maçon salissant. Et que crèvent les anophèles jusqu’à 6 mètres à la ronde. Et qu’ainsi le village est protégé de la maladie.
L’efficacité de ses flatulences est telle qu’une firme s’y intéresse, avec l’objectif de créer un puissant insecticide bio. Mais comme dit un barbier son voisin, je veux bien acheter leur produit s’ils se débrouillent pour qu’il n’ait pas l’odeur des perles.
D’après « Man Who Can Kill Mosquitoes With His Lethal Farts Has Been Hired To Make Mosquito Repellents », par Bhavya Mehta. Lu le 12 décembre 2019 à //www.scoopwhoop.com/
Photo : anophèles mortes. Cliché Robert Thomson

1207 Mouche en lait
Il y a environ 5 500 ans, au Moyen-Orient, alors que les hommes avaient domestiqué le mouton, la chèvre et la vache depuis quelques millénaires, entre autres pour les traire, ils ont domestiqué la levure qui nous fournit les fromages, le yaourt, et toutes les boissons fermentées issues du lait. Ils connaissaient depuis longtemps la levure de boulanger et la fabrication et l’usage des boissons alcoolisées, première application des biotechnologies.
Au départ, un accident aérien banal. Une mouche, une drosophile, tombe dans un seau de lait. Le lait s’acidifie et peut se conserver, avec un goût agréable. Notre droso, en se débattant, a contaminé le lait avec l’ancêtre de Kluyveromyces lactis, une Saccharomycétacée utile à la mouche (à ses asticots). La levure survit, bien qu’incapable d’utiliser le lactose.
Or le lait hébergeait un microbe congénérique K. marxianus, capable de scinder le lactose en sucres simples. Les deux cousines se fréquentèrent et les 2 gènes responsables de cette propriété s’ajoutèrent au génome de la levure de la droso.
D’où il appert que nos fromages et yaourts sont entomosourcés.
D’après « A 6,000-year-old fruit fly gave the world modern cheeses and yogurts », par John Morrissey. Lu le 5 décembre 2019 à //theconversation.com/
Photo : un aperçu au microscope électronique de l’écosystème de l’affinage du fromage, avec Kluyveromyces lactis (cellules ovales) et des bactéries en bâtonnet. Cliché University College Cork
NDLR : les expressions « Connaître mouche en lait » et « La mouche va si souvent au lait qu'elle y demeure » n’ont rien à voir avec cette histoire.

1206 Ni-usine
La firme Algenes de Madrid (Espagne) a déposé une demande d’agrément à l’Agence européenne des médicaments pour un vaccin (vétérinaire) produit par un insecte. Ledit insecte est le Ni, alias la Plusie, connue en agriculture comme la Fausse Arpenteuse du chou et en entomologie comme Trichoplusia ni (Lép., Noctuidé).
Infectées par un baculovirus génétiquement modifié pour leur faire produire la protéine d’intérêt, les chrysalides sont broyées et le vaccin récolté. Les manipulations des insectes, élevés dans des conteneurs individuels à usage unique, sont automatisées. Les avantages du procédé, par rapport aux process en réacteur, sont son rendement élevé, ses simplicité et flexibilité, sa rapidité et le faible coût du produit. Les cellules d’insectes peuvent produire jusqu’à 1 600 fois plus de protéine que celles de mammifères ; l’investissement de base est limité et il suffit de multiplier les effectifs en élevage pour augmenter la production ; il ne faut que 2 mois, contre 8, pour mettre un nouvel antigène sur le marché en cas de survenue d’une épidémie ; et une dose revient ainsi à 1 centime d’euro.
D’après « Insect Pupae May Transform Protein Production », par Vivienne Raper. Lu le 3 décembre 2019 à www.genengnews.com/
Photo : chenille de Ni en nature. Cliché OMAFRA

1205 Pare-brise nickel
Les insectes (volants) qui percutent les voitures (et réciproquement) constituent un immense et difficile sujet de réflexions et de recherche. Dans quelle mesure leurs effectifs reflètent-ils le déclin des populations d’insectes ? Mettent-ils en péril la mise sur les routes de voitures autonomes (voir ici) ? L’artisanat des laveurs de pare-brise au feu rouge est-il durable ? Faut-il procéder à un nettoyage spécial pour telle espèce particulière (voir là). Et comment maintenir impeccable cette vitre fort utile ?
Le constructeur états-unien de voitures électriques Tesla vient de prendre le brevet du nettoyeur absolu. Il s’agit d’un ensemble de caméras et de lasers, disposés tout autour de la caisse, qui repèrent et vaporisent tout insecte adhérant, comme toute chiure de mouche ou d’oiseau. Les passagers sont protégés par une couche d’oxyde d’indium et d’étain (non, pas de nickel…) recouvrant toutes les parties vitrées.
D’après, entre autres, « Tesla veut utiliser des rayons laser pour nettoyer les pare-brises ! », par Yohan Demeure. Lu le 1er décembre 2019 à //sciencepost.fr
Illustration : schéma fourni par Tesla 
NDLR : Le principe a été décrit ici-même il y a 10 ans (voir ici). Le constructeur a sans doute intégré le fait que les insectes percutants et collants (ainsi que les oiseaux) seront de moins en moins nombreux, car un tir de laser consomme pas mal d’énergie, au détriment de l’autonomie de la Tesla.


Les Insectes du monde
sous la coordination d'Henri-Pierre Aberlenc.
Interview du coordinateur (et auteur) par Benoît Gilles. Passion entomologie, 19 décembre 2019.

La vie étrange, secrète - et très écolos - des moustiques dévoilée,
par Daniel A.H. Peach. The Conversation, 16 décembre 2019.

Les Insectes du Monde
3 volumes
À paraître, sous la coordination d'Henri-Pierre Aberlenc
Feuillet de présentation 
Souscription 

Fin de l’insecticide chlorpyrifos, les alternatives sont déjà là
, par Xavier Reboud et Christian Huyghe.
The Conversation, 11 décembre 2019.
novembreÀ cliquer

1204 Recyclage
Un bousier avec une paire d’ailes en plus, sur le prothorax, c’est une nouveauté : ça n’existait pas. Mais ce n’est pas une innovation. Ces ailes (rudimentaires), qui remplacent la corne, sont une création d’entomologistes à partir d’un groupe de gènes ancestral.
Trois chercheurs de l’université de l’Indiana (États-Unis) ont examiné une question disputée de la biologie de l’évolution, celle de l’apparition progressive ou rapide d’organes chez des animaux, qui n’existaient pas chez leurs ancêtres même sous une forme autre.
Pour ce faire, ils ont expérimenté, avec les outils de la génétique (en inactivant des gènes précis) sur 3 bousiers à cornes (Onthophagus sagittarius, O. taurus et O. binodis - (Col. Scarabéinés), représentatifs de la diversité de cet appendice propre aux mâles. La corne, expansion dorsale du 1er segment du thorax, était jusque là un exemple classique d’organe nouveau car propre à ces coléos et sans relation avec une autre structure du tégument.
Leurs manipulations, sur les nymphes, ont clairement montré que le même groupe de gènes, très ancien, donne naissance à cette corne et aux ailes à partir d’une zone entre pleurite (partie latérale des segments) et tergite (dessus).
Au cours de l’évolution des insectes, il a produit les ailes sur les segments II et III du thorax mais aussi d’autres organes. Parmi ceux-ci les petites ailes prothoraciques des Paléodictyoptères (fossiles), les expansions latérales foliacées du thorax des tigres (Hém. Tingidés), le casque des Membracides (Hém. Membracidés), les cornes uniques ou doubles de Coléoptères Ténébrionidés et Dynastinés (voir schéma). Et aussi les carènes latérales du prothorax des scolytes (Col. Tenebrionidés) ainsi que les gin traps, organes sensoriels latéraux des nymphes de certains Lépidoptères et Coléoptères déclenchant une réaction de défense.
Cet exemple montre qu’il faut réexaminer ce qu’on considère encore comme nouveautés.
Article source DOI: 10.1126/science.aaw2980
Schéma : expansions du prothorax (en bleu) à partir d’un insecte ancestral. Dessin des auteurs
À (re)lire : De quelques tigres, par Alain Fraval. Insectes n° 140 (2006-1)  et Les membracides…, par Benoît Gilles. Insectes n° 188 (2018-1).
NDLR : le terme anglais gin trap (dans le civil : piège à mâchoires) me semble n’avoir aucune traduction en français.

1203 L’amour et la mémoire
À l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (avec l’université PSL et le CNRS), on vient d’établir qu’il faut faire le premier pour bénéficier de la seconde. En tous cas si l’on est une drosophile.
La mémoire est celle d’aversions. La droso jeunette n’en a pas ; elle en acquiert non pas avec l’âge mais suite à sa rencontre avec un beau mâle.
Elle reçoit en effet en cadeau de noces, contenu dans le sperme, un peptide (le sex-peptide, déjà connu) qui active une paire de neurones dans la partie qui sécrète la sérotonine dans son cerveau. C’est cette activation qui crée la mémoire à long terme.
L’avantage pour l’espèce est sans doute que la demoiselle, vivant uniquement dans le temps présent, a plus de chance, en papillonnant, de tomber sur un partenaire de qualité, qui lui donnera plein d’asticots vigoureux. Autre profit : ne rien retenir est économe en énergie profitable pour les jeunes frais émergées.
Article source (en anglais, gratuit) 
Illustration : schéma – PKA : protein kinase A ; cAMP : cyclic adenosine monophosphate. Dessin Lisa Scheunemann et Thomas Preat

1202 Juteux trafic de gènes
Leur succès est époustouflant. Ils sont le quart du monde animal et 40 % de celui des insectes. Certes, ils s’y sont pris très tôt, au Carbonifère, il y a à peu près 327 millions d’années ; mais ce ne sont pas les seuls. Leur atout : être capables de digérer – avec ou sans symbiontes - l’indigeste, soit les pectines, l’hémicellulose et la cellulose, composants des parois cellulaires des végétaux, et pouvoir profiter ainsi de la ressource en hydrates de carbone (sucres) la plus importante de la Planète.
Une équipe internationale de chercheurs a puisé dans les bases de données sur les génomes pour établir la phylogénie de l’ordre (4 818 gènes de 146 espèces), tracer l’évolution de la phytophagie en son sein (89 gènes de 521 espèces) et suivre l’apparition de gènes permettant la digestion directe de la lignocellulose (154 génomes ou transcriptomes). Outre des Coléoptères, des représentants d’ordres voisins ont été inclus : Mégaloptères, Neuroptères, Raphidioptères et Strepsiptères.
L’analyse de ces données fixe l’origine des Coléoptères au Carbonifère et appuie l’hypothèse de la codiversification avec les angiospermes. Les enzymes dégradant les composants des parois cellulaires (PCWDE) ont été acquis par transmission horizontale à partir de bactéries et de champignons, deux fois, au Mésozoïque (entre -252 et -66 millions d’années). Cette période a vu une très forte multiplication des espèces, suffisamment diversifiées pour que l’ordre soit présent sous tous les climats et s’adapte à ses changements.
La moitié des espèces actuelles sont les descendants directs d’insectes apparus au milieu du Jurassique (autour de - 75 Ma). L’acquisition des enzymes est à l’origine de régimes et comportements alimentaires très spécialisés (mineurs, xylophages, champignonnistes...).
Les Coléoptères doivent également leur succès à leur taux d’extinction des espèces remarquablement faible.
Article source (en anglais, gratuit)
Illustration : arbre phylogénétique des Coléoptères (partim). De l’article

1201 L’apocalypse attendra
Plusieurs études de séries temporelles de dénombrements d’insectes ont conclu à une apocalypse des insectes – voir ci-dessous notamment. Les conclusions de ces travaux basés sur des plans d’échantillonnage réduits et/ou très localisés sont contredites par une étude britannique portant sur des relevés allant de 1967 à 2017.
L’échantillonnage, par 34 pièges lumineux fixes, a porté sur les papillons de nuit, insectes aux régimes alimentaires variés, pollinisateurs nocturnes et provende des parasites et prédateurs. Il a été conduit par les entomologistes de la station de Rothamsted. Ces pièges étaient installés dans les bois (9), en prairie (8), dans les champs (7) et dans des jardins en ville (10). Ils ont ainsi suivi les variations de la biomasse en attribuant à chaque spécimen de Crambidé et de Pyralidé (leurs tailles sont très disparates) un poids sec, d’après une table pré-établie. Ce paramètre du peuplement est écologiquement signifiant car il représente à la fois la quantité de matière végétale consommée par les chenilles et celle disponible pour les ennemis naturels.
Il en résulte que la biomasse des papillons de nuit a augmenté jusqu’en 1982 puis diminué doucement jusqu’à nos jours. Entre la première et la dernière décennie, cette biomasse aura crû de 2,2 fois.
Ni l’intensification agricole, ni la pollution lumineuse ne paraissent jouer de rôle dans les variations observées. Ce sont les épisodes de conditions météorologiques extrêmes (forte pluies, sécheresses…) qui semblent avoir gouverné l’abondance des insectes, et non le climat général.
On manque assurément des données nécessaires pour estimer les changements d’effectifs des populations d'insectes et en trouver les explications.
Article source (gratuit, en anglais) 
Photo : Grande Naïade, alias Papilionaire, Geometra papilionaria (Lép. Géométridé) ; sa plante-hôte, le bouleau est très sensible à la sécheresse. Cliché Callum Macgregor  

1200 Menu fretin
En Afrique, les gens sont fortement incités à se prémunir des moustiques vecteurs du paludisme par des moustiquaires. La taille de la maille varie normalement entre 0,6 (les meilleures) et 1,2 mm. Des programmes d’aide, comme celui de la fondation Gates en distribuent.
Les gens qui vivent au bord de l’océan détournent les moustiquaires, malheureusement pour eux et pour leurs ressources halieutiques. Ils s’en servent en effet comme filets de pêche.
Benjamin Jones, de l’université de Stockholm (Suède), a constaté à Palma, au Mozambique, qu’un seul trait de ce superfilet ramène plus que la moitié en poids de la récolte obtenue journellement avec un filet traditionnel. Mais les poissons capturés sont surtout des juvéniles, ce qui compromet gravement le stock et affecte la vie dans les herbiers côtiers.
Ainsi les moustiquaires vont-elles appauvrir ce gens.
Article source (gratuit, en anglais)  
Photo : poissons pêchés à la moustiquaire. Cliché des auteurs

1199 Asticoter les mouches à la machine
À l’université (catholique) de Dallas (Texas, États-Unis), Drew Steneson, chercheur physiologiste en Mouche du vinaigre, et son collègue physicien Jacob Moldenhauer ont entrepris de mettre au point une machine capable de faire mal à des drosos. Ceci dans le but de mieux comprendre les mécanismes de la douleur chez l’Homme.
Pour infliger une « douleur » à une mouche, sans l’abîmer, une des pratiques consiste à appuyer dessus avec un fil de pêche (elle s’arrête, se roule par terre…). C’est aux thésards du labo qu’incombe ce travail (au sens originel du mot), qu’ils mettent des mois à maîtriser.
D’où l’idée de le faire exécuter par un appareil ad hoc et d’en confier la construction à la sophomore (2e année de fac) Julia Krause. Laquelle, avec un microcontrôleur Arduino et des pièces imprimées en 3D est presque parvenue en quelques mois à une machine fonctionnelle. Elle doit encore fabriquer une pièce introuvable.
À ceci près, les drosos du labo Steneson – et d’autres lieux de recherche – peuvent avoir la satisfaction d’être désormais tourmentées avec régularité, précision et reproductibilité.
D’après « Student develops machine to aid pain research in flies », par Natalie Villafranca. Lu le 6 novembre 2019 à http://udallasnews.com/
Photo : l’asticoteur de drosos. Cliché Patrick Goodman

1198 Rescapées du trou soviétique
En 2016, une Épingle titrée « Au fond du trou soviétique » alertait sur les conditions à peine vivables d’un million d’ouvrières, emprisonnées dans un ancien silo à missile nucléaire en Pologne, sans rien à manger, sans espoir.
Après avoir extrait une poignée d’entre elles et vérifié qu’elles s’entendaient bien avec leurs sœurs de la colonie en surface (hydrocarbures cuticulaires reconnus), des entomologistes secourables et surtout curieux leur ont offert un chemin vers la liberté. Ils ont installé un poteau en bois entre le sol de la prison et le trou d’aération au milieu du plafond en béton que nos Fourmis rousses des bois ne pouvaient atteindre. À la suite de courageuses et surtout curieuses pionnières, toutes les ouvrières sont sorties et ont rejoint le nid en dôme de leur naissance.
En bas, les fourmis n’ont produit aucun couvain, l’effectif se maintenant par la chute d’individus de la surface. Si exceptionnellement elles ont pu se régaler d’une chauve-souris morte, leur ordinaire était fait des cadavres de leurs consœurs, ce qu’atteste l’examen des dépouilles entassées dans leur cimetière : toutes avaient l’abdomen troué.
On corrigera donc la dernière phrase de l’Épingle de 2016 – elles sont finalement toutes parvenues à la surface, grâce à un deus ex machina en forme d’entomologiste -, en saluant leur ténacité et leur faculté de survivre dans des conditions si terribles.
Article source (en anglais, gratuit) 
Photo : ouvrières de Formica polyctena, juste avant la pose du poteau. Cliché Wojciech Stephan
À (re)lire : Les insectes sociaux et leurs morts, par Alain Fraval. Insectes n° 194 (2019-3). En ligne ultérieurement.
NDLR : si le trou n’a pas été bouché, d’autres (ou certaines des mêmes ?) se feront prendre… À suivre.

1197 Pire que ce qu’on pensait
On disposait jusque-là d’indicateurs du déclin des populations d’insectes basés sur leur masse d’une part et sur des comptages d’individus d’une espèce ou de plusieurs, apparentées. Paraît une vaste étude internationale pilotée depuis la Technische Universität München (TUM) qui livre les résultats de dénombrements faits entre 2008 et 2017 au Brandebourg, en Thuringe et au Bade-Wurtemberg, en Allemagne.
Les chercheurs ont collecté 1 million d’insectes, représentants de quelque 2 700 espèces, sur 300 sites en prairie et en forêt, en suivant des gradients. En 10 ans, constatent-ils, beaucoup d’espèces n’ont pas été recapturées et  les effectifs ont baissé de 40 % en forêt et du tiers en prairie. Tous les peuplements entomologiques sont affectés, ceux de pâtures à moutons comme ceux de forêts en zones protégées.
En prairie, les pires résultats sont relevés autour des grosses exploitations agricoles de production intensive, que les insectes ne parviennent plus à franchir. En milieu forestier, ce sont les insectes les plus mobiles sur de longues distances qui subissent les pertes les plus sévères. Ceci sans qu’on sache si cela est dû à leurs contacts avec le milieu agricole ou à des conditions propres aux forêts.
Les efforts actuels portent essentiellement à installer des parcelles favorables aux insectes par ci, par là. Ils risquent de rester vains sans une planification à l’échelle du paysage.
D’après notamment « Insect decline more extensive than suspected », communiqué de la TUM. Lu le 31 octobre 2019 à //phys.org/news/
Photo : prairie dont l’entomofaune pâtit du voisinage des champs. Cliché TUM


La vie des Coléoptères d'Europe, de Denis Richard et Pierre-Olivier Macquart, par benoît Gilles. Passion entomologie, 25 novembre 2019.

Les abeilles sont capables de surfer sur l'eau, la preuve en images
, par Anne-Sophie Tassart. Sciences et Avenir, 19 novembre 2019.

Une espèce de coléoptère endémique en voie d'être protégée
, par Estelle Gasnet. Soualiga Post, 18 novembre 2019.
[Solénoptère de Chalumeau Soleneoptera chalumoi, Col. Cérambycidé]

Les pucerons, des insectes passionnants et problématiques
(1/2), par Maurice Hullé. Passion entomologie, 18 novembre 2019.

Une redoutable bactérie disséminée par des insectes : Xylella,
par Romain Garrouste. The Conversation, 17 novembre 2019.

Il y a 99 millions d'années, des insectes butinaient déjà les fleurs
, par Joël Ignasse. Siences et avenir, 12 novembre 2019.
[Angimordella burmitina, Col.]

Expédition en Afrique sur les traces d’un des plus grands papillons du monde.
Le Monde, 11 novembre 2019.
[Papilio antimachus, Lép. Papilionidé]

« L’effondrement de la vie sous nos latitudes reste largement sous le radar médiatique »
, par Stéphane Foucart. Le Monde, 9 novembre 2019.

Histoire évolutive des phasmes et des phyllies
, par Benoît Gilles. Passion entomologie, 4 novembre 2019.

octobreÀ cliquer

1196 Sans bouchon
Trafic très ralenti, circulation à l’arrêt, c’est la plaie. Trop de monde dans la même direction au même moment, qu’on soit en voiture, en vélo ou sur 2 pattes. Sur 6, pas de problème d’embouteillage, ça reste fluide, en tous cas chez les fourmis.
C’est ce qu’ont montré des chercheurs entomobaïnologues du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université de Toulouse III – Paul-Sabatier) et de l’université d’Arizona (États-Unis), expérimentant l’effet de la densité sur la marche de la Fourmi d’Argentine, Linepithema humile (Hym. Dolichodériné). En nature, les chemins entre le nid et les lieux d’affouragement sont fréquentés par des myriades d’ouvrières.
Les chercheurs ont créé des colonies artificielles de 400 à 25 600 individus. Les ouvrières à jeun depuis 5 jours se sont vu offrir du sirop à l’autre bout d’un pont en plastique de 17 cm de long et de 3 largeurs : 5, 10 et 15 mm. Installée au-dessus du pont, une caméra a enregistré le trafic de 170 expériences (comptant les répétitions) durant 1 h. Ont été mesurées la vitesse de chaque fourmi et la fréquence des chocs entre elles.
Chez les humains, qu’ils marchent ou qu’ils roulent, l’embouteillage commence dès que 40 % de la surface est occupée. Chez les fourmis, le trafic ne ralentit qu’au-delà de 80 %. en fait, elles s’adaptent. Tant qu’il y a peu de monde, elles courent plus vite. Si leur densité augmente, elles s’arrangent pour éviter les collisions et si la foule est trop dense, elles évitent de s’y joindre.
Une différence importante de ces fourmis avec les gens est qu’elles ne craignent pas les chocs, bien protégées par leur tégument, ce qui leur permet d’accélérer quand nous avons le réflexe de ralentir. Dans leurs déplacements de masse, elles sont gouvernées par des rétroactions positives : suivre la piste et y ajouter leur marque chimique – et n’ont que des contacts très brefs entre elles.
Ce qu’on a appris de l’étude de la circulation des fourmis (et ce qui reste à découvrir comme les mécanismes) intéresse beaucoup les ingénieurs dans bien des domaines, des télécommunications à la mise au point du comportement des véhicules autonomes en passant par la biologie moléculaire.
Article source (gratuit, en anglais) 
Parmi les insectes destructeurs de bouchons, la Fourmi du liège Crematogaster scutellaris (Myrmiciné).
Photo : Fourmis d’Argentine sur un appât. Cliché Whitney Cranshaw/CSU
NDLR : la voiture autonome sera-t-elle finalement inspirée des autos tamponneuses ?



1195  Ver rose, du rose au gris
Le Ver rose du cotonnier Pectinophora gossypiella (Lép. Géléchiidé) sévit partout où l’on produit du coton. La chenille perce le bouton ou la capsule, grignote la graine, souille la fibre puis se chrysalide à l’intérieur. Il peut y avoir jusqu’à 5 générations par an. Les pertes sont habituellement de 40 %, souvent beaucoup plus.
L’arme essentielle pour maîtriser les populations, devenues résistantes aux insecticides, est l’emploi de variétés exprimant une toxine de la bactérie Bacillus thuringiensis. Mais rapidement le Ver rose a acquis ici et là une tolérance grandissante au cotonnier Bt. D’où l’installation, jouxtant les champs semés en coton Bt, de parcelles de cotonnier traditionnel, dites zones refuges, devant assurer le maintien d’une sensibilité suffisante de la population globale du déprédateur à la toxine.
Cette stratégie, appliquée en pratique différemment par les cotonculteurs, aboutit à des résultats contrastés, comme l’ont montré Bruce Tabashnik et Yves Carrière (université de l’Arizona, États-Unis), comparant les situations dans 3 endroits du monde. En Arizona, le cotonnier Bt a été cultivé depuis 1996, à côté de 25 % de cotonnier traditionnel (refuge), avec un succès qui a conduit à l'abandon des traitements chimiques.
Depuis 2006, on lâche des milliards de papillons stériles, de façon à ce que les rares mâles résistants aient plus de chances de s’accoupler avec ceux-ci et restent sans descendance. Ceci en plus de l’emploi exclusif depuis 2010 de cotonnier Bt bitoxine (Cry1Ac and Cry2Ab). En 2018, il fut déclaré par le ministère états-unien de l’agriculture que le Ver rose était « éradiqué » des plantations commerciales – ceci au bout d’un siècle de lutte.
En Chine, les zones refuges sont rares, car le ravageur local principal, l’Armigère, alias Noctuelle de la tomate Helicoverpa armigera, (Lép.
Noctuidé), polyphage, risque de les détruire. Face à la montée de la résistance, les semenciers ont diffusé des graines hybrides (F2) équivalentes à un mélange de cotonnier transgénique avec 25 % de non Bt (un peu à l’insu des cotonculteurs). La résistance, de façon surprenante,
a diminué et le Ver rose est maîtrisé.
En Inde, les graines de cotonnier Bt ont été vendues avec un sachet de cotonnier non Bt, de quoi ensemencer 20 % en surface. Mais ces graines n’ont généralement pas été semées, faute en partie de formation. En moins de 10 ans, la résistance a grimpé et on s’est tourné vers un cotonnier double Bt (Cry1Ac et Cry2Ab). Les chenilles sont devenues rapidement tolérantes à la seconde toxine. Les cotonculteurs en sont réduits à revenir à leur pratique ancienne, raccourcir la saison, et à subir des dégâts.
Comme quoi l’aménagement de zones refuges suffisantes est bien, comme l’avaient montré des expériences préalables, nécessaire à la maîtrise de ravageurs au moyen de plantes transgéniques. Sans oublier les autres composantes d’une lutte intégrée comme la destruction des résidus de culture.
Article source

1194 Ça dépend du paysage
Parmi les différentes modalités de la lutte biologique (alias biocontrôle), la lutte inondative (alias augmentative) a pour principe l’apport en masse d’organismes antagonistes du ravageur (alias bioagresseur) dont on veut limiter les effectifs, en se passant des armes chimiques. Les résultats de ces interventions sont souvent très variables, pour un même couple ravageur/auxiliaire.
L'éventuelle concurrence avec les parasites et prédateurs locaux a été pointée depuis longtemps mais peu d'études y ont été consacrées.
Dans l’État de New-York, le chou est une culture fort importante. Cette plante nourrit aussi beaucoup de chenilles indésirables comme celles de la Fausse-arpenteuse du chou Trichoplusia ni (Lép. Noctuidé), de la Piéride du chou Pieris brassicae (Piéridé) et de la Teigne des choux Plutella xylostella (Plutellidé). 156 prédateurs et 7 parasites locaux vivent à leurs dépens, sans effet visible sur leurs populations.
Contre ces ravageurs, on procède à des lâchers de la Punaise soldat Podisus maculiventris (Hém. Pentatomidé) et de la coccinelle Hippodamia convergens (Col. Coccinellidé). Ces deux espèces généralistes sont autochtones : le premier ponctionne les chenilles, la seconde croque les oeufs. Beaucoup d’échecs tendent à détourner les brassiculteurs de la lutte inondative.
Ricardo Perez-Alvarez et ses collaborateurs ont procédé à l’expérience suivante. Sur 11 sites, choisis dans la campagne « naturelle » et dans l’openfield, ils ont suivi 2 parcelles de chou, une témoin et l’autre traitée par les 2 auxiliaires, où ils ont enregistré l’abondance des insectes, les dégâts et le rendement final. Ceci complété par des manips au laboratoire.
Il en ressort que l’apport des auxiliaires est efficace là où le paysage est complexe, avec une part limitée de champs. Dans les paysages agricoles simplifiés où tout le terrain est en culture, la lutte inondative ne fonctionne pas. La raison en est sans doute la compétition entre les prédateurs lâchés et ceux en place. Des études complémentaires sont nécessaires pour éclaircir ce point.
Article source (gratuit, en anglais) 
NDLR : la Punaise soldat est disponible en France pour lutter contre le Doryphore et diverses chenilles ; la Coccinelle convergente, américaine, est présente en France.
À (re)lire : La lutte biologique : un aperçu historique, par P. Jourdheuil, Pierre Grison et Alain Fraval. Le Courrier de la cellule environnement n° 15.
 
1193 Le cafard et la lune
Le 24 juillet 1969, il y a 50 ans – c’est pour ça qu’on en reparle –, la mission Apollo 11 ramenait sur terre les 3 astronautes et des échantillons de sol lunaire. Les uns et les autres furent traités avec d’infinies précautions – à quelques aberrations près – car on craignait que fussent rapportées malencontreusement des créatures contaminantes et malfaisantes.
Les trois héros furent donc soumis à 3 semaines de quarantaine, n’ayant de contact qu’avec une vingtaine d’intrépides humains terrestres. En même temps, on injecta de la poussière de lune à des souris qu’on observa méticuleusement.
Les astronautes et les souris ne montrèrent aucune réaction certes, mais le reste de la vie sur Terre ? Les agents de la NASA prélevèrent sur le très coûteux stock de roches lunaires 22 kg, dont la moitié fut stérilisée. Tout ça fut
offert à divers animaux, Caille du Japon, huître, poisson (sans nom), crevette grise, Mouche du vinaigre et Blatte germanique, mêlé à leur milieu ou en piqûre.
Au bout d’un mois en examen, les blattes s’étant alimentées d’une provende mêlée à de la poussière de lune, se portaient comme un charme et comme leurs consoeurs du lot témoin.
Et il en fut de même pour tous les animaux, sauf les huîtres, mais à cause d’une mauvaise manip. Ainsi que pour les plantes soumises au même test.
L’expérience fut renouvelée après les missions Apollo 12 et 14. Plusieurs espèces animales furent ajoutées, dont la Mouche domestique et la
Fausse Teigne des ruches, tandis que la drosophile disparut de la liste.
Finalement, on cessa ces tests, on épargna aux astronautes la pénible quarantaine et l’on fit cesser la fureur des chercheurs sélénologues pour qui tout ceci fut un gâchis de matériel précieux.
D’après « NASA Fed Apollo 11 Moon Rocks to Cockroaches (And Then Things Got Even Weirder) », par Meghan Bartels. Lu le 25 juillet 2019 à www.space.com

1192 Pour le malheur des demoiselles...
...Les insecticides appliqués notamment par les agriculteurs ne s’arrêtent pas à la limite du champ mais se dispersent dans les environs et retombent ou sont transportés jusqu’aux eaux douces. Les études sur la toxicité des néonicotinoïdes rendent des résultats contradictoires entre le terrain et le labo et leur impact sur les Odonates n’a que peu été travaillé.
Une équipe hollandaise (au Living Lab, à Leyde) a soumis des larves d’Agrion élégant Ischnura elegans (Odo. Cénagrionidé), une demoiselle très commune, à des concentrations réalistes de thiaclopride. L’essai s’est déroulé dans des mares, comparant les effets sur des lots encagés (nourris ou devant chasser) et la population libre.
Aux plus faibles concentrations appliquées, les larves encagées mangent moins, grandissent plus lentement et sont moins actives. Cet effet est atténué si elles ont à se nourrir par elles-mêmes. Le facteur alimentation joue un grand rôle dans la dynamique des populations ; il n’est pas pris en compte dans les manips au labo, où les larves sont bien nourries.
À des doses plus fortes, les émergences sont moins nombreuses et donc la population se reproduit moins. Ceci peut conduire à la disparition locale de l’Agrion élégant, une espèce pourtant considérée comme robuste.
Et, en effet, la Butterfly Fundation a constaté un déclin quantitatif et géographique de cette demoiselle depuis 2008.
Article source (gratuit, en anglais)
NDLR : le thiaclopride est interdit en Europe depuis septembre 2018



1191 Phytothérapie
Quelles plantes seraient salutaires pour les insectes qui les butinent, en les protégeant des maladies  ? Des chercheurs du jardin botanique royal de Kew et de l’université de Londres (Royaume-Uni) ont trouvé que la callune (bruyère) protège les abeilles des parasites du genre Crithidia, des trypanosomes qui s’installent dans leur tube digestif. Cette pathologie s’ajoute aux pesticides, au réchauffement et aux pertes d’habitats pour amplifier le déclin des abeilles, particulièrement les espèces sauvages que nul apiculteur ne soigne.
Les chercheurs ont testé le nectar de 17 espèces végétales importantes pour les abeilles sur des cultures de C. bombi, du Bourdon terrestre Bombus terrestris (Hym. Apidé). L’effet inhibiteur le plus important sur le parasite a été celui de la bruyère du genre Calluna. Puis ils ont déterminé l’unique substance responsable, qu’ils ont nommée callunène.
Ce médicament naturel est de moins en moins disponible. Les bruyères poussent sur les landes, lesquelles disparaissent rapidement. Au Royaume-Uni, les landes de plaine ont été réduites de 85 % au cours des 150 dernières années.
La mise en évidence du rôle protecteur de la bruyère est un argument supplémentaire en faveur de la protection des landes, paysages cédant leur place à l’agriculture et à l’urbanisation.
D’après « Saving heather will help to save our wild bees », lu le 11 octobre 2019 à //phys.org/news.
Photo : Abeille mellifère sur fleur de callune. Cliché Florabeilles/Philippe Forex

1190 Les marmots, c’est du sommeil en moins
Tous les animaux dorment, y compris les insectes. Le besoin de sommeil est vu comme rigide et largement indépendant des activités ; la privation de sommeil est considérée comme délétère, pour des raisons qui demeurent obscures. Certains vertébrés (rats et surtout oiseaux ont été étudiés) peuvent se priver de sommeil pour migrer ou surveiller les prédateurs.
Moshe Nagari et ses collaborateurs de l’Université hébraïque (Israël) ont testé l’hypothèse suivante : les ouvrières des abeilles (en l’occurrence le Bourdon terrestre Bombus terrestris, Hym. Apidé) dorment moins quand elles s’occupent du couvain.
Ayant défini le sommeil comme toute cessation d’activité pendant au moins 5 minutes, les chercheurs ont procédé notamment à des enregistrements vidéo, des analyses de comportement, des privations forcées de sommeil.
Les ouvrières isolées dorment nettement moins en présence de larves – qu’il faut nourrir - ou de nymphes dans leur cocon – qui ne mangent pas. Il en est de même en présence de cocons vides (l’effet est de courte durée), ce qui suggère l’action d’une phéromone sécrétée par la nymphe. Une fois le couvain retiré, les ouvrières dorment plus, mais pas autant que les témoins.
Il semble que les nymphes aient besoin tout au long du nycthémère de soins de l’ordre de la régulation thermique et du toilettage.
Chez ces insectes eusociaux, l’évolution a conduit à un mécanisme qui garantit des soins constants et intensifs au couvain même s’il ne manifeste aucune demande, par des individus sans descendance.
Article source (gratuit, en anglais) 
Photo : ouvrières nourrissant les larves. Cliché www.sci.muni.cz/

1189 Les bruits parasites et le parasite
Les bruits sont ceux des rivières cascadantes et des bagnoles vrombissantes ; le parasite est la tachinaire Ormia ochracea (Dip. Tachinidé), très connue pour son ouïe super fine, qui lui permet de repérer son hôte – un grillon stridulant d’amour - et d’y aller pondre. Est-elle perturbée, notamment par les sons anthropogéniques ?
Des chercheurs de l’université polytechnique de Californie (États-Unis) ont posé dans différents lieux plus ou moins bruyants des hauts-parleurs réglés plus ou moins fort, diffusant des appels de grillon à grillonne, à côté de pièges gluants. Ceux-ci ont capturé moins d’individus de la tachinaire dans les zones de bruits intenses. Les grillons profiteraient donc du vacarme, qui leur ferait comme bouclier pour échapper à leur ennemie.
Mais ce ne serait pas intéressant si les bruits ambiants troublaient les femelles, qui ne reconnaîtraient pas l’appel stridulé par leurs prétendants. Ceci reste à vérifier.
D’après « Are humans preventing flies from eavesdropping? ». Lu le 27 septembre 2019 à //phys.org/
Photo : Femelle gravide d’Ormia ochracea. Cliché Jpaur/Wikipedia 
Dernière Épingle consacrée à O. ochracea ci-dessous  
À (re)lire également : Insectes ingénieurs 3., par Alain Fraval. Insectes n° 193 (2019-2)
NDLR  : un article paraît en même temps sur le même sujet : Gallego-Abenza et al., 2019. Experience modulates an insect’s response to anthropogenic noise. Behavioral Ecology, arz159.

Que signifie vraiment le déclin des insectes pour la biodiversité ? Par Michel Renou. The Conversation, 30 octobre 2019.

Une nouvelle espèce de punaise invasive découverte dans le sud de la France.
INPN, 14 octobre 2019.
[Zelus renardii, Hém. Réduviidé]  

Le retour des envahisseurs invisibles
. Arte, 5 octobre 2019. Vidéo.  

[Poux, punaises de lit, acariens, moustiques et tiques]
septembreÀ cliquer

1188 Monarque, dehors !
La monarchie, c’est-à-dire tout ce qui tourne autour de Danaus plexippus (Lép. Nymphalidé), est très populaire aux États-Unis. On suit les migrations extraordinaires de ce papillon, on se désole du déclin de ses populations, on le voudrait inscrit sur la liste des espèces en danger, on le dessine, on l’élève et on le lâche.
Amateurs, écoliers et professionnels multiplient le Monarque d’Amérique en cage pour le plaisir, l’étude d’un insecte, le repeuplement. Ainsi on le lâche en grandes quantités pour grossir les troupes de ses congénères sauvages, mais aussi pour fêter un mariage.
Ces individus d’élevage sont-ils modifiés ? Les marchands jurent qu’ils puisent régulièrement dans la nature de quoi régénérer leurs lignées.
A. Tenger-Trolander et ses collaborateurs (université de Chicago, Illinois, États-Unis) ont comparé l’orientation du vol des Monarques élevés à celle des sauvages. Les papillons sont suspendus à une fine tige au-dessus de l’objectif d’une caméra dans une cage de vol cylindrique. L’angle de l’axe du corps avec le nord est enregistré.
En automne, temps du départ vers le Mexique, les sauvages sont en diapause reproductive  et s’orientent principalement vers le sud, cependant que les papillons d’élevage (du commerce) se tournent dans toutes les directions. Ces derniers s’avèrent génétiquement distincts de tous les ressortissants des différentes populations sauvages.
Élevés en insectarium, dans les conditions de l’automne (18°C, 14 heures de jour), les Monarques perdent leur préférence d’orientation ; il doivent être élevés dehors, où les conditions sont changeantes, pour conserver leur comportement naturel.
Ces chercheurs concluent que les élevages de soutien aux effectifs, petits et grands, sont plutôt nuisibles et qu’il vaudrait bien mieux aménager des zones de nourrissage avec leurs plantes préférées, les asclépiades.
Article source : doi: 10.1038/d41586-019-02644-y  
Illustrtion : publicité d’un éleveur, Mariposeando  (en Espagne !). Mode d’emploi : passer les papillons au frigo, les déposer sur le gâteau ou la robe de la mariée ; réchauffés, ils s’envolent.

1187 Des goûts et des couleurs...
Sous-entendu, il est difficile de s’accorder sur leur appréciation. La Mouche du vinaigre, sur la paillasse de 4 chercheurs de l’université de Miami (Floride, États-Unis), vient peut-être de nous indiquer pourquoi.
Contrairement à la doxa, notre droso déteste la lumière bleue (de la mi-journée) et lui préfère le rouge ou une faible clarté. Sinon, le matin et le soir, sa couleur préférée est le vert. Son goût pour telle couleur dépend de l’heure de la journée. Et contrairement à ce qui se passe chez nous les autres animaux, le bleu n’a pas d’effet sur le calage de son horloge interne.
Pour parvenir à cette découverte surprenante, nos chromo-entomologistes ont monté une grosse manip. Des centaines de mouches ont été recrutées et placées une par une dans des tubes au bout desquels était placé de la nourriture. Chacun des 3 tronçons de ces tubes était éclairé en rouge, en vert ou en bleu. Ceci pendant 12 heures de « jour », tout étant éteint les 12 autres heures. Les mouvements des drosos étaient enregistrés durant 2 semaines. Les mouches ont résolument évité la zone bleue, sauf pour de brèves incursions pour s’y nourrir.
Les individus modifiés génétiquement, privés des gènes de leur horloge, restent dans le vert. Le bleu est perçu non seulement par les yeux mais par des cellules de l’abdomen.
Ce résultat impose de revoir certaines expériences sur la drosophile où on n’a tenu aucun compte de l’heure.
Il reste à voir si nos goûts en matière de couleurs ne varient pas selon le cours de la journée.
D’après « Study gives the green light to the fruit fly's color preference », par l’université de Miami. Lu le 18 septembre 2019 à //eurekalert.org/
Vidéo   

1186 Cafard visqueux
Il suffit d’un magnétomètre atomique avec un système qui déplace régulièrement l’échantillon pour  mesurer, sans le léser, les champs magnétiques qui le parcourent et ce à la température ambiante. Et recevoir le prix Ignobel en biologie, un prix réservé à des recherches improbables et qui font sourire, tout en étant fort sérieuses.
Les entomologistes sont presque toujours les gagnants à ce défi mondial. Cette année, la récompense va à une équipe plurinationale qui a établi, grâce à l’outillage sus-mentionné, que la Blatte américaine Periplanta americana (Blatt. Blattidé) renferme des particules magnétiques qui se comportent différemment selon que l’insecte est vivant ou mort car, dans ce cas, son milieu intérieur est plus visqueux.
Article lauréat (gratuit, en anglais) 
Illustration : schéma extrait de l’article. images/cafard-magnétique.jpg
Le prix Ignobel de l’an dernier : Une mouche dans le verre.  

1185 Percutants, aveuglants 
Bientôt nous rouleront dans des voitures autonomes, comptant les papillons au bord de la route (s’il en reste des vrais). Les constructeurs perfectionnent leurs prototypes et résolvent au fur et à mesure tous les problèmes (sauf ceux qu’ils ne prévoient pas).
Ainsi, nos salons roulants mus par l’électricité (verte !) seront munis de caméras, de capteurs divers et d’une puissante informatique embarquée. Caméras et capteurs seront abrités dans une sorte de tourelle vissée sur le toit, une excroissance disgracieuse mais nécessaire. Caméras et capteurs sont au point, à ceci près – qu’on vient de découvrir - qu’ils sont à la merci des insectes percutés et réduits en bouillie opaque.
Les ingénieurs de Ford, désarmés, ont appelé un consultant : Mark Hostetler, un zoologiste bien connu pour son ouvrage That Gunk on Your Car*, justement récompensé par le prix IgNobel de 1997 et spécialiste mondial des insectes écrasés sur les pare-brise. Grâce à ses judicieux conseils, nos ingénieurs ont muni la tourelle d’une « tiare » dont l’aérodynamisme écarte la trajectoire des candidats à l’impact. Mais pas de tous ; certains acharnés arrivent à percer le rideau d’air créé. Ford a donc ajouté des buses qui projettent un liquide nettoyant sur les lentilles des caméras. Suit un jet d’air pour sécher.
Le dispositif anti-insectes routiers n’est actionné que si c’est judicieux. Grâce à un codicille au programme informatique de pilotage, avec intervention d’une intelligence artificielle.
D’après, entre autres « 
Bug Off! Ford Eliminates Insects On Its Self-Driving Car Sensors This Way », par By Dawn Geske. Lu le 5 septembre 2019 à www.ibtimes.com/
Photo : voiture Ford équipée. 
À (re)lire : La Double-Mouche du pare-brise, par Alain Fraval. Insectes n° 143 (2006-4). 
*
Voir une Brève du Courrier de l’environnement de l’INRA de décembre 1997. 
NDLR : le problème des salissures des pare-brise a été semble-t-il partiellement résolu grâce aux efforts constants de certains appliqués partout, tout le temps et à tous les insectes.


1184 Trop de sel nuit
Le Monarque d’Amérique Danaus plexippus (Lép. Nymphalidé) est sur le point d’entreprendre sa migration vers le Mexique, à partir des grandes plaines nord-américaines. Le parcours, long de 3 à 4 000 km doit se faire d’un seul coup. Au retour, la migration inverse se fera par les papillons de plusieurs générations successives. Les effectifs de Monarque diminuent : ils ne sont plus que le dixième de celui des années 1990.
Pour une équipe d’entomologistes du Minnesota, État situé au nord de l’aire de répartition de l’espèce, une des causes est le salage des routes en hiver. Les chenilles se repaissent d’asclépiades et c’est sur le bord des routes et autoroutes que poussent désormais la plupart de ces plantes, considérées comme des mauvaises herbes. En hiver, les asclépiades sont salées.
Des milliers d’individus, prélevés sur une population arrivant au printemps, ont été élevés en insectarium, les uns sur de l’asclépiade bien salée – telle que celle des bermes d’autoroute -, les autres sur des plantes moins salées – la condition de celles des bords de petites routes, moins traitées – et un troisième lot a eu un régime sans sel. Les papillons émergeants une fois mesurés, pesés, examinés, ont été relâchés après un petit séjour sous serre.
Le régime très salé retarde le développement et donne sans doute des imagos un peu débiles. Les individus issu du régime modéré suivi par la chenille ont une musculature plus développée, l’œil et le cerveau plus gros – garants de meilleures chances de réussir à gagner la zone d’hivernage.
L’équipe va maintenant tenter de capturer les papillons marqués, au Mexique.
Mais déjà, le département des transports du Minnesota a semé des bandes larges de trèfle et d’asclépiade le long e la voie I-35W et devrait adopter des mesures simples le long des autoroutes pour forcer les monarques à paître loin du bitume. Tondre pour éliminer l’asclépiade trop salée, notamment.
D’après « As monarch butterflies vanish, researchers investigate road salt as culprit and cure », par Greg Sanley. Lu le 3 septembre 2019 à //phys.org/news/
Photo : émergence du Monarque d’Amérique.



Pièces buccales des insectes : synthèse générale, par Benoît Gilles. Passion entomologie, 16 septembre 2019.

À l’automne, les punaises arrivent en ville… et aux champs, par Romain Garrouste. The Conversation, 15 septembre 2019.

Effets du changement climatique sur les insectes forestiers
, par Louis-Michel Nageleisen. Émergence de bioagresseurs en forêt : comment identifier et atténuer les risques ?, 653-659.

Nourrir les abeilles : avec des espèces locales, c'est possible ! par Vincent Albouy. Sésame, 10 septembre 2019.

aoûtÀ cliquer

1183 Une bonne leçon de propreté
On appelle désormais microbiome l’ensemble des microbes qui vivent dans un habitat donné : de la panse rectale du termite à l’ensemble HLM et au-delà. Inexploré jusque-là aura été le microbiome des chambres et galeries des fourmis.
Azteca alfari (Hym. Dolichoderiné) vit en symbiose avec les Cecropia, arbres des régions néotropicales essentiellement. C’est une fourmi qui loge dans les entre-nœuds (domaties caulinaires) en se nourrissent de masses poussant à la base de chaque pétiole (corps de Muller). En retour, la plante récupère les déjections des habitantes. Les chambres ont des fonctions déterminées : pouponnière, réserve de nourriture, salle de repos, décharge. Elles sont souvent des compartiments des entre-nœuds cloisonné avec un carton fait de tissu végétal travaillé avec un champignon.
Rob Dunn et ses collaborateurs (université de Caroline du Nord, États-Unis) ont testé l’hypothèse suivante : chaque chambre de la domatie a un microbiome particulier et différent de celui du milieu environnant et les fourmis éliminent les microbes pathogènes d’insectes et dangereux pour l’arbren nourricier.
De leur étude, conduite sur le parasolier, il ressort qu’effectivement, grâce à leurs excellentes hygiènes personnelle (toilettage fréquent) et domestique (inspections régulières), les Azteca maintiennent une propreté excellente, surtout autour du couvain.
En revanche, elles ne s’occupent pas des agents de maladies pouvant affecter le parasolier ; de ce point de vue, elles ne le protègent pas.
Les microbiomes varient selon l’endroit mais partout, la propreté est bien supérieure à ce qu’on trouve dans nos maisons et appartements.
Article source (gratuit, en anglais)
Photo : pouponnière d’Azteca alfari. Cliché Alex Wild.

1182 Toute bigame sera exécutée
C’est pour le bien de la société que les ouvrières appliquent la sentence. Une reine doit avoir un unique père-de-ses-enfants (ou 4 à la rigueur) mais pas 2, situation qui signe sa mort.
Nous sommes au Brésil chez Scaptotrigona depilis (Hym. Apidé), une mélipone (abeille sans dard, qui mord pour se défendre). La reine normalement ne s’accouple qu’une fois avec un unique faux-bourdon, alors qu’elle peut avoir une vingtaine de copulateurs-inséminateurs chez l’Abeille mellifère. Ce serait pour éviter la peine de mort.
Les mâles naissent d’ovocytes non fécondés. En cas de fécondation l’œuf évolue en femelle, ouvrière besogneuse (voire en reine), si les parents ont des allèles différents du gène de détermination du sexe, en mâle diploïdes s’ils sont semblables, ce qui se produit en cas d’appariement « assortatif » (avec un proche).
Les mâles diploïdes, infertiles et inutiles à la colonie sont des boulets. Les ouvrières les repèrent dès leur émergence et tuent la reine. C’est elle qui a fauté et elle doit périr. En copulant avec 2 mâles, elle double le risque d’une appariement assortatif mais la part des insupportables mâles diploïdes passe de la moitité à 1 quart. Et pourtant, les ouvrières l’exécuteront de préférence à une reine donnant naissance à la moitié de bons à rien. Et pourtant, la reine qui s’est accouplée avec 4 faux-bourdons ne risque pas grand-chose.
Avoir précisément 2 amants serait comme un passage évolutif vers la polyandrie ; c’est intolérable. En fait, elle est assignée à la monogamie et la gent ouvrière y veille.
Travail de Francis L. W. Ratnieks de l’université du Sussex (Grande-Bretagne) et ses 2 collègues de celle de Sao Paulo.
D’après « Queen bees face increased chance of execution if they mate with two males rather than one », communiqué de l’université du Sussex. Lu le 20 aout 2019 à //phys.org/news/
Photo : reine physogastre de Scaptotrigona depilis. Cliché  Cristiano Menezes   

1181 Saut à l’hydraulique
Certaines larves de cécidomyies (étym. vers des galles) sont capables de sauter, pour aller se nymphoser dans le sol ou échapper à un prédateur. Dans un travail financé par l’Armée états-unienne et par la Fondation nationale des sciences (id), une équipe d’entomologistes a analysé le saut de l’asticot d’Asphondylla sp. (Dip. Cécidomyidé).
Le point de départ fut la dissection, par l’un d’entre eux, de galles de verge d’or, pour en extraire les larves orange, d’une espèce non définie. Au bout d’un moment de labeur, il constata que sa récolte culminait à 2 individus. Les autres s’étaient dispersées sur la paillasse et plus loin. 
Le phénomène sera enregistré par une caméra à haute fréquence (20 000 Hz) de prises de vues. L’asticot saute à une trentaine de longueurs de son corps en 1/10e de seconde, performance comparable à celle d’insectes sauteurs sur leurs pattes. Il atterrit sans mal ; la direction semble déterminée au hasard. Ce faisant, il dépense 28 fois moins d’énergie qu’une larve rampante sur la même distance.
Il y a une sorte de charnière aux 2/3 de la longueur de l’asticot, ce qui permet au corps de s’arquer et à la partie postérieure d’appliquer la poussée – de nature hydraulique - au substrat. Il n’y a pas, comme chez d’autres sauteurs apodes, de mécanisme de détente entre les pièces buccales et la « queue » mais entre 2 zones adhésives. Celles-ci sont recouvertes de microtriches (palettes chitineuses), dont le fonctionnement n’est pas connu, mais qui semble analogue à celui des zones adhésives qui tiennent droit le cou des libellules et demoiselles.
On se demande bien pourquoi ces asticots sautent. En effet, ils ne quittent jamais la galle où ils s’empupent.
En tous cas, les ingénieurs en adhésifs et les chercheurs en robots mous sont intéressés.
D’après « Leaping larvae! How do they do that without legs? », communiqué de la Duke University. Lu le 9 août 2019 à //phys.org/news/
Photo : microtriches adhésives (1 µm) du tégument de l’asticot d’Asphondylla sp. Cliché Grace Farley.
À (re)lire : Ils sautent, par Alain Fraval, Insectes n° 167 (2012-4), p. 20 et Les insectes ingénieurs 2, par Alain Fraval, Insectes n° 192 (2019-1).

1180 Le sirop est empoisonné
Les effets indirects et indésirables des néonicotinoïdes sont bien étudiés et leur effet néfaste sur les pollinisateurs établis. Or, la source la plus abondante de sucres et la plus permanente dans les écosystèmes est le miellat des Homoptères sternorhynches. Pucerons, aleurodes, cochenilles et psylles ponctionnent la sève des végétaux et rejettent des excréments très sucrés, qui recouvrent les feuilles des végétaux qui les hébergent et aussi les plantes poussant en dessous. Un miellat contaminé risque d’empoisonner toute une foule d’insectes friands de ce sucre. Parmi eux nombreux sont ceux qui jouent un rôle positif.
Des entomologistes espagnols ont traité, via le sol ou par pulvérisation, de jeunes plants d’agrumes avec des doses réalistes de thiametoxame et d’imidaclopride, plants infestés par la cochenille farineuse de l’oranger Planococcus citri (Hém. Pseudococcidé) ; ils ont par ailleurs nourri de leur miellat 2 représentants des « insectes utiles », soit Sphaerophoria rueppellii (Dip. Syrphidé) – larve prédatrice de pucerons, imago pollinisateur – et l’endoparasitoïde solitaire de cochenilless Anagyrus pseudococci (Hym. Encyrtidé).
L’analyse révèle que les 2 insecticides sont présents dans le miellat e l’expérience que le miellat est très toxique pour les auxiliaires surtout le thiametoxame pour le syrphe.
Cette voie d’intoxication des insectes non cibles devra être prise en compte dans l’évaluation des risques dus aux traitements.
Article source (en anglais, gratuit) 

1177 Entièrement chromosensible
La Phalène du bouleau Biston betularia (Lép. Géométridé) est déjà bien connue pour sa capacité à changer de couleur avec le paysage. Elle illustre en effet le mélanisme industriel : de génération en génération, les papillons clairs trop repérables par les oiseaux ont disparu au profit des sombres -au  fur et à mesure que les suies des usines, dans l’Angleterre de la Révolution industrielle, noircissaient les arbres et autres supports.
On a remarqué il y a fort longtemps que sa chenille (une arpenteuse) prenait la teinte de son support, comme le caméléon mais bien plus lentement. Deux théories s’affrontaient depuis 130 ans : l’une y voyait une réaction visuelle via les ocelles, l’autre l’effet de l’alimentation.
Des chercheurs de l’université de Liverpool (Royaume-Uni) et de l’institut Max-Planck (Allemagne) ont mis en évidence un troisième mécanisme, tout à fait original chez les arthropodes.
Sur leur paillasse, des chenilles aveuglées à la peinture noire posées sur des tourillons en bois peints en blanc, en vert, en brun et en noir s’adaptent à la couleur de leur support, tout comme les témoins voyants. Face à un choix de branches de teintes différentes, les chenilles arpentent jusqu’à celle qui correspond à leur propre couleur.
Puis ils ont recherché l’emplacement des gènes censés gouverner la couleur, codant pour l’opsine (composant de la rhodopsine des yeux des animaux) : ceux-ci sont sur tout le corps.
Ce mécanisme renforce le camouflage de cette chenille qui, déjà, ressemble à une pousse.
Rappelons que Poulton, en 1890, avait montré la sensibilité chromatique transtégumentaire des chenilles de la Petite Tortue Aglais urticae (Nymphalidé), en les maintenant dans une boîte intérieurement colorée isolant thorax et abdomen de la tête : la couleur de la chrysalide reflète celle de la boîte.
Article source (gratuit, en anglais)
Photo : chenille de la Phalène du bouleau.

1176 Fourmi secours
Les exemples d’aide à un congénère piégé sont très rares chez les animaux non humains. On connaît le cas chez le chimpanzé, l’éléphant, un dauphin et 5 fourmis* ; on vient de l’observer chez la fourmi moissonneuse Veromessor pergandei (Hym. Myrmiciné).
La découverte, fortuite, suivie d’études détaillées en nature et au labo, par Christina Kwapich et Bert Hölldobler. La chercheuse observait une colonne de cette fourmi du désert (en Arizona, États-Unis) quand elle y remarqua des ruptures. Elles étaient dues à une ouvrière prise dans une toile d’araignée Steatoda spp. ou Asagena sp. (Aran. Théridiidés), secourue par d’autres, se précipitant pour la tirer du piège en faisant s’écrouler la toile tout en effrayant le prédateur.
La fourmi sauvée est rapportée au nid où on la débarrasse délicatement des fils de soie gluants. La plus part des sauveteuses sont des individus de grande taille ; leur dévouement n’est pas sans risque, 6 % y laissent leur tégument. Sur le chemin de leur expédition de récolte, les fourmis ne voient pas la toile tendue en travers. C’est la phéromone d’alarme émise par la fourmi capturée qui déclenche leur intervention secourable. Si une graine, pourtant le fruit du travail d’une journée de l’ouvrière, est prise dans une toile, elle y reste.
Cette découverte surprend : les cas d’intervention ont été observés jusque-là au sein de tout petits groupes, dont le moindre ressortissant a de l’importance et justifie l’énergie déployée et les risques encourus. V. pergandei vit en nids populeux et fourrage en une colonne ressemblant de loin à un serpent, rassemblant quelque 30 000 individus. La colonne, quoiqu’il arrive ne change pas de chemin ; face à un prédateur, l’araignée en l’occurrence, elle passe, fût-ce au prix d’un exploit. L’hypothèse est que le temps est compté à ces fourmis pour leur affouragement : elles disposent de 2 heures chaque jour seulement, les 2 heures où elles supportent la chaleur.
D’après surtout « Desert seed-harvesting ants will save nestmates from spiderwebs », par Melinda Weaver, lu le 29 juillet 2019 à //phys.org/news/
Photo : opération de démaillage. Cliché univ. Arizona
* Chez notamment la fourmi Matabele Megaponera analis – voir Sœurs, ô sœurs, Épingle de 2017.

1175 Naviguer à vue
On a déjà lâché des papillons à des distances croissantes de sites d’alimentation (en nectar) Les insectes trouvent effectivement ces sites, avec plus ou moins de succès. Si ces manips ont permis de préciser leur comportement de vol, ils ne disent rien des sens que le papillon met en œuvre.
Pour en savoir plus, Zacharie MacDonald (université de l’Alberta, Canada) et ses collaborateurs ont fait voler 41 papillons d’Argynne cybèle Speyeria cybele et 54 d’A. de l’Atlantique S. atlantis (Lép. Nymphalidés) vers des îlots (habitat convenable) sur un plan d’eau (non-habitat) de l’Ontario. Le décollage s’est fait d’un petit bateau éloigné de 30, 40, 50 ou 60 m d’un îlot d’1 hectare.
À 60 m, il n’y a plus que la moitié des papillons d’A. cybèle qui parviennent à la cible ; les A. de l’Atlantique sont moins performants.
Puis une partie d’entre eux s’est vu (façon de parler…) appliquer un coup de flash dans les yeux. La rhodopsine (pigment photosensible du rhabdome de l’ommatidie) est alors décolorée et l’insecte est aveugle. Ainsi traités, seuls 11 % des A. cybèle ont trouvé l’îlot, contre aucun pour l’espèce voisine ; les papillons errent au-dessus de la surface de l’eau en maintenant toutefois leur altitude.
Pour les chercheurs, cet essai montre la prédominance de la vue sur les autres sens pour assurer une navigation efficace dans les milieux où les ressources sont réparties en taches. Le résultat leur paraît généralisable aux autres Lépidoptères. Mais il reste à préciser le rôle dans certains cas de l’olfaction (cas de fleurs très odorantes) et de la perception du vent.
D’après « The Eyes Have It: How Butterflies Navigate to Suitable Habitat », par Andrew Porterfield. Lu le 19 juillet 2019 à //entomologytoday.org/
Photo : Speyeria cybele. Cliché David Cappaert


Du 193

1174 Guillotine collective
La mise au pont d’un vaccin contre le paludisme - rappel : 440 000 morts en 2016 – impose de disséquer les glandes salivaires de l’anophèle vectrice. Celles-ci renferment en effet l’agent pathogène Plasmodium falciparum (Hémosporidie) au stade sporozoïte. Il faudrait parvenir à déclencher chez l’humain une réponse immunitaire beaucoup plus forte que celle induite par les vaccins en service, contre des virus ou des bactéries.
L’entreprise de biotechnologie Sanaria (Maryland, États-Unis) suit une approche innovante : au lieu d’expérimenter avec une protéine du plasmodium, elle procède avec le protozoaire entier, comportant quelque 5 000 protéines désactivées par irradiation, pour créer son vaccin nommé PfSPZ. Les essais cliniques sont en cours.
Extraire les glandes salivaires d’un moustique a l’air simple : il faut tirer sur son abdomen en tenant la tête, qui s’arrache emportant les glandes (situées à l’avant du thorax). Mais pour maîtriser la technique il ne faut pas moins de 2 mois d’entraînement à raison de 6 heures par jour, 3 jours sur 7. Des « céphalotomistes » d’élite parviennent au rythme de 300 têtes par heure, contre 60 au début.
Une fois l’opération partiellement automatisée, ce débit est atteint au bout de quelques heures. Le fonctionnement de la machine, mise au point avec l’université John Hopkins, n’est pas bien décrit. Elle fonctionne sur le principe éprouvé de la guillotine, avec des perfectionnements. Les patientes sont installés par rangée de 30 la tête tenue par une sorte de râtelier, l’abdomen immobilisé par une pièce mobile qui s’écarte une fois la longue lame bien aiguisée abattue exactement au bon endroit.
L’équipe travaille à une robotisation plus poussée. C’est indispensable : il faut une anophèle par dose de vaccin et il y a plus de 3 milliards de personnes à protéger.
D’après, notamment « This Tiny Guillotine Decapitates Mosquitoes to Fight Malaria », par Matt Simon. Wired, 4 avril 2019.
Illustrations 

1173 Punaise, c’est vieux !
La Punaise des lits Cimex lectularius (Hém. Cimicidé) et les autres membres de cette famille ponctionnent le sang de leurs hôtes depuis bien plus longtemps qu’on ne le croyait.
Une équipe internationale a procédé à la comparaison des génomes de 34 espèces, représentées par des échantillons collectés durant 15 ans dans 62 localités du Globe.
L’arbre phylogénique moléculaire qu’ils ont construit indique que ces punaises se sont différentiées comme parasites hématophages obligatoires il y a 115 millions d’années, soit du temps des dinosaures. Leur hôte ancestral n’est donc pas la chauve-souris, apparue il y a 50 à 60 millions d’année. On ignore qui il est, sans doute pas un dinosaure qui, ne construisait pas de nid ni n’aménageait d’abri, lieux indispensables aux Cimicidés.
L’étude montre également que chaque demi-million d’années, une nouvelle espèce de punaise prend l’homme pour hôte. Les Cimicidés changent d’hôte par extension de leur gamme ; certains restent spécifiques tandis que d’autres sont capables d’allers et retours. Les 2 espèces anthropophiles C. lectularius et C. hemipterus (tropicale) se sont séparées il y a 47 millions d’années et les migrations humaines n’y sont donc pour rien.
Probablement nourrirons-nous (nous les humains, si nous existons encore) une nouvelle espèce de punaise des lits bien avant un demi million d’années car nous créons de plus en plus d’occasions d’adaptation par la cohabitation d effectifs énormes et croissants de gens, d’animaux de compagnie et de rente.
Article source (gratuit, en anglais)
À (re)lire : Origine des punaises des lits, par Jean-marie Doby. Insectes n° 113 (1999-2). 

1172 Pas de dérapages
Selon la théorie, le conflit sexuel est source de spéciation. Les mâles et les femelles d’une espèce n’ont pas les mêmes intérêts et l’évolution d’un sexe perturbe le succès reproductif (fitness) de l’autre. Il s’en suit une « course aux armements » - typiquement la femelle cherche à échapper au mâle qui la harcèle - et une diversification qui débouche sur la division de l’espèce. Les preuves expérimentales sont faibles. Une autre théorie prévoit la possibilité que la « guerre des sexes » peut amener à une situation stable pour l’espèce où coexistent des morphes (groupes génétiques) différents.
Elle vient d’être illustrée par une équipe multinationale (Danemark, États-Unis, Suède) à partir de l’observation des individus de 29 populations suédoises de Graphoderus zonatus.
Un des cas très peux nombreux où la coévolution des caractères mâles et femelles se fait sur le mode de l’antagonisme sexuel est celui des Coléoptères Dytiscidés, insectes aquatiques carnassiers.
Chez beaucoup d’entre eux, les mâles possèdent des dispositifs d’accrochage – des disques adhésifs - qui leur permettent de se tenir sur le dos de la femelle tout le temps de la copulation. Les 3 articles basaux des tarses de leurs pattes antérieures sont soudés, élargis et munis de soies adhésives disposées en 3 disques.
La population de G. zonatus se partage en deux morphes, dont l’importance numérique fluctue. Aux femelles aux élytres lisses correspondent des mâles aux disques adhésifs adaptés ; celles qui ont les élytres granuleux accueillent des mâles aux « ventouses » modifiées. Dans les deux cas, le coït (qui n’est précédé par aucun rituel de cour) peut durer des heures et fait souffrir la femelle.
Quand un morphe domine numériquement, les femelles sont exténuées par les mâles adaptés et les femelles de l’autre groupe prennent l’avantage. Et ainsi de suite. La population vit ainsi dans un état quasi-stable car aucun des deux groupes n’en tire d’avantage durable.
Théoriquement, ce polymorphisme pourrait déboucher sur la séparation en 2 espèces si l’environnement restait parfaitement stable sur une très longue durée.
Article source (gratuit, en anglais) 


Disparition des abeilles, la dérobade de l’Europe, par Stéphane Foucart. Le Monde, 27 août 2019.

Pourquoi l’empathie pour les insectes est un art difficile, Par Catherine Vincent. Le Monde, 23 août 2019.

Jean-Henri Fabre ou la poésie de l’entomologie, par Catherine Vincent. Le Monde, 23 août 2019.

juin

1171 Là-bas aussi

Là-bas, c’est l’Ohio, aux États-Unis, une région de 116 000 km² aux paysages divers et imbriqués entre forêt boréale, prairie du Midwest et Appalaches. Là-bas et dans les États voisins, les insectes sont-ils en déclin comme en Europe ?
Tom Wepprich et ses collaborateurs (université d’État de l’Oregon, États-Unis) ont choisi l’Ohio et les papillons de jour comme sujet de leur travail de compilation et d’analyse de données. Ils ont retenu 81 espèces, régulièrement cochées de 1996 à 2016 par des observateurs bénévoles encadrés, et 104 sites régulièrement visités sur les 147 du programme.
Il en résulte en gros que l’abondance des papillons a décru de 2 % chaque année, aboutissant à une perte d’un tiers, presque, des effectifs. Trois fois plus d’espèces régressent par rapport à celles qui se maintiennent ou croissent. Des chiffres comparables à ceux connus d’Europe occidentale.
Le climat, les perturbations de l’habitat et les pratiques agricoles en sont responsables et modifient la composition de la lépidofaune. Les populations des espèces nordiques et au voltinisme moindre sont les plus affectées par le réchauffement. Même des papillons invasifs et associés aux milieux anthropisés déclinent, à l’instar de l’invasive Piéride de la rave Pieris rapae (Lép. Piéridé), sans doute du fait de facteurs environnementaux très généraux qui affectent certainement bien d’autres espèces non observées jusque-là.
Les auteurs soulignent que la réduction des effectifs d’espèces très communes, même faible, peut avoir de graves conséquences sur l’écosystème. Ils pointent également que sans leur étude rétrospective d’un suivi sur deux décennies, le déclin des papillons de jour, lent et continu, serait passé inaperçu.
Article source (gratuit, en anglais)
Photo : Piéride de la rave, papillon femelle. Cliché Julian Emilio

1170 L’un chante, l’autre pas
Le Grillon du Pacifique Teleogryllus oceanicus (Orth. Gryllidé) est bien connu pour se faire avoir à tous les coups. En effet, comme tout le monde, il stridule pour attirer et séduire une partenaire sexuelle. Mais qui arrive et lui saute dessus à la place d’une alliciante grillonne ? La mouche Ormia ochracea (Dip. Tachinidé) bien connue pour avoir l’oreille plus que fine (que les ingénieurs essayent d’imiter, d’ailleurs).
En guise de noces, notre grillon subira durant une semaine une lente mais radicale perte de ses moyens, miné de l’intérieur par l’asticot de la tachinaire ; il lui reste toutefois la capacité de se nourrir et de se toiletter… Puis, vidé, il crèvera.
On connaît et on suit depuis quelques décennies, à Hawaï, la présence d’un phénotype nouveau du grillon chez une partie des individus : les mâles « aux ailes plates », incapables de striduler. Muets, donc condamnés au célibat en principe, mais échappant au parasitoïde.
En examinant la descendance de 2e génération produite au labo de femelles capturées, Jessie Tanner et ses deux collaboratrices (université du Minnesota, États-Unis) ont trouvé que les mâles stridulants l’emportent nettement en termes de succès reproductif sur leurs compères « ailes plates » ; que la plupart des femelles ont copulé avec plusieurs partenaires, surtout des stridulants, et que les femelle ne portent que rarement la mutation responsable du mutisme. La sélection sexuelle en faveur des stridulants est très forte au labo. Mais puisqu’on trouve des muets en nature en proportion grosso modo constante, c’est que celle-ci est fortement contrebalancée par une sélection en faveur des muets dans la nature - où sévit Ormia.
D’après, notamment, « Male crickets losing ability to sing, despite reproductive advantage of singing », com. univ. Minnesota. Lu le 2 juillet 2019 à //phys.org/news
Photo : femelle d’Ormia ochracea sur mâle de Teleogryllus oceanicus. Cliché Ron Hoy

1169 Apparition inquiétante
De temps à autre, un insecte inconnu des entomologistes, venu de nulle part, se fait connaître (et détester) comme ravageur important. C’est le cas de notre Mineuse du marronnier Cameraria ohridella (Lép. Gracillariidé).
Saluons (si l’on peut dire) l’apparition du Scolyte du bibacier Cryphalus eriobotryae (Col. Curculionidé), espèce nouvelle pour la science et l’arboriculture. L’insecte a été observé pour la première fois en avril 2018 sur des sujets morts  (qu’il avait tués) d’une pépinière près de Suzhou (Jiangsu, Chine). Il a été reconnu comme nouveau et décrit par Andrew Johnson, au labo d’entomologie de l’université de Floride (États-Unis) qui entretient une collection de scolytes et autres foreurs sous-corticoles congelés. Il en existe plusieurs milliers d’espèces, la plupart ravageurs secondaires (s’attaquant aux arbres affaiblis), certains primaires comme notre petit nouveau.
On suppose qu’il a été introduit à Suzhou peu avant 2017, d’on ne sait où. Son génome a été séquencé mais on n’a encore aucune indication sur sa capacité à devenir invasif ni sur son impact économique potentiel. Les vergers de bibacier – alias néfliers du Japon – sont une spéculation très importante localement ; ces arbres fruitiers et ornementaux sont plantés partout sur le Globe.
Article source (gratuit, en anglais) 
Photos : Cryphalus eriobotryae : femelle (à gauche) et mâle (à droite). De l’article
À (re)lire : La Mineuse du marronnier, par Sylvie Augustin. Insectes n° 137 (2005-2).

1168 Sales mouches !
Des entomologistes de l’université d’Aston (Birmingham, Royaume-Uni) ont étudié l’entomofaune des hôpitaux britanniques. Dans 7 d’entre eux, ils ont posé, dans toutes sortes de locaux, des « pièges à mouches » à lampe UV, à électrocution et à bandes engluées, durant 18 mois, de mars 2010 à août 2011.
Le gros des insectes volants capturés furent des Diptères (74%) - Calliphoridés, Dolichopodidés, Fanniidés, Muscidés, Phoridés, Psychodidés et Sphérocéridés - suivis par les Hémiptères (pucerons), les Hyménoptères, les Lépidoptères – et 2 % de Coléoptères.
Les pathologistes associés ont inventorié les bactéries transportées par les quelque 20 000 Diptères récupérés, au moyen de techniques de mise en culture. Les Entérobactériacées constituaient la plupart des souches microbiennes identifiées, suivies par les Bacillus et les Staphylococcus. Venaient ensuite les Clostridium, les Streptococcus et les Micrococcus. Le profil d’antibiorésistance de 68 d’entre elles a été établi. 53 % d’entre elles se sont avérées résistantes à au moins un antibiotique utile en médecine.
Il en ressort que volent, mangent et défèquent dans les hôpitaux britanniques surtout des Diptères dont beaucoup transportent et conservent des bactéries opportunistes résistantes. Le risque d’y attraper une affection entomonosocomiale est toutefois faible. Il conviendrait en tous cas, outre de veiller à une bonne administration des antibiotiques, d’y pratiquer une chasse aux mouches impitoyable.
D’après, notamment, Hospital insects harbour drug-resistant bacteria », par Aston University. Lu le 21 juin 2019 à //medicalxpress.com/
Photo : Caricature de 1912 dans le Indiana State Board of Health.   

1167 Un goût de chiottes ?
Pas du tout, quelle idée ! Le poulet est bon et bio. Sa production nettement améliorée commence par l’installation de toilettes gratuites dans les bidonvilles de la périphérie de Nairobi (Kénya), là où vivent les deux tiers de la population de la ville. Ceux-ci auparavant se servaient de toilettes volantes (sacs en plastique).
Les excréments des habitants y sont collectés puis offerts comme provende à des asticots de l’Hermétie brillante Hermetia illucens (Dip. Stratiomyiidé, « mouche soldat noire » de son nom états-unien, son pays d’origine).
Une fois en prénymphe, lesdits asticots sont transformés en farine. Une biocconversion qui permet d’enrichir les aliments pour volailles et d’augmenter considérablement le rendement des élevages, jusqu’à le doubler, tout en participant à l’hygiène et au bien-êtres des Nairobiens(nes).
D’après « Human feaces producing organic insect feed », lu le 18 juin 2019 à www.africanews.com/

1166 Assistant d’assassinat

On ne tue pas un insecte sans l’avoir repéré, localisé, déterminé à l’espèce si possible, mis en examen et jugé coupable de mauvaises intentions. Pour vous aider à faire les choses proprement, Saar Wilf, entreprise israélienne, a conçu une appli pour smartphone d’aide à la décision dans l’élimination des menaces imminentes. Elle se nomme Bzigo.
L’appli, qui nécessite un environnement WiFi, fonctionne avec un détecteur fixe, accroché au mur. Celui-ci, qui émet des faisceaux infra-rouges, repère tout moustique posé quelque part dans la pièce et alerte le smartphoniste en indiquant où il est précisément et, qui plus est, en dirigeant sur lui un faisceau laser rouge.
Le moustique est fichu. Ledit smartphoniste va le griller, l’écraser, le cribler, l’aspirer, le noyer, le livrer à son chien, l’électrocuter, le couper en deux ou le pendre, selon sa dextérité en entomologie.
Bzigo sera proposé, d’ici deux ans, au prix de 150 €, sans tapette.
Illustration : moustique visé par Bzigo.  
NDLR : à l’évidence, les inventeurs et leur laser inoffensif n’ont pas lu l’Épingle de 2009 « Guerre des étoiles ».

1165 Champignon venimeux
L’essai d’un champignon dopé à l’araignée pour tuer les moustiques vecteurs du paludisme, les anophèles, vient d’être réalisé à Soumousso (Burkina Faso), en conditions semi naturelles, soit dans une très grande cage à l’extérieur. Le résultat est très satisfaisant : 75 % des 1 500 moustiques introduits ont été contaminés et la population s’est effondrée au bout de 45 jours.
En dépit de tous les efforts, le paludisme a fait 435 000 morts en 2017. On n’enregistre aucune diminution de ce nombre, la faute surtout à l’acquisition de résistances aux armes chimiques déployées (pyréthrinoïdes). D’où les efforts pour mettre en œuvre des moyens de lutte autocide (lâchers d’individus génétiquement modifiés « stériles ») et microbiologique (où l’agent est un microbe). Si ces techniques sont anciennes, le génie génétique ouvre de nouvelles possibilités.
Le travail des chercheurs de l’université du Maryland (États-Unis) et du Burkina Faso a consisté à greffer sur le champignon entomopathogène banal et déjà utilisé comma agent de lutte, Metarhizium pingshaense, le gène de la production d’une toxine (« hybrid ») spécifique des arthropodes. La toxine choisie agit dans le venin d’une araignée australienne Androctonus australis.
La dose à épandre de ce champignon rendu venimeux est presque divisée par 10 par rapport à l’application des spores du champignon naturel. La spécificité semble sans défaut mais des tests sont à poursuivre pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché.
D’après, entre autres, « Fighting malaria with fungi: Biologists engineer a fungus to be deadlier to mosquitoes », par Antonis Rokas, The Conversation. Lu le 31 mai 2019 à phys.org/news/
Photo : la cage, nommée « MosquitoSphere ». Cliché phys.org/news/

mai

1164 Mon cancer, ma droso
L’homme, atteint d’un cancer du côlon avec gène KRAS en phase terminale, résistant aux traitements, a bénéficié d’un sursis grâce à la Mouche du vinaigre. Ce résultat est le fruit du travail de toute une équipe dirigée par des chercheurs de l’hôpital du Mont Sinaï à New York (États-(Unis).
Pour ce faire, des lignées de drosophiles génétiquement modifiées ont été créées, qui présentaient les mêmes mutations, au nombre de 9, que la tumeur du patient. Elles ont servi de cobayes pour déterminer la meilleure combinaison de traitements, celle qui offrait la survie aux mouches ou ralentissait le développement de la tumeur dans leur tube digestif.
Il a fallu un système robotisé pour tester 121 produits anticancéreux, administrés à certains lots avec d’autres médicaments, à 300 000 drosos.
La Mouche du vinaigre « personnalisée » est dite l’avatar du patient. Elle paraît plus performante dans ce rôle que la souris. On sait qu’elle se reproduit très vite, ne coûte pas cher, se laisse scruter par les robots et ne pose aucun problème d’éthique.
Dans ce cas, on ne peut parler de traitement, le patient a développé une résistance à l’anticancéreux (associé avec un médicament contre l’ostéoporose) choisi par le test. Il est mort au bout de 3 ans, un temps bien plus long qu’espéré vu son état au départ.
D’après « Are fruit fly 'avatars' the next step in personalized medicine? », par Sally Robertson. Lu le 24 mai 2019 à www.news-medical.net/
Photo : cliché Tomatito au microscope optique (avec empilement).

1163 Le grand remplacement ?
Cet été, aux Pays-Bas, une centaine de dispositifs automatiques d’échantillonnage de l’entomofaune seront mis en place.  La demande pour ces robots excède l’offre.
Chaque piège est constitué d’un panneau que scrute jour et nuit une caméra vidéo reliée à un ordinateur. Les insectes (volants) qui passent dans le champ de l’objectif sont déterminés et comptés, grâce à un logiciel perfectionné de reconnaissance (les Hollandais se disent les champions du monde en la matière) qui se réfère à une base participative de plusieurs millions d’images (Waarneming.nl).
Le dispositif est mis en œuvre par l’association Naturalis, avec le concours d’universitaires (université Radboud de Nimègue) et d’industriels. Il est prévu de l’étendre de façon à disposer de comptages continus sur un réseau serré de stations. De quoi documenter l’évolution (négative) des populations d’insectes.
On peut espérer qu’il restera autour de ces pièges automatiques quelques entomologistes en chair et en os, certes relativement beaucoup plus coûteux, pour interpréter les résultats.
D’après « Automatic insect identification for better grasp on biodiversity », par Eelke Jongejans. Lu le 24 mai 2019 à phys.org/news/


1162 Émoji futur ?
Sous le numéro L2/19-148, est proposé pour le standard Unicode 13.0, un émoji (絵文字 ) représentant un scarabée. Le dossier est soumis par Aaron Ward ; le dessin est signé Erik Carter (inspiré du kabutomushi 甲虫).
Dans le tableau Animaux et Nature, il devrait être placé entre la coccinelle (5-punctata) et la fourmi (verte).
Ce coléo représente, dit l’introduction, les insectes coriaces, ailés et à symétrie bilatérale. Il est souvent dépeint comme tenace et affrontant une tâche difficile. Il est également maladroit, pas méchant pour les humains et attractif. Et on ne le confond pas avec la coccinelle déjà émojifiée.
Son utilité, estimée à partir du nombre de recherches de « beetles emoji » sur Google  (3 390 000 requêtes) surpasse celles du pingouin et du plant de riz, autres candidats.
À quoi servirait-il, que pourrait-il exprimer ? La solidité (les scarabées sont vus comme gros et robustes et les mâles ont souvent des cornes pour leurs combats), un mauvais jour (comme les bousiers, on a un boulot sale et mal vu), la pop-culture (référence à la Coccinelle VW, à Beetlejuice et au Scarabée d’or d’Edgar Poe), la transformation et l’aliénation (La Métamorphose de Franz Kafka).
On associerait le scarabée (Sc) avec d’autres émojis, par exemple Sc/étron (bousier) ou plante verte/ Sc/plante verte (coléo dans la nature). Le graphisme en fait un émoji reconnaissable au sein des animaux et fidèle au modèle. Et il est demandé : de nombreuses plaintes sur Twitter contre son inexistence.
À la suite de ces arguments en sa faveur, sont présentés ceux qui détruisent à  l’avance ceux des opposants éventuels : en résumé, il est excessivement spécifique, ouvert, est certes déjà un pictogramme mais vieux de 25 siècles (le Scarabée des Égyptiens), sans risque d’être passager, fidèle à l’image de l’insecte mâle.
Ceci dit, n’importe qui peut proposer au consortium Unicode (états-unien) un émoji à condition de bâtir un solide dossier et de l’appuyer (soit 53 000 € pour l’émoji candidat corsica). Il n’est pas dit que notre scarabée soit « appuyé ».
D’après notamment le dossier Unicode  et Slate.
Image : l’émoji scarabée proposé    
À (re)lire : Mushi, par Laurent Pélozuélo. Insectes n° 145 – 3. 


1161 Déjeuner avec un lance-pierres
Seul l’homme est capable d’amplifier sa force en utilisant un mécanisme extérieur qui emmagasine lentement l’énergie et la libère quasi instantanément. C’est le principe du lance-pierre à élastique, de la catapulte et de bien d’autres instruments meurtriers. C’est aussi la libération d’une énergie stockée qui permet aux insectes sauteurs des bonds prodigieux mais il s’agit de dispositifs anatomiques internes. Aucun animal, fût-il très « intelligent » ne se sert d’un outil externe.
Une exception, l’araignée Hyptiotes cavatus (Aran. Uloboridé) d’Amérique du Nord, qui prend la place de la pierre du lance-pierres et utilise sa soie comme élastique. Dans l’attente de son déjeuner, un insecte imprudent, elle entortille par des mouvements de ses pattes un fil d’amarre de sa toile et le tend. Elle peut patienter des heures ainsi. Qu’un repas volant heurte sa toile, elle lâche le fil et se propulse ainsi vers lui avec sa toile à 2 à 3 cm, avec une accélération mesurée de 773 m.s-2. La bête comestible est ainsi enveloppée, puis consommée.
La découverte est due à une équipe de chercheurs de l’université d’Akron (Ohio, États-Unis), publiée dans les PNAS.
D’après, entre autres, « This spider turns its web into a slingshot, flinging itself at prey », par Helen Santoro. Lu le 13 mai 2019 à www.sciencemag.org.
Photo : Hyptiotes cavatus. Cliché Judy Gallagher

1160 Ravi qu’il soit sauvé
Le Fossoyeur américain Nicrophorus americanus (Col. Silphidé), endémique états-unien, vivait jadis dans une trentaine d’États ainsi qu’au Canada. Il a peu à peu régressé, du fait essentiellement de la raréfaction de ses petits vertébrés préférés, pour ne plus se trouver que sur une île au large de Rhode Island et dans l’Ouest de l’Oklahoma. D’où son classement en 1989 comme espèce en danger critique (d’extinction). D’où aussi les efforts de conservation, en créant notamment des populations captives sur des îles de l’Atlantique.
Notre fossoyeur va mieux : il a regagné une partie de son aire d’origine. Dès 2015 a été lancée une pétition pour supprimer les mesures de protection dont il bénéficie et qui gênent l’industrie extractive pétrolière en Oklahoma. Se basant sur ses estimations de l’état des populations, dont les effectifs ont augmenté, le Service de pêches et de la vie sauvage propose de le rétrograder au statut d’espèce menacée. Une consultation publique est ouverte durant 2 mois.
Pour Bud Ground, d’un consortium de syndicats pétroliers, l’affaire est déjà entendue. Le Fossoyeur américain, souligne-t-il, a coûté très cher aux constructeurs de l’oléoduc Keystone XL ; il a fallu financer en partie notamment la relocalisation déplacement de 119 fossoyeurs, piégés par des rats congelés, une dépense d’environ 100 000 $ par individu. Les comtés de Hugues et de Coal attirent les foreurs et les dollars et la rétrogradation conforte les créateurs d’emplois en Oklahoma. Il faut applaudir l’action du gouvernement fédéral vis-à-vis des opérateurs du gaz et du pétrole naturels dans le respect des espèces et des milieux locaux, tout en offrant de nouvelles possibilités économiques à cet État.
D’après notamment « Ground: $10 million to relocate 119 beetles! », lu le 3 mai 2019 à //journalrecord.com/

1159 Un p’tit ver, ça fait pas de mal
Le Coléoptère saproxylophage est-états-unien Odontotaenius disjunctus (Passalidé) est naturellement parasité par Chondronema passali, nématode. Il ne semble guère en souffrir. Subsocial, Il vit en famille en creusant dans le bois mort, les parents s’occupant des enfants. Les imagos prémâchent la nourriture de leur progéniture. Autre particularité, ils stridulent, faisant comme un bruit de baiser, d’où leur nom anglais de bess beetles.
Andrew Davis et Cody Prouty (Odum School of Ecology, Géorgie, États-Unis) ont testé l’hypothèse d’une surconsommation de bois compensant le prélèvement de nutriments opéré par le nématode. Pour cela ils ont élevé individuellement 113 adultes avec un morceau de bois suffisant pour 3 mois. À la fin, ils ont pesé la  la vermoulure produite et noté le poids de chacun, sa taille, son sexe et la présence ou non du parasite.
Les deux tiers des individus hébergent le nématode : ceux-ci sont plus lourds (de 6%) et consomment plus (280 g contre 240). On ne sait pas s’il y a surconsommation compensatoire ou si les individus les plus voraces ont plus de chances d’attraper la nématodose.
Toujours est-il, et c’est le résultat original qu’il faut retenir, que les insectes parasités rendent un meilleur service écologique en dégradant plus vite le bois mort. 
Article source (gratuit, en anglais)
Illustration : Imago et larves d’un Passalidé. Cliché P. Lenhart

Du 182

1158 Les antibiotiques, c’est entomologique
La cyphomycine sera peut-être l’antibiotique capable de vaincre les champignons devenus résistants aux produits actuellement disponibles, très dangereux notamment pour les personnes immunodéprimées.
Marc Chevrette et ses collaborateurs américains l’ont détecté lors d’une très vaste investigation – la plus grande réalisée à ce jour – à la recherche, chez les insectes, de substances antimicrobiennes. Celles-ci sont sécrétées par des microbes symbiotiques sélectionnés au cours de l’évolution pour assurer la résistance de l’hôte aux infections.
L’équipe a collecté des spécimens de plus de 2 500 espèces d’insectes de différents ordres, en Amériques du Nord et du Sud ainsi qu’à Hawaï, sous tous les climats. La moitié s’est révélée héberger le micro-organisme recherché, une bactérie du genre Streptomyces. En tout, 10 000 de ceux-ci ont été testés, parallèlement à 7 000 autres trouvés dans le sol ou les plantes. Chaque microbe a été confronté à 24 agents pathogènes, bactéries ou champignons, lors de plus de 50 000 manips. Ceux en provenance d’insectes se sont révélés plus efficaces que ceux d’origine édaphique ou végétale. Parmi eux, plusieurs douzaines ont été injectés sous forme d’extraits à des souris rendues malades.
C’est la fourmi champignonniste Cyphomyrmex (Hym. Myrmiciné) qui a fourni l’agent le plus prometteur, supérieur à ceux provenant de Streptomyces du sol, nommé cyphomycine et objet d’un dépôt de brevet. Cet antibiotique est notamment efficace contre le champignon pathogène opportuniste Candida albicans, ce sans provoquer d’effets secondaires. Avant de l’injecter à des malades humains, de longs tests sont encore nécessaires.
D’après « Microbes hitched to insects provide a rich source of new antibiotics », par Eric Hamilton, université de Wisconsin-Madison. Lu le 1er février à //news.wisc.edu/
À(re)lire : Des insectes comme nouvelle source de médicaments, par Bérangère Barataud. Insectes n° 132, 2004(1).

1157 La Mouche du marula
C’est la (Petite) Mouche du vinaigre (à ventre noir), Drosophila melanogaster. Mutée, génétiquement modifiée, tripatouillée et scrutée dans tous les sens sur plein de paillasses de par le Globe. C’est aussi une peste domestique qui infeste les fruits mûrs à l’état larvaire et se noie dans les liquides à boire. Elle est clairement associée à l’homme. Dans l’environnement duquel elle préfère le citron.
Jamais on ne l’a observée dans la nature sauvage. D’où vient-elle ? D’Afrique vraisemblablement, mais encore ?
Marcus Stensmyr et Suzan Mansourian, avec leurs collaborateurs, (université de Lund, Suède) ont disposé des pièges dans les forêts de la partie sud de l’Afrique centrale. Seuls ceux installés près de marulas (Sclerocarya birrea, Anacardiacée), alias arbres-éléphant, ont capturé D. melanogaster, lesquelles préfèrent son fruit à leur citron de référence.
Les drosos partout dans le Monde choisissent le marula, qu’elles n’ont jamais rencontré. Les composantes de l’odeur de ce fruit excitent des neurorécepteurs connus, orientant la mouche vers un site favorable à la ponte.
Le fruit (pulpe et amande) du marula est une ressource alimentaire très importante pour les San durant une bonne partie de l’année, et ce de toute éternité. Dans des grottes habitées au Pléistocène récent et à l’Holocène ancien, on a trouvé d’énormes quantités de noyaux, jusqu’à 24 millions dans l’une d’elles.
Il apparaît que D. melanogaster a été attirée chez les premiers habitants de l’actuel Zimbabwe par ces tas de fruits. Là, elles ont trouvé en outre abri contre la pluie et protection contre les prédateurs. Elles se sont adaptées, acceptant de mieux en mieux d’entrer dans des lieux sombres et résistant progressivement à l’éthanol. Puis elles ont suivi Homo sapiens dans sa dispersion.
Opportuniste et acceptant toutes sortes de fruits pour y pondre dans l’environnement des entomologistes, la droso fut à l’origine monophage sur marula, chez les chasseurs-cueilleurs.
Article source : doi:10.1016/j.cub.2018.10.033

1156 PQ pour termites
Dans les forêts tropicales, les termites sont des ingénieurs de l’écosystème qui digèrent la cellulose, aèrent le sol par leurs galeries et remontent de l’eau des profondeurs. En période de sécheresse, ils doivent faire plus d’efforts d’hydratation et la végétation semble en profiter.
Cette impression n’avait jamais été évaluée avant l’installation, à Bornéo, d’un dispositif expérimental ad hoc par une équipe britannique (université de Liverpool et Muséum d’histoire naturelle de Londres). Celui-ci a consisté à éliminer les termites de 4 sites d’un quart d’hectare et à suivre, ainsi que sur les sites témoins, l’évolution de la faune de la litière et de l’état de la végétation. L’opération a commencé en 2014 et a duré 2 ans, pendant lesquels un épisode sévère de sécheresse non prévu au programme est survenu en 2015-2016, dû à El Niño.
Grâce à l’installation de rouleaux de papier hygiénique empoisonnés et enterrés à moitié comme appât mortel pour les termites et eux seuls, car friands de cellulose, les autres habitants de la litière (fourmis, Coléoptères...) ont été préservés. Les pièges ont été renouvelés tous les semestres ; l’expérience en aura consommé quelque 3 500. En plus, toute termitière naissante a été détruite.
Sur les terrains traités, les populations de termites (des groupes Bulbitermes, Macrotermes et Prohamitermes), ont été réduites de près de la moitié. Sur les sites témoins, leur nombre a doublé durant la sécheresse et la litière s’est décomposée plus rapidement, tandis que l’humidité était plus élevée, le brassage du sol plus fort et la survie des plantules meilleure. On ne sait pas pourquoi les termites prospèrent en année sèche ; peut-être est-ce dû à une plus grande facilité de creusement dans le sol sec. En tous cas, sans les termites, la sécheresse tuerait bien plus d’arbres.
Article source : doi: 10.1126/science.aau9565

1155 La forêt brûle, les chenilles se consument
Régulièrement, entre juin et octobre, le Sud-Est de l’Asie suffoque sous les nuages de fumée qui se répandent dans plusieurs pays à partir surtout de Sumatra et de Bornéo. La faute aux planteurs et agriculteurs qui incendient la végétation pour faire place nette et gagner de nouveaux terrains.
La fumée comporte une centaine de composants, dont : gaz carbonique et monoxyde de carbone, méthane, oxydes d’azote, hydrocarbures aromatiques polycycliques, particules fines. Ses effets délétères sur les habitants et leurs animaux sont étudiés. On doit à Yue Qian Tan, Emilie Dion et Antónia Monteiro, de Singapour, la première évaluation de l’effet de ces fumées sur l’insecte.
Pour ce faire, ils ont suivi le développement de chenilles de Bicyclus anynana (Lép. Nymphalidé), un papillon africain bien étudié pour ses ocelles variables (et modifiables), à l’air ambiant (filtré) et dans la fumée et sur des jeunes maïs poussés à l’air ambiant ou dans la fumée.
Les chenilles sont élevées dans des terrariums placés sous abri, aérés au travers d’un filtre à particules et munies d’un compteur desdites particules. L’enfumage est produit par une spirale d’encens.
Peu parmi les chenilles enfumées parviennent à se chrysalider, leur développement est ralenti et leur poids réduit. Les mêmes effets, sauf la mortalité, sont observés sur les maïs traités par la fumée. Les chrysalides ne sont pas affectées.
L’examen au microscope électronique des stigmates et des trachées n’y révèle aucune particule fine.   L’effet antagoniste, qui ressemble à celui d’un stress alimentaire, est dû aux gaz toxiques de la fumée ou à l’empoisonnement de la plante nourricière.
Les effets en nature sont sans doute complexes. Ainsi dans les zones polluées par un nuage de fumée a-t-on constaté une augmentation des insectes herbivores, conséquence d’une diminution des prédateurs.
Article source (en anglais, gratuit) DOI: 10.1038/s41598-018-34043-0
La dernière Épingle consacrée à Bicyclus anynana : « Lepidopera Publicitae »


avril

1154 Très excité puis vite fatigué
On avait précédemment observé que les bourdons exposés aux insecticides néonicotinoïdes récoltent moins. Une équipe de l’Imperial College (Londres, Royaume-Uni) menée par Richard Gill a mesuré au laboratoire l’endurance d’individus de Bourdon terrestre Bombus terrestris (Hym. Apidé) soumis à une dose réaliste – celle à laquelle ils sont confrontés sur la terrain, soit 10 ppb – d’imidaclopride.
L’insecte se voit affublé d’une pastille métallique collée sur son dos, qui permet de le suspendre à un bras d’un manège muni d’une sorte de compte-tours (et de le libérer entre deux épreuves).
Le bourdon est d’abord fort excité et vole plus vite que ses congénères non traités. Mais  il se lasse vite et au bout du compte, ne parcourt que le tiers de la distance dont est capable l’individu non intoxiqué. La phase initiale d’hyperactivité l’épuise.
Il en résulte que l’imidaclopride réduit l’aire d’affouragement de 80 % et empêche des bourdons épuisés de rentrer au nid. Lequel voit ses ressources réduites en quantité, diversité et valeur nutritionnelle tandis que la pollinisation est affectée alentour.
Article source (en anglais, gratuit)   
Illustration : bourdon attaché au bras du manège. Cliché D. Kenna 

1153 Pieds sensibles
Le répulsif de référence, voire le meilleur, contre les moustiques est le DEET, de sn nom complet N,N-diéthyl-3-méthylbenzamide, alias N,N-diéthyl-m-toluamide. Ce produit réputé sûr, conditionné en bombes aérolsols, a d’abord été pulvérisé sur la peau des soldats états-uniens – c’est une invention de l’armée US datant de 1946 -  avant de protéger l’épiderme exposé des vacanciers tous les étés, plus ou moins bien selon les espèces de Culicidés.
Cet insectifuge était réputé agir via les sensilles du goût et de l’odorat du moustique ; on avait repéré le corécepteur orco, nécessaire à la répulsion de contact.
Trois chercheurs états-uniens viennent de reprendre le sujet et ont trouvé un résultat surprenant : la clé de l’effet répulsif du DEET est dans les tarses des moustiques.
Le DEET est amer ; l’amertume empêche le moustique – femelle d’Aedes aegypti en l’occurence – d’ingérer. Le DEET agit par contact. Les moustiques orco mutants sans la capacité de subir l’effet répulsif, sont attirés par une peau (d’entomologiste) enduite de DEET mais ne piquent pas.
Installés sous une membrane de parafilm retenant du sang chaud, les moustiques ne piquent pas si le DEET ou un produit amer y est mélangé. Quand ce dernier est étalé sur la membrane, l’insecte se pose et pique mais si c’est du DEET qui recouvre la membrane, le moustique évite le contact. Ils le sentent donc non pas au passage dans leur trompe mais par les tarses. Les tarses chaussés de colle durcissant aux UV, le moustique pique l’expérimentateur protégé.
Ce résultat conduira à identifier les sensilles, les neurones et les protéines en jeu, une étape cruciale pour la mise au point de nouveaux répulsifs, plus persistants.
Article source (en anglais, gratuit) 
Illustration : Aedes aegypti. Cliché James Gathany.

1152 Grandeur humaine
De nombreux entomologistes se sont appliqués à décrire et dessiner les pièces sexuelles des insectes, particulièrement les édéages des mâles, utiles pour la détermination de l’espèce ou simplement curieux. Certains adoptent des formes tourmentées, complexes, avec des protubérances, des épines, des crochets… qui font penser à un outil vulnérant.
Monsieur ne s’en sert pas d’instrument de torture, c’est le gage de la solidité de l’union avec Madame, le temps que le sperme s’écoule. Madame y est intérieurement adaptée, même dans le cas extrême de l’insémination traumatique. Cette pratique est le fait, notablement, de la Punaise des lits Cimex lectularius (Hém. Cimicidé), insecte hématophage. Au lieu d’emprunter la voie dite « tractus génital », il perce de son pénis acéré le tégument de sa belle, en plein abdomen et répand sa semence dans sa cavité générale où l’hémolymphe lui fera rejoindre son but. Madame possède en contre-réaction un spermalège (parfois écrit spermaledge en anglais), organe ad hoc de sa paroi abdominale.
À la galerie Seventeen (Kingsland Road, Londres, Royaume-Uni), l’artiste entomo-inspirée (et féministe et monitrice de plongée) Joey Holder expose sous le titre « The Evolution of the spermaledge » des édéages d’insectes agrandis « à l’échelle humaine », en relief. Fidèlement reproduits à partir de photos au microscope électronique à balayage et des vues numérisées en 3 D, ils sont d’un réalisme saisissant.
Fabriqués en silicone, ils ne sont pas produits pour être montrés et commentés à la Maison des insectes. Leur créatrice, qui dit ne pas les avoir essayés, leur voit clairement un emploi de godemiché.
D’après « I Make Dildos Out of Insect Penises », par Hannah Pezzack. Lu le 15 avril 2019 à //www.vice.com
Illustration : modèles non identifiés.
 
1151 Éradication puis sauvetage
Dans les campagnes anglaises, on a arraché systématiquement les épines-vinettes, hôtes intermédiaires de la Rouille noire du blé, maladie fongique très dommageable à cette culture.
Puis on a trouvé des variétés assez résistantes, qui sont actuellement semées dans la plupart des champs de blé. La rouille a disparu. Mais 60 ans après la dernière épidémie de rouille, on l’a revue en 2013, là comme en Europe continentale. Une présence sporadique qui inquiète.
Puis on s’est soucié des insectes qui se nourrissent de l’épine-vinette La Phalène couleur de cerf Rheumaptera cervinalis (Lép. Géométridé) et la Tenthrède du berberis Arge berberidis (Hym. Argidé) ont survécu, pas la Phalène de l’épine-vinette. Cette dernière est désormais l’un des papillons les plus rares du Royaume-Uni. Des populations résiduelles subsistent dans le Wiltshire, notamment, en plus de populations réintroduites.
Puis on replante des épines-vinettes, notamment dans le cadre du projet BarbRE (Barberry Rust Explorer) de science participative. Il s’agit d’observer les chenilles et le papillon, d’accompagner les propriétaires de prés acceptant d’introduire des épines-vinettes dans leurs haies, de surveiller la Rouille noire du blé et de sensibiliser le public. Lancement le 3 avril 2019.
D’après, notamment, « Rare moth species could prevent the return of wheat disease », lu le 3 avril 2019 à www.countryfile.com/
Illustration : Wikimedia 

1150 Bâtonnet le magnifique
En réexaminant, avec les outils de la biologie moléculaire (barecoding, etc.) les phasmes géants du vaste genre Achrioptera (Anisacanthidés), endémique de Madagascar et des Comores, des entomologistes allemands ont découvert deux nouvelles espèces, A. manga sp. nov. et A. maroloko sp. nov. Celles-ci étaient jusque-là confondues avec A. fallax et A. spinosissima, dont les spécimens un peu différents étaient considérés comme des variants. Ces espèces sont à considérer désormais comme voisines d’autres phasmes malgaches et non plus comme cousines de taxons outre-mer, ce qui remet en cause la théorie d’un peuplement multiple de l’île.
Point très remarquable, à leur maturité les mâles de ces phasmes quittent leur habitus de camouflés en bâtonnets placides unis et ternes pour celui de bâtonnets marcheurs en livrée bleu vif ou multicolore, on ne peut plus visibles. Les femelles, plus grandes (15 à 24 cm) ne changent pas.
Au laboratoire, il a été constaté que le mâle ne commence à tenter de s’accoupler qu’une fois sa nouvelle couleur bien installée. Ce qui suggère que celle-ci est une parure sexuelle, propre à séduire les femelles.
Mais comment éviter de se faire dévorer avant d’approcher une partenaire, ce qui implique de se déplacer pas mal ? L’habit voyant serait aposématique, avertissant les prédateurs de la toxicité du contenu. En plus, chez ces espèces, les glandes répugnatoires, situées au niveau du cou, sont particulièrement développées.
Des travaux difficiles seraient nécessaires pour confirmer ces hypothèses. En tous cas, ces phasmes magnifiques ont tout pour devenir des emblèmes de la biodiversité exceptionnelle de Madagascar.
Article source (gratuit, en anglais) 
Illustration : A : Achrioptera fallax mâle adulte ; B : id. en couple ; C : id. femelle adulte ; D : A. manga, mâle adulte ; E : id. femelle adulte ; F : A. spinosissima mâle adulte ; G : A. maroloko mâle adulte ; H : id. femelle.
mars

1149 Fils de reines : juste des protéines
La Fourmi de feu tropicale Solenopsis geminata (Hym. Myrmiciné) est une espèce invasive mondialisée, issue d’Amériques centrale et du Sud. Elle provoque des gros dégâts écologiques et se montre très désagréable pour qui la dérange. Présente sur le récif d’Ashmore, où elle attaque les jeunes fraîchement éclos des oiseaux marins et des tortues de ce sanctuaire, cette fourmi pourrait bientôt se retrouver dans le Nord de l’Australie. La recherche des raisons de sa capacité d’extension géographique, a conduit à mettre au jour un comportement bien particulier.
C’est le cannibalisme notamment qui permet à une colonie nouvellement fondée de prendre patte solidement sur un nouveau territoire et de surmonter les inconvénients de la consanguinité.
La femelle s’envole juste après avoir été fécondée, se pose et se dépêche de pondre de façon à disposer de filles aidantes avant de mourir de faim. Celles-ci sont issues d’œufs fécondés et sont diploïdes. Mais quand elle s’est accouplée avec un mâle proche génétiquement (un cousin, cas fréquent dans les petites colonies « jeunes pousses ») la moitié des œufs fécondés donnent des mâles diploïdes.
Ces mâles ne font rien, sont souvent stériles, et ne sont d’aucune utilité pour la reine. Qui plus est, leurs larves sont plus grosses et plus voraces que celles des ouvrières.
Les reines ne s’en désintéressent pas. Dans le tiers des 1 187 colonies expérimentales observées, elles les déposent bien vivants sur leur tas d’ordures. Puis elles les mangent, récupérant ainsi des protéines.
Une deuxième façon de créer vite de nombreuses ouvrières est l’association de plusieurs reines, fréquente. Dans ce cas, les grosses larves mâles sont tolérées. Et une troisième, c’est pour les princesses, de coucher avec n’importe qui, ce qui réduit les risques de mariage consanguin et donc de naissance de ces bons à rien de fils.
D’après « Cannibalism helps fire ants invade new territory », par Pauline Lenancker et Lori Lach, The Conversation, lu le 22 mars 2018 à //phys.org/
Illustration : cliché INPN-MNHN

1148 Géophagie
Le microbiome, ensemble des génomes des symbiotes, pathogènes et commensaux d’un être vivant dépend de l’environnement de celui-ci. Ainsi, il est connu que celui d’une plante est fortement relié à celui du sol où elle pousse. Quels liens entre ceux du sol et de la plante et celui d’un phytophage qui se nourrit de ses feuilles ? Aucune idée jusqu’à l’étude menée aux Pays Bas (Institut d’écologie et université de Leyde) par Martijn Vezemer et ses collaborateurs.
Ayant fait pousser des pissenlits en extérieur, ils ont prélevé le sol autour et élevé des chenilles de de Noctuelle du chou Mamestra brassicae (Lép. Noctuidé) sur des pissenlits installés sur ce sol ou avec des feuilles coupées, en serre. Dans ce dernier cas, les microbiomes des insectes sont relativement simples et ressemblent à celui des feuilles.
En revanche, sur plante entière, les microbiomes sont variés et ressemblent à ceux du sol. Ils en dépendent alors que les plantes y sont plus « indifférentes ».
Ces microbiomes édaphiques peuvent donc être transmis à des insectes phytophages qui se nourriront plus tard d’autres plantes poussant sur le même sol. L’importance et la durée de cet effet héritage restent à déterminer.
Article source (gratuit, en anglais) 

NDLR : les chenilles de la Noctuelle du chou font des allers-retours fréquents entre la surface du sol et la plante dont elles trouent les feuilles ; elles se déplacent aussi d’une plante à l’autre. C’est essentiellement à cette occasion qu’elles ingèrent le microbiote du sol ; elles peuvent aussi se contaminer en consommant des feuilles terreuses ou poussiéreuses.

1147 Petit chimiste
Odontotaenius disjunctus (Col. Passalidé) s’est fait remarquer comme le champion des costauds avant que son cousin O. taurus ne le batte en 2010, réussissant à tirer 1 141 fois son poids. Aujourd’hui, ce saproxylophage forestier nord-américain, habitant et consommateur des troncs d’arbres décidus pourris, attire l’attention par la capacité qu’ont les adultes à digérer le bois, une nourriture fort pauvre en azote.
Notre passalide en effet, avec l’aide de microbes, transforme la matière ligneuse en énergie pour ses larves (qui consomment ses excréments) et en nutriments pour les plantes. Qu’on parvienne à mettre au point une usine qui fait de même...
Une équipe du Berkley Lab (ministère états-unien de l’énergie) menée par Javier Ceja-Navarro vient de montrer comment, le long de son tube digestif, les peuplements de micro-organismes se succèdent et accomplissent chacun une étape de la transformation de la lignocellulose.
Une colonie de cet insecte subsocial comporte jusqu’à 7 imagos ; chacun avale 4 fois son poids de bois décomposé par jour. Ses excréments, en forme de vermoulure, contiennent 3 fois plus d’azote que ce qu’il ingère et comportent des produits énergétiques comme des acétates ainsi que des biocarburants comme de l’hydrogène, de l’éthanol et du méthane.
Munis d’outils de biologie moléculaires, de spectromètres et de sondes miniatures, les chercheurs ont découvert que les tronçons successifs du mésentéron et du proctodéum (intestins moyen et postérieur) du passalide ont chacun une configuration adaptée à un microbiome particulier. Ceci permet à des processus incompatibles de s’effectuer sans conflit ; par exemple, la dépolymérisation de la lignine requiert de l’oxygène, gaz qui empêche la fermentation nécessaire à la production d’énergie. Le tube digestif est également conformé de façon à empêcher les fuites d’hydrogène et à favoriser ainsi la production d’acétates.
Il reste aux ingénieurs à imiter cette chaîne compartimentée pour transformer les déchets de bois en bioproduits d’intérêt.
Article source : doi:10.1038/s41564-019-0384-y 
Illustration : étapes de la dépolymérisation et de la fermentation de la lignocellulose le long du tabe digestif d’Odontotaenius disjunctus, avec les principaux micro-organismes impliqués. Jaune : stomodeum ; vert  mésentron ; marron : tronçon anaérobie du proctodéum ; beige : tronçon postérieur du proctodeum ; rouge : trachées. Figure de l’article.    

1146 Les fossoyeurs en ont plein le dos
On n’en finit pas de scruter la vie et les œuvres des fossoyeurs, Coléoptères Silphidés qui enfouissent et travaillent des cadavres de petits vertébrés pour en faire une réserve de nourriture et un site de ponte. Le Nécrophore fossoyeur Nicrophorus vespilloides est une espèce très étudiée par les entomologistes de Cambridge (Royaume-Uni) et, parmi eux, Syuan-Jyun Sun vient de préciser le rôle d’un acarien associé, Poecilochirus carabi.
Ce dernier se tient sur le dos du fossoyeur, le laissant chercher, trouver et disputer à ses congénères une charogne ; il la partage ensuite avec son transporteur, pour l’élevage de ses larves. Il y a des gros et des petits fossoyeurs mâles, qui se disputent les partenaires sexuelles. Les petits peuvent gagner, pourvu qu’ils soient couverts d’acariens.
Filmée en lumière infrarouge, la dispute entre un fossoyeur couvert et un tout nu révèle le porteur d’acariens – le gagnant - est plus chaud que son adversaire. À l’exercice sur un tapis roulant, le fossoyeur portant des acariens « chauffe » autant que son compère à qui on a collé un poids équivalent. Et la couche d’acariens fait comme une couverture isolante, laquelle profite plus aux petits individus car elle couvre une proportion relativement plus grande du tégument du fossoyeur.
Il y a toutefois un prix (faible) à payer pour ce biodopage : les acariens réduisent légèrement le succès reproductif de leurs transporteurs, en consommant une partie de la charogne.
Les gros ne gagnent rien à supporter les acariens compétiteurs dont ils n’ont pas besoin et, pour eux, la relation n’est pas du mutualisme mais du parasitisme.
D’après « Mighty mites give scrawny beetles the edge over bigger rivals », par Pranjal Mehar. Lu le 6 mars 2019 à www.techexplorist.com/
Photo : Nécrophore fossoyeur chargé d’acariens. Cliché U. Cambridge

1145 Un immigrant clandestin se cache dans un tunnel
La Société royale d’horticulture vient d’homologuer la découverte, l’été dernier, d’un insecte exotique à Garden Wisley, dans le Surrey (Royaume-Uni), un Embioptère, le premier de cet ordre à prendre patte dans le royaume. Aposthonia ceylonica (Oligotomidé), 1 cm de long à l’état adulte, vit sur les racines aériennes des orchidées et des broméliacées, en Thaïlande. Cet allochtone est arrivé caché dans des livraisons de plantes tropicales ; il n’est pas une menace.
D’après « First new insect order in Britain for 100 years », lu le 28 février 2019 à  www.discoverwildlife.com
L’ordre nouveau précédent est celui des Phasmatodea, découvert dans le Devon en 1909.
Photo : femelle d’Aposthonia ceylonica.
NDLR : Les embies sont des hémimétaboles détritivores subsociaux qui vivent, larves et femelles aptères, dans des tunnels faits d’une soie sécrétée par leurs pattes avant. Les mâles sont ailés. On en connaît 2 espèces de la France méridionale : Embia ramburi (Embiidé) et Haploembia solieri (Ologotomidé).
février

1144 Le parfum du danger
Le Doryphore de la pomme de terre Leptinotarsa decemlineata (Col. Chrysomélidé) n’est plus le ravageur redouté partout du temps de l’Occupation. Et n’est plus le sujet numéro 1 des entomologistes de l’INRA après la guerre. Il provoque toujours des dégât importants (consommation de feuilles) sur toutes les solanées, localement, et demeure difficile à combattre, ses populations devenant rapidement résistantes aux insecticides. La recherche de procédés nouveaux continue.
Angel Helms et Jared Ali, chercheurs du département de l’Agriculture états-unien (USDA), ont examiné les réactions des plantes-hôtes et de leur ravageur à la présence de nématodes entomopathogènes du sol, utilisés comme agents de lutte biologique contre les formes souterraines des insectes. Ceux-ci tuent les nymphes de doryphore ; leurs cadavres émettent une odeur particulière et les femelles sur la plante au-dessus pondent 1/3 d’œufs en moins.
Des doryphores installés sur des plantes au pied entouré de sol contenant des nématodes ont vu leur consommation de feuilles réduite et leur poids diminué de 40 %.
C’est la plante qui perçoit l’odeur des nématodes, l’interprète comme le signal d’une attaque à venir par le phytophage et réagit en renforçant ses défenses.
Ainsi les nématodes seraient plus intéressants que précédemment estimé.
D’après « Nematode odors offer possible advantage in the battle against insect pests », le le 26 janvier 2019 à www.eurekalert.org
Photo : imago de Doryphore. Cliché UGA. 

1143 Faute de bogongs…
...l’opossum nain des montagnes périclite. « Lui aussi, il aime les insectes » (cf rubrique de la revue Insectes) et ça risque de le mener à sa perte.
Burramys parvus (Dipr. Burramyidé) est un petit mammifère marsupial endémique des Alpes australiennes, qui vit dans un milieu qui disparaîtra dès que la température moyenne augmentera d’1 degré. C’est donc un sursitaire. Connu d’abord comme fossile, il a été découvert vivant en 1966 et est depuis très surveillé. Il hiverne longuement après s’être gavé de bogongs, Agrotis infusa (Lép. Noctuidé), richement protéinés.
Ces noctuelles migrent au printemps et en été vers des grottes de ces montagnes, où elles se regroupent en masse. Sauf ces tout derniers mois où quelques rares individus seulement ont été vus. La faute à une exceptionnelle sécheresse hivernale, liée au réchauffement climatique, survenue à des centaines de kilomètres de là en Nouvelles Galles du Sud, où se développent les chenilles du papillon roboratif.
C’est la seconde année de conditions défavorables au bogong et donc catastrophiques pour les opossums. Après avoir dépassé 2 000 individus, l’effectif du marsupial est réduit sans doute à quelques dizaines. Les femelles portent des petits morts dans leur poche.
Son destin n’est pas seulement dicté par les pertes infligées à son insecte nourricier du fait de la modification du climat. L’implantation de stations de ski, en fragmentant son habitat, a été très efficace.
D’après, entre autres, « Decline in bogong moth numbers leaves mountain pygmy possums starving », par Graham Readfearn. Lu  le 24 février 2019 à www.theguardian.com/
À (re)lire : La noctuelle du champ magnétique. Épingle de 2018.

1142 Zéphyr ou Babar ?
La question se pose chaque jour à la Fourmi de l’acacia Crematogaster mimosae (Hym. Myrmiciné), qui habite en domaties, des épines creuses de son hôte aménagées et mises à sa disposition, en plus de nectaires extra-floraux. Ceci en échange d’une protection contre les mammifères brouteurs de feuilles de la savane. Qu’un éléphant (Babar ou un autre, ou une girafe) s’approche de près et voilà les fourmis en marche vers l’agresseur, abdomen relevé, pour le mordre.
C’est l’ébranlement des rameaux et des feuilles qui déclenche la réaction, les entomologistes Felix A. Hager et Kathrin Krausa l’ont d’abord appris à leur dépens.
Mais les vents, zéphyr comme aquilon, agitent aussi les branches de l’acacia siffleur. Pourtant les fourmis ne se dérangent pas.
Nos biotrémologistes (la trémologie est la science des frottements) ont ainsi suspecté que ce sont les ébranlements qui alertent les ouvrières, pas tant les odeurs comme on le croyait. Pour vérifier cette hypothèse, ils se sont munis d’accéléromètres à fixer sur les épines ou les branches, ont embauché localement une chèvre et construit un agitateur à base d’un électro-aimant et d’un ressort attaché à une épine. Les fourmis distinguent parfaitement le mammifère dangereux du vent aimable, ceci même depuis l’autre côté de l’arbre. Elles se dirigent presque toujours sans se tromper vers la source du signal, faisant usage de leur sens de la tropotaxie (elles perçoivent séparément 2 excitations physiques simultanées).
Au cours d’une longue co-évolution, la relation mutualiste entre fourmis et acacia s’est perfectionnée, acquérant avec cette tribosensibilité des fourmis une efficacité remarquable.
Article source (gratuit, en anglais)    
Illustration : dessin des auteurs

1141 Une société de climatiseurs
Comment les termites (Blatt. Termitidés) parviennent à construire une termitière parfaitement climatisée ? Ils n’ont ni architecte ni plan, chacun y travaille dans son coin sans aucun outil ; leur cerveau est tout petit  dans un corps petit ; la main d’œuvre est abondante. Les conditions de température, d’humidité, de taux de gaz carbonique dans l’air demeurent celles qui conviennent au développement du couvain et des champignons qu’ils cultivent quelques soient les variations au cours du nycthémère, des jours et des saisons.
La forme et l’orientation des termitières varie beaucoup, en fonction du genre, de l’espèce et du lieu, de la cathédrale au patatoïde plat.
Samuel A. Ockoa, Alexander Heydeb et L. Mahadevanb, de Harvard (Massachusetts, États-Unis), livrent une explication à cette diversité au moyen d’un modèle mathématique. Celui-ci lie, par des règles simples, les paramètres physiques de l’environnement de l’individu à son comportement. Le modèle « marche » et rend compte des différentes formes de termitière observées.
Une termitière, avec ses galeries, fonctionne comme un système de ventilation, dont l’énergie est le changement de température entre le jour et la nuit. Les flux d’air qui y circulent voient leur température et leur hygrométrie varier ; ils transportent des phéromones et le gaz carbonique produit par la respiration des habitants. Localement, ces facteurs indiquent aux ouvriers et ouvrières présents quoi faire. Par exemple, s’il fait chaud, modifier la géométrie de la paroi pour refroidir l’air. Une fois ce but atteint, les termites modifient leur comportement. Ce sont ces boucles de rétroaction qui dessinent la termitière. Ces insectes vivent dans un état de déséquilibre robuste et adaptatif.
Le rôle des phéromones reste à préciser. Elles commandent sans doute la construction de la chambre royale et, par ailleurs, le façonnage des piliers.
Article source 

1140 Tous ses contacts identifiés
La liste des insectes qui fréquentent les fleurs pour leur nectar, et notamment de ceux qui les pollinisent, s’obtient par des échantillonnages globaux du milieu où elles vivent, par piégeage, et par des observations directes, forcément très partielles. L’application de la technique du métabarcoding (analyse d’ADN mélangés) à ce problème permet d’apporter des réponses précises et assez complètes et de façon peu coûteuse.
On a déjà appliqué cette technique, en entomologie, à l’identification des composants de culots de piège et à divers inventaires  : mines vides, urnes de plantes carnivores, échantillons de sol, contenus stomacaux, etc.
Philip Francis Thomsen et Eva Egelyng Sigsgaard de l’université d’Aarhus (Pays-Bas) ont testé l’hypothèse que les arthropodes floricoles laissent sur les fleurs visitées une marque identifiable par l’ADN qu’elle contient.
Ils ont récolté 56 fleurs de 7 espèces spontanées de prairies boisées. Après amplification, les ADN trouvés ont été identifiés à l’aide du Barcode of Life Data Systems, la liste des espèces d’arthropodes pouvant fréquenter ce milieu étant connue par ailleurs et fournie par plusieurs bases de données.
Ont été repérés comme visiteurs notament des pollinisateurs (1 bourdon, 2 papillons, 4 syrphes), des prédateurs (1 carabe, 1 Cantharidé, 2 coccinelles), des cécidogènes (cécidomyies), 2 Braconidés parasitoïdes de pucerons et d’autres phytophages, thrips, pucerons, punaises dont des Miridés, et un Cérambycidé, le Lepture à 4 bandes. Et, inattendus, un cloporte et une éphémère.
Soit, en tout 135 espèces de 67 familles et 14 ordres.
La méthode paraît tout à fait efficace, seule pour des inventaires globaux ou en complément des techniques en usage pour caractériser globalement l’entomofaune floricole ou surveiller les espèces en danger, pour établir la liste des hôtes de tel insecte.
Article source (gratuit, en anglais) 
Illustration : aperçu de la diversité des floricoles. Tiré de l’article

1139 Sourd mais sonore
Il y a 65 millions d’années, les chauves-souris ont mis au point un sonar à ultrasons pour localiser les insectes volants, leurs proies. Depuis, les papillons n’ont cessé de développer des contre-mesures, répondant par des salves de clics ultrasonores qui brouillent  ou trompent leur système d’écholocation. Ces signaux sont généralement produits par cymbalisation, les ébranlements de l’air étant produits par le flambage d’une membrane.
Des hyponomeutes (Yponomeuta et 4 autres genres) possèdent sur l’aile postérieure une plage translucide finement rainurée, dépourvue d’écailles entre 2 nervures cubitales. Supposée être un organe phonatoire, cette plage a été nommée stridularium.
Des chercheurs de l’université de Bristol (Royaume-Uni) ont examiné les capacités sonores de l’Hyponomeute du fusain Yponomeuta evonymella et d’Y. cognatella, le Grand H. du f. Ces deux espèces très semblables se font remarquer par les toiles blanches que tissent les chenilles autour des fusains défoliés en année de pullulation.
Le papillon émet 2 salves de clics à chaque battement d’ailes ; amputé de ses stridulariums, il reste muet. Il ne répond par aucun changement de comportement, qu’il soit en vol ou posé, à l’émission d’ultrasons artificiels : il est donc sourd.
L’observation en vidéo haute fréquence de papillons fixés éclairés en infrarouge ne montre aucun contact entre 2 parties du corps durant les émissions : il ne stridule pas.
Ses cymbalisations ont une portée de 4 à 10 m vis-à-vis de chauve-souris. Avec ses cymbales alaires, les hyponomeutes émettent des sons aux caractéristiques tout à fait analogues à ceux des écailles (Arctiidés, chez qui les organes phonatoires sont sur l’abdomen) et qui miment ceux notamment de 2 écailles sympatriques l’Écaille martre Arctia caja et l’É. cramoisie Phragmatobia fuliginosa. La différence est que les hyponomeutes cymbalisent en vol alors que les écailles émettent leurs ultrasons posées lors de la cour, de la défense du territoire ou en réponse à une attaque de chauve-souris.
Les hyponomeutes sont toxiques ; il renferment de la siphonodine et de l’isosiphonodine (buténolides) séquestrés depuis la plante hôte ou synthétisés. Un oiseau forcé de manger un hyponomeute tombe en somnolence. Ces papillons nocturnes n’ont pas de livrée aposématique ; il avertissent leurs prédateurs par leur cymbalisation qui copie (mimétisme müllérien) celle des écailles, tout en étant plus faible, pour éviter de se faire repérer.
Article source (gratuit, en anglais)
Photo : macrophoto et vue au microscope électronique du stridularium d’Yponomeuta evonymella. Cliché des auteurs       

1138 Honneur au charançon !
En 1915, la vie des agriculteurs d’Entreprise (Alabama, États-Unis) bascule. Les champs de coton du comté de Coffee sont attaqués par le « bollweevil », le Charançon de la capsule du cotonnier Anthonomus grandis (Col. Curculionidé). Devant le désastre, ils décident de semer de l’arachide, qui sauvera l’économie agricole. Actuellement la moitié des cacahuètes du pays viennent de cette région.
Le 11 novembre 1919, reconnaissants, les habitants inaugurent dans la rue principale une statue au boll weevil. Perchée sur un socle ornementé, une dame blanche fort vêtue, à l’ancienne, tient au-dessus de sa tête un charançon.
Pour marquer le centenaire de l’évènement, il a été décidé de parsemer l’agglomération de boll weevils géants et voyants. Ils sont fabriqués sur mesure – ce qui prend des mois - par Replica Plastics de Dothan. Les 4 premiers exemplaires ont été dévoilés lors d’une fête, commandés respectivement par la municipalité, le Farmer’sMarket, la police et les pompiers.
Lorsque l’effectif se sera étoffé, un circuit touristique auto-guidé sera organisé, qui sera une attraction réputée.
D’après, notamment : « Enterprise introduces new city-wide art project featuring boll weevils », par Zach Wilcox. Lu le 31 janvier 2019 à www.wtvy.com/ 
Photo : la statue dessinée et offerte par les pompiers.    
À (re)lire : Hymnes au charançon, par Hélène Perrin. Insectes n° 148 (2008-1)
NDLR : Entreprise se prétend la seule ville au monde à posséder une statue d’insecte. Personne n’y a lu Insectes, qui a publié notamment : Des monuments pour les insectes, par Remi Coutin et Jacques d’Aguilar. Insectes n° 91 (1993-4)   ainsi que la photo du monument dédié au Ciron Tyroglyphus casei – un acarien - à Würchwitz (Allemagne).  

1137 1Usine à gaz
Le grégarisme a bien des avantages. Il augmente l’efficacité de l’affouragement et le choix des partenaires sexuels notamment. Mais il expose les individus à un risque accru de prédation, pallié par l’exhibition de couleurs et motifs aposématiques, qui avertissent les prédateurs de leur immangeabilité, voire de leur toxicité. Les criquets polyphages peuvent puiser dans la couverture végétale les substances nécessaires, en mangeant certaines plantes sécrétant des toxiques lorsqu’ils se trouvent réunis.
Le Criquet migrateur Locusta migratoria (Orth. Acrididé) est oligophage : il ne se nourrit que d’herbes et n’a pas cette possibilité. En phase solitaire il se protège par sa une livrée brune, cryptique. En phase grégaire il se vêt de vert vif et repousse chimiquement les oiseaux acridivores.
Une équipe de l’Académie chinoise des sciences, dirigée par Le Kang, avait détecté de fortes concentrations de phénylacétonitrile (PAN) émanant des criquets, larves et mâles adultes, en phase grégaire. Elle vient de publier le résultat d’une étude poussée de ce composé.
Il en ressort que le PAN joue le rôle d’un signal avertisseur olfactif et qu’il est le précurseur du cyanure d’hydrogène, gaz soluble hautement toxique. Il est synthétisé à partir de la phénylalanine (acide aminé) dans une réaction catalysée par le gène (nouveau) CYP305M2, qui code pour un cytochrome P450 (hémoprotéine).
Toute une série d’expériences de choix binaires ont montré que les individus en phase grégaire chez qui ce gène a été inactivé sont plus vulnérables ; et que les criquets en phase solitaire auxquels on a administré du PAN de synthèse le sont moins.
Au moment de l’attaque du criquet par un oiseau, le PAN est convertir en cyanure et l’oiseau s’empoisonne.
C’est la mésange charbonnière qui a collaboré à ce travail.
Article source (gratuit, an anglais)     
Photo : individu adulte du Criquet migrateur. Cliché lestaxinomes.org
NDLR : le même cyanure d’hydrogène est utilisé comme moyen de défense par le mille-pattes géant africain Archispirostreptus gigas (Dipl. Spirostreptidé).
janvier

1136 Robot tueur
Un énième outil de désinsectisation des denrées est en train de naître sur une paillasse du laboratoire de Cornel Adler à l’institut Julius-Kühn (Quedlinburg, Allemagne). Les charançons et autres pyrales sont souvent détectés trop tard et il ne reste plus que le traitement au phosphure d’hydrogène, un fumigant très dangereux et vis-à-vis duquel beaucoup d’insectes ont développé une résistance. D’où le besoin d’un moyen de lutte non chimique.
L’arme en cours de mise au point combine la reconnaissance automatique de forme -via une caméra à haute fréquence et un logiciel ad hoc – et le percement d’un trou dans le tégument du déprédateur cible identifiée par un tir de laser. C’est le Charançon du blé Sitophilus granarius (Col. Curculionidé) qui a l’honneur d’étrenner le dispositif.
L’insecte est noir, les interstices entre les grains sont noirs. Mais il n’échappe pas à l’identification, qui s’appuie sur une base d’images de contours d’insectes. L’orientation du tir du laser ne pose pas de problème ; il faudra toutefois doser finement sa puissance pour ne pas griller les grains alentour ni provoquer une explosion de poussière.
Un prototype fonctionnel est annoncé en 2020.
D’après « Lasertechnik gegen Kornkäfer », par Maren Schibilsky. Lu le 24 janvier 2019 à www.deutschlandfunk.de/
Photo : Charançon du blé adulte
NDLR : un projet analogue antérieur : « Guerre des étoiles », Épingle de 2009

1135 Feu le scolyte ?

Le Dendroctone du pin poderosa Dendroctonus ponderosae (Col. Scolytiné) est une peste nord-américaine des pins qui lors de ses pullulations affecte plus de 10 millions d’hectares de forêt. S’en suivent des incendies géants. Ce ravageur est très difficile à combattre et les mesures sylvicoles ne sont que partiellement appliquées.
Les habitants de Custer (Dakota du Sud), qui se souviennent de la dernière pullulation qui a duré 20 ans, veulent se motiver pour entretenir la forêt de façon à venir à bout du scolyte, notamment en éliminant les troncs couchés qui les attirent et les multiplient tout en alimentant d’éventuels incendies monstres.
Pour cela, ils organisent chaque année depuis 6 ans une grande fête, l’ « annual pine beetle torching ». Cette année, c’était samedi 19 janvier. À la nuit, des milliers de gens munis de torches se sont rassemblés autour d’une maquette de dendroctone de presque 10 m de long - endocuticule en bois, exocuticule en toile noire, 2 yeux, 2 antennes dressées et… des dents, plein de dents blanches - couchée sur un lit de branchages, bûcher qu’ils ont allumé. Hourras, sifflets et feux d’artifice.
Il n’y a pas mieux comme fête dans tout le Dakota du Sud. Un exemple de lutte psychologique.
D’après « Sixth annual Beetle Burning Festival in Custer », lu le 20 janvier 2019 à //www.newscenter1.tv/
Vidéos



1134 Pour en finir avec les punaises…
...et autres ravageurs. Il s’agit là d’insectes vivant en captivité, élevés par des chercheurs en entomologie agricole. Il suffit d’appliquer les règles états-uniennes du « shutdown » : non seulement cesser de payer les entomologistes dans les stations de recherche fédérales mais aussi leur interdire de mettre les pieds dans leurs labos. Pendant un mois au moins.
Résultat : les élevages ne sont plus entretenus, les souches ne sont plus repiquées. Tout crève.
Accessoirement, les données des manips en cours ne seront pas relevées, il est impossible de lire ses courriels, les déplacements sont annulés, le renouvellement des fournitures ne peut plus se faire, le personnel administratif étant bien sûr banni de ses bureaux. Curieusement, le courant n’est pas coupé.
La règle n’est pas partout strictement appliquée.
Par exemple, Don Weber travaille sur le campus du département de l’Agriculture à Beltsville (Maryland). Il a la charge d’un grand élevage de Punaises diaboliques Halyomorpha halys (Hém. Pentatomidé), nourries de graines de tournesol et de haricots verts. Il vient, par permission spéciale, s’en occuper 3 jours chaque semaine, bénévolement.
Les employés du centre d’application de Peoria (Illinois) ont le droit d’arroser les plantes mais pas de relever les données. Ailleurs un employé de l’USDA, anonyme, confie se faufiler la nuit dans son labo pour maintenir ses souches de micro-organismes.
Des travaux interrompus, d’autres ruinés en dépit de ces actes de dévouement et d’insoumission. Que l’entomosphère applaudit.
Pour Don Werber, c’est son deuxième shutdown. À l’issue du premier, au bas d’un article, il avait précisé que les données d’octobre 2013 ont été enregistrées en violation des règles du shutdown.
D’après « As shutdown drags on, scientists scramble to keep insects, plants and microbes alive », par Julia Rosen, lu le 18 janvier 2019 à phys.org/news/
Photo : imago d’Halyomorpha halys mort. Photo Wiki

1133 Des insectes dans la rue
Pas sur l’asphalte, non, et pas défilant sous la banderole « Vous aimez les insectes : mangez-en » mais dans un distributeur automatique. À Kumamoto, au Japon, on peut nuit et jour s’acheter grillons salé ou en barre, rhinocéros ou tarentule et les manger là ou plus loin. Il aura fallu débourser par article respectivement 10,4, 5,6 ou 15,2 €. C’est cher mais pratique. En tous cas M. Toshiyuki Tomoda, tenancier de confiserie, qui vient d’installer la machine devant sa vitrine est content de son rapport.
Que les insectes comestibles ne se croient pas les premiers à bénéficier d’un tel service. Avant eux, en 2000 déjà, les « nightcrawlers », insectes vivants eux, ont attendu le client – de l’espèce pêcheur à la ligne états-unien – dans des distributeurs automatiques rutilants, lesquels proposaient des « vers luisants » (luisant après avoir ingéré une poudre fluorescente) dans de la tourbe et des asticots normaux, dans la sciure.
D’après, notamment, « Vending machine sells bugs to eat in Kumamoto », lu le 15 janvier 2019 à //the-japan-news.com/
Photo :
PS : « La Maison des Insectes, à à Carrières-sous-Poissy, organise ce dimanche 20 janvier 2019 de nombreuses activités pour tout savoir sur la consommation de ces petites bêtes. En plus, vous pourrez y goûter. »


Du 191

1132 Un parfum qui rapproche
Il y a une soixantaine d’années, on eut la surprise de trouver dans la fourmilière de Formica archboldi (Hym. Formiciné), habitant du Sud-Est des États-unis, des « crânes » d’une autre fourmi, du genre Odontomachus (Ponériné). Surprise, car les Formica connues sont des généralistes au contraire des Odontomachus, prédateurs célèbres pour leurs longues mandibules tenues ouvertes et se refermant très brusquement sur une fourmi-proie. Bien connus également par l’usage qu’ils font de ce piège à déclic pour sauter.
Reprenant cette observation, à la suite d’auteurs qui l’ont confirmée, Adrian Smith, de l’université de Caroline du Nord (États-Unis), a cherché à comprendre le pourquoi de cette spécialisation, très inhabituelle. Les inventaires d’objets rapportés au nid par F. archiboldi montrent toujours la dominance nette d’ouvrières d’Odontomachus sur d’autres fourmis, d’autres insectes et des fragments de végétaux.
Trois espèces d’Odontomachus vivent dans l’aire de répartition de F. archboldi : O. brunneus (autochtone), O. relictus (endémique de Floride) et O. ruginodis (introduite).
La vidéo à haute fréquence a révélé que F. archiblodi paralyse les Odontomachus d’un jet d’acide formique – ce qui est normalement une réaction de défense. La surveillance au sein des chambres de leur fourmilière, visionnée en accéléré, a montré que les proies y sont traînées puis démembrées. Les restes ne sont pas évacués, d’où ces cimetières de crânes observés.
A. Smith a établi que la fourmi prédatrice réussit à se rapprocher de l’Odontomachus convoité sans se faire pincer grâce à un déguisement chimique. Elle adopte en effet le parfum, qui sert à la reconnaissance des congénères et recouvre la cuticule, des 2 espèces « états-uniennes de souche » d’Odontomachus. Le procédé est normalement l’apanage des parasites sociaux. Sa créativité chimique est exceptionnelle.
La relation étrange entre ces deux fourmis a été mise au point par coévolution le long de l’évolution.
Article source 

1131 Le soleil dans l’oeil
Les drosophiles ne passent pas pour de grands voiliers et pourtant sont capables d’accomplir des trajets en ligne droite sur une distance considérable pour leur petite taille, à la recherche de nourriture et d’un site de ponte. Des individus marqués ont été recapturés 15 km plus loin, parcours effectué en une soirée, dans le désert chaud (Vallée de la mort, États-Unis).
La course n’a pu se faire qu’en ligne droite, une trajectoire non ou mal contrôlée aurait conduit l’insecte à tourner en rond, ce qui est tout à fait inefficace. La Mouche du vinaigre possède donc un pilote interne.
Michael Dickinson et ses collaborateurs (Caltech à Pasadena, Californie) ont trouvé ce pilote. Fixée sur un pivot (un fil de tungstène collé sur son dos) au centre d’une chambre de vol (cylindre basculant éclairé en lumière rouge sur la paroi interne duquel s’allument des leds en guise de stimuli mobiles), la droso ne pivote pas, c’est-à-dire qu’elle adopte une trajectoire rectiligne, qui fait un angle quelconque avec ce « soleil » (ménotaxie). Retirée du dispositif et replacée à son poste, elle vole dans la même direction, même après une absence de plusieurs heures. Ceci suggère qu’en nature, les individus d’une petite population
se disperseront dans toutes les directions.
Au niveau du système nerveux, on avait découvert récemment des neurones spécialisés, dits E-PG. En les inactivant par une manipulation génétique, l’équipe a créé des mouches incapables de s’orienter par rapport au soleil. Elles vont « bêtement » vers la source de lumière (phototaxie).
Au travers d’une fenêtre découpée dans la capsule céphalique de la droso fixée dans le simulateur, et au prix d’une autre modification génétique, il a été possible de voir fluorescer ces neurones en fonction de la présence du « soleil ».
On a là un mécanisme sans doute très ancien et fondamental chez les insectes. Avec la Mouche du vinaigre, insecte hautement bidouillable, on dispose d’un outil pour l’examiner plus avant.
Article source 

1130 La vue c’est la vie
Pour le Puceron rose ou vert du pois aussi, selon les travaux d’une équipe de bactério-aphidologues à l’université Cornell (New-York, États-Unis).
Acyrthosiphon pisum (Hém. Aphididé) vit sur les Fabacées, sur les tiges et sous les feuilles, dont il se laisse tomber à la moindre alerte (thanatose). Il épuise les plantes et les infecte de viroses.
La réaction de pucerons migrants aux couleurs - celles des plantes sur lesquelles ils atterrissent - a été étudiée depuis longtemps. Là on vient de découvrir que ce puceron perçoit le bleu-ultraviolet émis par les souches virulentes de la bactérie épiphyte pathogène Pseudomonas syringae et évite ainsi la contamination et la mort. Ceci pallie son manque de gènes de réponse immunitaire.
Les manips ont consisté notamment à noter la répartition de pucerons lâchés au pied de jeunes plants de fève étêtés, dont à chaque étage, une des 3 paires de feuilles avait été badigeonnée d’une suspension de P. syringae, d’une souche virulente ou bénigne. Ceci sous la lumière du jour ou au travers d’un filtre arrêtant les UV. Sauf dans cette dernière circonstance, les pucerons s’installent là où il y a moins de risques. Leur réaction est semblable sur milieu artificiel (qu’ils ponctionnent au travers d’une membrane en parafilm).
La pyroverdine produite par la bactérie, qui lui fait réémettre la lumière dans le bleu-ultraviolet, n’est pas la cause de sa virulence, elle n’en est que le signal. Pour les auteurs, peut-être tient-on là un nouveau moyen d’empêcher les pucerons de se poser sur les feuilles, avec des bactéries ou des poudres fluorescentes.
Article source (gratuit, en anglais) 

1129 Pour filer le train aux Belles Dames
Les migrations des insectes sont très insuffisamment connues en dépit des moyens déployés. les individus marqués ne sont retrouvés qu’en infime proportion ; les répondeurs radio embarqués ne s’adaptent qu’à de grosses espèces et leurs batteries sont vite à plat ; le suivi par radar renseigne sur beaucoup de paramètres, y compris la fréquence de battement des ailes mais n’est opérant qu’ au voisinage du radar ; la comparaison des rapports d’isotopes stables de l’hydrogène ou du carbone a une faible résolution géographique ; enfin la détermination au microscope électronique des pollens emportés par les floricoles, méthode utilisée depuis les années 1970, est plus que laborieuse.
Le métabarcoding, technique récente qui permet d’identifier les espèces dans un échantillon où elles sont mélangées, doit pouvoir simplifier le suivi des migrateurs par les grains de pollen attachés à leur tégument.
Une équipe hispano-polonaise s’est emparée de cet outil de génie génétique pour tracer les Belles Dames Vanessa cardui (Lép. Nymphalidé) dans leurs déplacements annuels entre Afrique et Europe. Ceux-ci s’étalent sur une dizaine de générations, dont certaines doivent effectuer un trajet de milliers de kilomètres et traversent des régions botaniquement différentes, de l’Afrique noire à l’Europe du Nord.
47 papillons ont été capturés entre février et avril, sur la côte méditerranéenne de l’Espagne, le long du rivage – où ils n’ont rien à butiner. Les pollens qu’ils portaient ont vu un fragment (ITS2) de leur ADN ribosomal amplifié, pour la lecture du « code-barre ». Les chercheurs ont ensuite tiré de la littérature la répartition des espèces botaniques correspondantes.
Dans leur récolte ils ont trouvé 157 espèces de plantes, de 23 ordres, entomophiles à 83%. 73 % d’entre elles poussent dans la zone afro-arabique et 19 % y sont endémiques, ce qui confirme que la Belle Dame colonise le Sud de l’Europe à partir de l’Afrique au printemps et suggère l’existence de la migration transsahariennes sud-nord des papillons atterrissant en février en Espagne.
On a aussi la démonstration de la possibilité de pollinisations transcontinentales régulières – dont les effets sur le fonctionnement des écosystèmes et l’agriculture sont à prendre en compte.
Article source
À (re)lire, l’Épingle de 2017 « Les migrantes reviennent de loin » 


1128 Régime gras
L’Abeille mellifère voit ses effectifs diminuer sous l’effet conjugué des pesticides, de la réduction des sites d’affouragement et de maladies. Beaucoup de celles-ci se répandent et aggravent les pertes du fait d’apiculteurs qui ont importaté des abeilles réputées meilleures que les locales.
Il en est ainsi de la parasitose due à l’acarien extrême-oriental Varroa destructor (Mes. Varroïdé), espèce invasive présente en France depuis 1982. Apis mellifera lui résiste mal, du fait de son cycle long et se ses faibles capacités de toilettage. D’après la littérature, le varroa ponctionne l’hémolymphe des larves, nymphes et imagos de son hôte.
Samuel Ramsey et ses collaborateurs (université du Maryland, États-Unis) ont réexaminé cette assertion, répandue à partir d’un article en russe des années 1960 et montré que l’acarien s’alimente en fait du corps gras de l’abeille.
On aurait pu douter de la doxa. L’hémolymphe est un liquide très pauvre et il faudrait plus qu’une abeille pour le développement d’un varroa. Les excréments de l’acarien sont secs. Leurs pièces buccales ne sont pas du tout du type piqueur suceur mais adaptées à la prise d’une nourriture molle prédigérée. Comme l’ont vérifié les chercheurs, le varroa se place sur le corps de son hôte adulte non pas un peu partout mais plutôt là où le corps gras est le plus accessible, soit à  la face inférieure de l’abdomen.
Plongés dans l’azote liquide puis observés au microscope électronique, les varroas ont été saisis sur le fait, en train d’absorber du corps gras.
Une double coloration (unranine/rouge de Nil) a apporté un argument supplémentaire. Pour parfaire la démonstration, l’équipe a proposé à des acariens en phase de reproduction des milieux artificiels : sur hémolymphe, les animaux jeûnent tandis que sur corps gras ils se gavent et finissent par pondre.
Ce résultat amène à reconsidérer les effets de la varroatose sur l’Abeille mellifère et à réorienter la création d’un acaricide efficace.
Article source (gratuit, en anglais) 
NDLR : le corps gras, réparti dans tout le corps des insectes, joue un peu le rôle du foie. Il flotte dans l’hémocèle, sous forme de plaques, de nodules ou de filaments à simple ou double couche de cellules. Il stocke les réserves de lipides, protéines et glucides, joue un rôle crucial dans la détoxification, synthétise les peptides antimicrobiens, fabrique le gros des protéines de l’hémolymphe et les vitellogénines.

1127 Frigo à gaz
Les œufs des insectes pondus dans le sol sont particulièrement sensibles aux microbes susceptibles de les faire pourrir ou moisir. Leur chorion est mince et ils ne peuvent pas se toiletter. Le Philante apivore Philanthus triangulum (Hym. Crabronidae) vit à l’état larvaire aux dépens d’Abeilles mellifères Apis mellifera (Hym. Apidé) paralysées dans des galeries souterraines, milieu favorable aux moisissures. L’abeille est enveloppée dans une couche de cire (embaumement) qui réduit la condensation sur son tégument mais ça ne fait que retarder de 2 jours l’envahissement par des champignons.
La mortalité par moisissure n’est que de 5 % : il y a donc autre chose. Pour conserver ses œufs et la réserve alimentaire, notre Philante ne dispose pas de frigo, mais use d’un procédé original, le gazage (ou fumigation).
L’œuf en effet émet un antifongique puissant, le monoxyde d’azote (NO), mis en évidence par toute une série de manips par une équipe des universités de Mayence et de Ratisbonne (Allemagne). Sa concentration et celle de ses produits d’oxydation (peroxynitrites) atteint des valeurs extraordinaires, de l’ordre de 1 500 ppm.
L’œuf synthétise le NO à partir de la L-arginine, comme tous les animaux.
Le Philante apivore dispose ainsi de 3 moyens de survivre aux infections durant sa vie hypogée : l’embaumement de la proie, le dépôt d’antibiotiques sur le cocon de nymphose (qui reste longtemps en diapause) fabriqués par des Streptomyces symbiotiques et ce surprenant dégagement de gaz fongicide.
Article source : DOI: 10.1101/495085
Photo : œuf de Philanthe apivore sur la réserve de nourriture. Cliché univ. Ratisbonne

1126 Tuer le désir dans l’œuf
Pour protéger leurs œufs de la convoitise des prédateurs, les insectes ont développé plusieurs stratégies : camouflage, pontes groupées, pontes enrobées, soins parentaux, toxines, couleurs avertisseuses. Parmi les oophages, les individus de la même espèce, des cannibales donc, sont un cas particulier répandu. La pratique détruit une partie de la descendance, permettant de réduire la compétition, mais aussi diminuant la valeur sélective (fitness) inclusive. Pour la contrer, l’empoisonnement de l’œuf est contre-productif et l’usage d’un anti-appétant, bien plus intéressant, est favorisé par la sélection.
C’est ainsi que la Mouche du vinaigre Drosophila melanogaster (Dip. Drosophilidé), qui pond ses œufs groupés, les défend contre l’appétit de ses jeunes larves – pourtant consommatrices de levures.
L’enveloppe de l’oeuf est fait de 3 couches, soit de l’intérieur vers l’extérieur, la membrane vitelline, la couche cireuse et le chorion, participant respectivement à la respiration, à l’imperméabilisation et à la protection de l’oeuf.
L’étude pluridisciplinaire (comportementale, sensorielle, ultra-structurelle) de l’équipe de Roshan Vijendravarma (université de Lausanne, Suisse) a montré que c’est la couche de cire qui dégoûte les asticots. Celle-ci incorpore des composés produits par la femelle, notamment la phéromone sexuelle 7,11-heptacosadiène (7,11-HD), responsable du dégoût.
Elle n’est pas toxique, elle peut masquer d’autres substrats appétants comme la levure ; sa détection requiert le gène ppk 23 (pickpocket 23), présent à tous les stades du développement larvaire. Chez les imagos, ppk 23 rassemble et stimule les partenaires sexuels, rôle tout à fait différent.
Ce résultat pointe la nécessité de pousser l’étude du camouflage chimique, négligé – sans doute par anthropomorphisme - par rapport aux stratégies visuelles.
Article source (en anglais, gratuit)

1125
Stridulations morbifiques

En 2017, un mal mystérieux s’empara de deux douzaines de diplomates en poste à l’ambassade des États-Unis à La Havane (Cuba). Nausées, maux de tête, désorientation… attribués (sans preuves) à l’usage d’une arme acoustique par des services secrets.
D’une toute récente étude par Fernando Montealegre-Zapata and Alexander Stubbs, il ressort que le coupable pourrait bien être un grillon local. Le mâle d’Anurogryllus muticus (Orth. Gryllidé) stridule la nuit pour attirer une partenaire, et ce sur un ton extrêmement aigu. Durant l’exercice, il consomme beaucoup d’énergie sous forme de lipides, qu’il puise dans ses testicules.
Il a été démasqué par la comparaison, paramètre par paramètre, du son enregistré dans une pièce à l’ambassade avec les productions sonores de grillons d’Amérique centrale conservées à la sonothèque de l’université de Floride.
Il n’est pas prouvé que notre grillon est responsable de tous les symptômes présentés par les diplomates. Les experts se divisent. Certains parlent, depuis le début de l’affaire, d’hystérie collective.
Si A. muticus est bien fautif, ce serait le premier cas de stridulation d’insecte capable de rendre malade un Homo sapiens.
D’après, entre autres, « 'Sonic attack' on US embassy in Havana could have been crickets, say scientists »
Son : chant d’appel d’Anurogryllus muticus  
Photo :  Anurogryllus muticus. Cliché Gabriel Paladino
NDLR : muticus ne veut pas dire mutique mais imberbe.

1124 Neuf nouveaux-nés très vieux

Un morceau d’ambre du Liban a conservé 9 larves nouveau-nées d’un ancêtre de nos chrysopes actuels : une découverte exceptionnelle analysée par une équipe hispanobritannique. ces individus ont été saisis, il y a 130 millions d’années, par une coulée de résine.
Pour eux, l’espèce nouvelle Tragichrysa ovoruptora (Neur. Chrysopoidea) a été crée. Le nom d’espèce fait référence à une pièce anatomique des chrysopes actuelles vue pour la première fois chez un fossile : l’ovirupteur que possède l’embryon prêt à éclore. Cette petite lame lui sert à fendre verticalement le chorion pour s’extraire de l’œuf ; elle se détache ensuite et reste attachée au chorion vide.
Ces chrysopes nouveau-nées sont déjà pourvues des très longs tubes dorsaux qui leur servent à accumuler et transporter des débris pour se camoufler. On les connaît chez d’autres chrysopes du Crétacé. Les chrysopes actuelles, de l’éthomorphotype « camouflées » - de façon à approcher leurs proies et se protéger des prédateurs - ne possèdent que des soies dorsales et latérales adhésives.
Cette trouvaille paléontologique montre que le processus d’éclosion des chrysopes est au point depuis le début du Crétacé : un cas de conservatisme durable au cours de l’évolution.
Article source (gratuit, en anglais)  
Illustration : dessin d’artiste (dans l’article) d’une larve de Tragichrysa ovoruptora tout juste éclose, accrochée à l’œuf. Aucune preuve n’existe que les œufs possédaient un pédoncule à l’instar des espèces actuelles.

PS : l’étymologie du début du nom de genre Tragichrysa se réfère à la tragédie que fut l’ensevelissement de cette petite famille. La fin du mot est un quasi-obligé pour les chrysopes, chrysope signifiant yeux dorés.



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