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Les Épingles tout frais forgées ainsi que les À lire sur Internet tout frais repérés sont en haut de la pile
En épingle en 2021
L'insecte ou l'événement entomologique du jour, celui qui défraye la chronique et qui alimente les conversations en ville et dans les insectariums, sera épinglé sur cette page, qui s'enrichira au fur et à mesure des événements entomologiques.

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Rédaction (sauf mention contraire) : Alain Fraval 

La dernière de 2020 :  Ouvrières sous acide        Les Épingles d'avant

Avantages pour les ahérants, Ils méritent des fleurs, Un coup dans l'aile, Amours contrariées, Nettoyeurs participatifs, "La ferme !", Délétères automnes, Inrattrapables, Flicage en douceur, De la taille du parc nucléaire, La distanciation favorise le cannibalisme,
Les Épingles du n° 200, 1er trimestre 2021: Ç’a été coton, mais on a réussi, Ça fait mal au coeur, Looping automatique.
Au poteau, les lanternes !, Les ouvrières souffrent du distanciel, Isolement social et prosopagnosie, Au-delà des dix kilomètres, Vive le Duc de Bourgogne, Insectus duchmolthey, La voie du shikimate, Un ver pour rester jeune longtemps, Onze ans..., Ouvrières porteuses, La monarchie occidentale a quasi disparu, Coccinelle modèle, Il nage sur le dos, sans sa bouée,
Cancel culture,
Les Épingles du n° 201, 1er trimestre 2021: Guette au trou,
Vol d'antidote,
Au Pif,
 Les Épingles du n° 202, 1er trimestre 2021: Chercheuses contre ravageuses, La reine impose le jeûne,
Répulsifs mugissants,

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septembre
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1327 Répulsifs mugissants
Les larves (fausses-chenilles) de tenthrèdes Nématinées se protègent des prédateurs (p. ex. les fourmis) en émettant des substances volatiles répulsives depuis des glandes ventro-abdominales. On mesure classiquement l'effet de ces composés, individuellement et en mélange, en soumettant le prédateur au produit et en évaluant sa réaction.
L'entomologiste Jean-Luc Boevé l'informaticien Rudi Giot (de Bruxelles, Belgique) ouvrent une autre voie. Ils traduisent les composés chimiques en sons audibles par l'homme et mesurent la répulsion ressentie à l'audition de ces sons.
La nature (poids moléculaire, groupes fonctionnels…) de chacun des constituants du répulsif émis par la larve est traduite en paramètres d'un son (volume, hauteur, fréquence, enveloppe…) que restitue un synthétiseur. Par exemple, l'acide acétique est volatile et diffuse rapidement dans l'air : il suggère un son aigu et bref. Ce processus de « sonification » de chaque molécule a demandé beaucoup de temps.
Les différents sons obtenus, généralement déplaisants, sont ensuite soumis à des volontaires, à qui l'on demande de se reculer par rapport au haut-parleur jusqu'à ne plus être gênés. Et le résultat correspond à celui obtenu des tests où l'on a exposé des fourmis au composant. Les composés et les mélanges les plus répulsifs pour les prédateurs sont ceux qui, traduits en sons, sont les plus désagréables pour les humains.
Cette manip montre une façon inédite de représenter des données.
Article source (gratuit) ; https://www.cell.com/patterns/fulltext/S2666-3899(21)00207-5
Illustration : schéma général de l'expérience. Des auteurs.
Exemples de sons

1326  La reine impose le jeûne
La reine, chez l’Abeille mellifère, est le seul individu femelle capable de pondre ; ses soeurs sont ouvrières, pouponnant, nettoyant, nourrissant, gardant, affourageant… Elle établit cet ordre en diffusant une phéromone, produite par ses glandes mandibulaires, qui abolit la fonction reproductrice des congénères. Cette phéromone « QMP » a été caractérisée chimiquement ; sa composante majeure est l’acide 9-oxo-(E)-2-décènoïque (9-ODA). Elle est spécifique, dans sa constitution, de l’Abeille mellifère et diffère de celle du Bourdon terrestre Bombus terrestris, espèce séparée de leur ancêtre commun depuis plus de 50 millions d’années.
On sait que la QMP, fruit d’une évolution très récente, réprime expérimentalement la reproduction d’insectes très éloignés dans la classification : Diptères, Blattoptères, Hyménoptères.
Un trio d’entomologistes anglo-néozélandais a étudié le mécanisme de cette action, en prenant la Mouche du vinaigre Drosophila melanogaster comme cible, espèce lointaine (350 millions d’années d’écart).
Le nombre d’ovarioles n’est pas affecté, comme il l’est chez les ouvrières de l’Abeille mellifère. Le nombre d’oocytes l’est. En fait, la Mouche du vinaigre réagit comme si elle subissait un jeûne partiel. Suite à l’exposition à la QMP, 2 sites sont activés, l’un dans le germarium (au point 2a/b) qui réduit la production des futurs oocytes, l’autre plus en aval au niveau des ovocytes de stade 9, entraînant la dégradation de ceux-ci.
L’Abeille domestique – la reine – aurait donc piraté un système de régulation de la nutrition pour fabriquer son outil de répression de la sexualité chez ses sœurs. Ce système, hautement conservé au cours de l’évolution, apparaît comme le chemin vers l’eusocialité, un grand succès chez les insectes, chez lesquels il est apparu au moins à 16 reprises.
Article source : www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.04.08.439099v1.full.pdf

1325 Chercheuses contre ravageuses
Aux États-Unis, le Charançon du rosier Naupactus cervinus (Col. Curculionidé) et son congénérique N. leucoloma sont deux ravageurs souterrains envahisseurs, provenant d’Amérique du Sud. Leur reproduction est parthénogénétique et en dépit de l’absence de remaniement du génome au moment de la méiose, ils possèdent tout le matériel génétique nécessaire pour s’adapter immédiatement aux nouvelles plantes qu’ils rencontrent lors de leur expansion géographique.
Une équipe de chercheuses du Wellesley College (université féminine au Massachusetts) a analysé – par les méthodes de la transcryptomique – l’expression des gènes jouant un rôle dans la reconnaissance de l’hôte, dans la résistance immédiate aux défenses de la plante et dans cette reconnaissance à long terme.
Il en est ressorti que l’expression des gènes des charançonnes peut être spécifique de l’hôte et que certaines familles de plantes, comme les légumineuses, apparaissent comme plus marquantes pour l’insecte en déclenchant des réponses complexes en termes d’expression de gènes, lesquelles réponses sont partagées avec celles provoquées par des situations de stress, comme les pratiques culturales en bio ou le passage à un nouvel hôte.
L’équipe a aussi montré, en étudiant les larves nouveau-nées qui ne sont pas encore alimentées, que les mères préparent leur progéniture à la dure vie de phytophage polyphage, en les munissant des gènes et donc des protéines nécessaires ; elles leur transmettent ces changements épigénétiques.
Cette observation va à l’encontre de la règle admise qui stipule que, quel que soit le mode de reproduction, sexuée ou asexuée, les changements épigénétiques sont effacés à chaque génération. Le travail des auteures explique l’extension rapide de l’aire de répartition de ces 2 ravageuses invasives, partout dans le monde, lesquelles emploient des changements épigénétiques pour s’adapter et contrer l’effet des toxines qu’elles rencontrent dans les plantes qu’elles consomment.
Il pourrait amener à la mise au point d’un « charançonicide » parfaitement spécifique.
Article source : doi: 10.1371/journal.pone.0248202



Ce petit acarien se reproduit en se passant de sexe depuis des millions d’années, par Marc Gozlan. Le Monde, 26 septembre 2011.




août
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Entre les abeilles et les hommes, une fascination à éclipses
Par Jean-Michel Normand
Le Monde, 9 août 2021.

Comment un papillon a fait alliance avec un virus pour combattre une guêpe, par Florne Rozier. Le Monde, 2 août 2021
Noctuelle asiatique = N. ponctuée du maïs = N. du riz = Mythimna separata (Lép. Noctuidé)
Noctuelle exiguë = N. de la betterave = Noctua exiguaa (id)

juillet
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1324 Au pif
C'est un charançon extraordinaire, vieux de 100 millions d'années, conservé dans l'ambre en Birmanie, qui vient d'être identifié. Il ne ressemble à aucun autre charançon fossile ou vivant et s'en distingue notamment par son rostre très long. J. Poinar Jr, travaillant  pour l'université de l'Oregon (États-Unis) a eu bien du mal à trouver sa position systématique.
Antennes non coudées de 11 articles : c'est un Nemochynidé, un charançon primitif. Beaucoup de ressortissants actuels de ce taxon mangent du pollen sous les pins. Long rostre, l'insecte appartient à la sous-famille des Cimberidinés, au rostre allongé et où règne un fort dimorphisme sexuel, mâle et femelle ne se ressemblant pas. Au-delà, il a fallu créer un genre et un nom d'espèce pour le spécimen, soit Rampophorus et legalovii. Le premier, bâti sur deux racines grecques, signifie porteur d'un long bec ; le second est un hommage au spécialiste des charançons A. Legalov.
Pour Poinar Jr, le rostre démesuré terminé par de fortes mandibules de R. legalovii serait l'apanage des mâles, à usage de massue dans les combats pour gagner une femelle. Il imagine que le spécimen qui nous est parvenu, marqué de blessures, se battait et s'est laissé choir épuisé dans une goutte de résine.
R. legalovii est devenu si spécialisé au stade imago, du fait de son mode de vie et de son microhabitat, qu'on hésite en fait à le ranger dans une famille connue. Il est un exemple extrême de la diversité morphologique chez les charançons au milieu du Crétacé.
D'après « Ancient, newly identified 'mammoth weevil' used huge 'trunk' to fight for mates », par Steve Lundeberg, université de l'Oregon. À //phys.org/news/
Photo :  Rampophorus legalovii monté entre lame et lamelle. Longueur 5,5 mm. Cliché J. Poinar Jr

1323 Vol d’antidote
Les victimes : les plantes (celles qu’on cultive). Le voleur : un aleurode (au moins), Hémiptère piqueur-suceur appelé mouche blanche dans le milieu (des horticulteurs), qui ne fait rien que de ponctionner les feuilles. Le butin : un gène qui neutralise les substances anti-aleurodes fabriquées par les plantes. La date du forfait : il y a environ 35 millions d’années.
Youjun Zhang et ses collaborateurs, de l’Académie d’agronomie de Pékin (Chine) ont découvert ce tout premier cas de vol de gène de plante par un insecte en scrutant le génome de l’Aleurode du tabac Bemisia tabaci (Hém. Aleyrodidé) à la recherche de gènes issus de microbes. Ils sont tombés sur un gène jamais vu chez un insecte, typique de plante, qui permet à la plante de neutraliser les toxiques qu’elle fabrique – de façon à les stocker sans risque. Le nom du gène : BtPMaT1 ; son rôle : malonyltransférase. Un butin formidable qui a évidemment avantagé ceux qui se le sont transmis. L’équipe a alors modifié le génome d’une tomate pour lui faire produire une molécule d’ARN à double brin capable de neutraliser le gène repéré. Tous les aleurodes mis à s’alimenter sur cette tomate sont morts.
Les chercheurs ont analysé les gènes semblables d’autres plantes et montré la parenté de celui de l’aleurode avec eux ; ils ont également vérifié que celui-ci fait bien partie du génome de l’aleurode et n’est pas un contaminant.
Comment le vol a-t-il été perpétré ? On ignore. Il se pourrait bien qu’un complice y ait participé, un virus. Si le crime profite à l’aleurode, une peste majeure pour l’agriculture mondiale, il donne l’idée aux chercheurs de s’en servir pour un traitement parfaitement spécifique. Il s’agit de faire pousser des tomates génétiquement modifiées pour désactiver le gène-butin de l’aleurode. Lui seul en pâtira, aucun des insectes qui fréquentent la tomate ne sera affecté.
Article source (gratuit) : //doi.org/10.1016/j.cell.2021.02.014
À (re)lire : Les aleurodes, par Alain Fraval. Insectes n°155, 2009(4).

1322 Guette-au-trou
Ils se cramponnent près ou à portée du trou de sortie de leur nourriture – ou de ce qui fera celle de leur progéniture – pour être sûrs d’en profiter.
Ils sont surtout des bousiers piluliers, des Coléoptères Scarabéinés.
En Australie, 6 espèces d’Onthophagus possèdent des griffes pour se tenir aux poils de marsupiaux de façon à guetter la défécation et à tomber avec les excréments. En Amérique du Sud, des Canthon quadriguttatus ont été trouvés agrippés autour de l’anus de singes hurleurs tués et des C. subhyalinus repérés au même endroit de singes titi. Des Canthidium sp. ont été vus postés à cette même sortie, s’attachant aux crottes émises et tombant avec elles. Pour préciser ces observations un peu anecdotiques, une équipe internationale a étudié de près ces bousiers malins dans la forêt amazonienne au Pérou. Sur le titi brun, dans la plupart des groupes familiaux, les bousiers, de l’espèce Canthon aff. quadriguttatus, stationnent nombreux dans la région génito-anale et à la base de la queue, formant, vu de loin, comme une grappe de perles. Les singes ne cherchent que rarement à s’en débarrasser et se portent très bien. Il en est de même chez le maki à face pâle, singe aux mœurs différentes et ne fréquentant pas le titi brun. Ce bousier se laisse porter par le singe (phorésie) mais se déplace aussi au vol, très aisément. La relation très étroite qu’il a nouée avec le producteur de crottes est peut-être partie d’un comportement d’exploration des feuilles des arbres, sur lesquelles les singes défèquent. Elle lui permet de disposer d’éléments à sa taille, qu’il peut rouler rapidement sans avoir à les reformer, gage de sécurité. La compétition interspécifique est réduite mais, vu le nombre de coprophages dans le groupe d’attente, il est bien possible que tous n’aient pas satisfaction et que les individus bredouilles cherchent des crottes au sol, comme les autres piluliers.
Autre association, celle des bousiers (néotropicaux également) des genres Uroxys et Pedaridium qui se fixent dans la fourrure des paresseux. Quand l’animal défèque, ils tombent au sol avec l’excrément et y pondent.
Le dernier de ce tableau d’insectes coprophages accapareurs est un Lépidoptère. Le papillon femelle de Cryptoses choloepi (Pyralidé) se tient dans la fourrure du paresseux à gorge brune, lequel paresse en haut des arbres. Lorsqu’il descend pour déféquer, une fois par semaine seulement, elle le suit et pond dans la matière stercorale fraîche, où les chenilles se développeront. Les papillons fraîchement émergés voleront vers les paresseux.
Articles sources : doi:10.1590/S1519-566X2008000600003 et doi:10.1126/science.193.4248.157


1321 Cancel culture
C'est la nouvelle mode états-unienne, qui ne nous épargnera pas. On supprime, on substitue, on cache ce qui pourrait déranger des personnes sensibles identifiées comme appartenant à des minorités maltraitées, opprimées, dénigrées (même si c'était il y a fort longtemps)… 
Sont considérés les groupes ethniques, les ressortissants de certains pays, les homosexuels et… les femmes.
Voilà que l'offensive gagne les noms d'insectes (après les poissons). D'aucuns promeuvent un suffixe « non binaire » (voir l'Épingle Insectus duchmolthey) pour les espèces nouvelles. D'autres – et c'est le cas de la vénérable et très respectée Entomological Society of America (ESA), s'attaquent à des dénominations très anciennes, qu'on a toujours connues.
C'est le cas du 'gypsy moth' – papillon romanichel en traduction littérale -, qui a envahi la côte est des États Unis à partir de son introduction en 1868*. Lymantria dispar** (Lép. Érébidé) de son nom scientifique international – qui lui demeurera attaché*** – s'est depuis installé à l'est, en provenance du Japon. C'est le pire ravageur forestier. Tout le monde le connaît là-bas sous son nom vernaculaire de 'gypsy moth'.
Or, pour l'ESA, dans toute conférence, toute publication de vulgarisation, tout film ou reportage pour public éclairé, il n'est plus possible de désigner ce ravageur invasif d'après la minorité des Sinti, des Roms ou des Tziganes. Il a donc missionné un groupe de volontaires pour, d'ici quelques mois, trouver un nom commun nouveau, qui sera employé à toute occasion, qui évoque sa voracité autant que possible et qui ne soit pas obscène.
Pourquoi ce nom de 'gypsy' ? Personne n'est d'accord. Le papillon mâle a une livrée qui fait penser à la robe des dames manouches. Il a la couleur générale de la tête des manouches. Il se déplace aisément sur quelques kilomètres grâce au vent qui emporte les toutes jeunes chenilles munies d'un aérophore efficace (long poils avec une ampoule). Il « migre » chaque jour des troncs au feuillage nourricier. Les mâles seuls se déplacent tandis que les femelles ne bougent pas… [au lecteur de poursuivre]
En France, où l'insecte est présent surtout dans la partie sud, le nom commun entomologique scientifique est bombyx disparate (d'après le dimorphisme sexuel très marqué ; mais ce n'est pas un bombyx) tandis que zig-zag (son nom suisse, d'après son vol) et spongieuse (d'après la ponte) ont cours également.
Un test de popularité est fourni par Google, qui indique le nombre de liens trouvés par la requête.
Ainsi, 'gypsy moth' » recueille 2 160 000 « résultats », Lymantria dispar 301 000, Porthetria dispar 45 400, Bombyx disparate 18 300 (de la zone francophone d'Internet), Ocneria dispar 14 400.
En espérant que cette proposition de renommage ridicule n'ira pas à son terme, Insectes (papier et sites Internet) reprendra à l'occasion 'gypsy moth', le nom utilisé par les auteurs et le public nord-américains.
Article source principal
Illustration : Lymantria dispar, mâle et femelle en train de pondre. Dessin Claire Villemant, in  
* À (re)lire : Étienne-Léopold Trouvelot ou l’amateurisme catastrophique, par Alain Fraval. Insectes n° 145 (2007-3).
** « Vorace disparate »
*** Jusqu'à ce qu'il soit remplacé par Ocneria dispar par les auteurs observants. Lesquels, au tournant des années 1980, se sont astreints à employer Porthetria dispar. Des variations dues à de savantes recherches d'antériorité, au résultat trouvé faux par les suivantes.
PS : Peut-on tranquillement continuer à appeler – en agrumiculture -  Cochenille chinoise Ceroplastes sinensis (Hém. Coccidé) ? C'est une peste introduite partout.

1320 Il nage sur le dos, sous sa bouée
John Gould (université de Newcastle) échantillonne les têtards dans les mares autour de Callhagan, en Australie. Un insecte trace sa route sur le plan d'eau qu'il examine. Il ne lui échappe pas que la bestiole est sur le dos, submergée, et qu'elle semble pousser sur la surface, par en dessous.
Il filme la scène et la montre à son collègue Jose Valdez (German Center for Integrative Biodiversity Research). Tous deux plongent dans la littérature à la recherche d'une mention ou d'un cas semblable. Ils n'y trouvent rien, sinon le cas d'escargots qui déploient un tapis de bave.
En scrutant les vidéos, nos deux entomologistes comprennent comment ce coléo s'y prend. Il attache une bulle d'air entre son ventre et l'interface eau-air, ce qui l'aide à flotter. Et, pour avancer (à reculons…), il forme avec ses pattes de petites boules d'eau au niveau de ses tarses, qu'il pousse à l'extérieur, ce qui le fait de se déplacer.
Il reste encore, outre à vérifier que ce cas est unique, à établir si l'insecte est aussi capable d'avancer « normalement » hors de l'eau et sur le ventre (pour aller coloniser une autre mare), ainsi qu'à définir l'éventuel rôle respiratoire de la bulle, sa bouée.
D'après « Tiny beetle walks on the underside of the surface of water », par Bob Yirka. Lu le 2 juillet 2021 à //phys.org/news
Photo : Coléoptères Hydrophilidés, de la même famille. Cliché Martin Siepmann
Vidéo. Des auteurs  



En image : des scarabées de 230 millions d’années découverts dans une crotte fossilisée, par Hervé Morin. Le Monde, 4 juillet 2021.
[Triamyxa coprolithica]

Au vu des forces économiques en présence, les abeilles et les pollinisateurs apparaissent indéfendables
, par Stéphane Foucart. Le Monde (abonnés), 3 juillet 2021

juin
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1319 Coccinelle modèle
On sait fabriquer et mettre en œuvre des adhésifs puissants, durables pour assembler tous nos objets composites, petits et grands – mais si tenaces qu'ils empêchent leur dislocation, nécessaire au recyclage des différents matériaux. Les ingénieurs, à la recherche de collages détachables, se penchent sur le tarse de la coccinelle.
L'insecte est en effet capable de grimper sur des surfaces lisses comme du verre alors qu'il est en contact avec uniquement par des soies rigides du tarse. Le tarse sécrète à cet endroit un fluide. Deux mécanismes ont été proposés : l'un met en jeu les forces d'attraction intramoléculaires (dites de Van der Waals) entre les soies des tarses et le support, l'autre se base sur la tension de surface du liquide tarsal (LT).
Une équipe de chercheurs de l'université de Tokyo (Japon) et de Kiel (Allemagne) a procédé en premier lieu à la mesure l'épaisseur de la couche de LT entre les soies et une lame de verre, quantité qui indique la force de l'attraction intermoléculaire. Pour ce faire, les expérimentateurs ont déposé sur une lame de verre une couche d'alliage microparticulaire de 10 à 20 nm d'épaisseur. Ils invitèrent la coccinelle à marcher dessus, y déposant du LT, qu'ils gelèrent instantanément. Après avoir séparé ses pattes du substrat, ils mesurèrent la hauteur de l'alliage imbibé par le LT gelé. Celle-ci, indiquant la distance entre les soies tarsales et le substrat, se révéla assez petite pour permettre l'action des forces intermoléculaires.
Pour conforter ce résultat, les coccinelles – toujours Coccinella septempunctata – endurèrent l'épreuve de l'arrachement. Posées sur diverses surfaces naturelles et artificielles, elles furent soumises à la traction (mesurée) d'un cheveu (collé à la cire) perpendiculairement au substrat. Les données recueillies (travail d'adhérence) se sont avérées, modèle mathématique à l'appui, correspondre avec les propriétés des forces intermoléculaires.
Après avoir tranché en faveur des forces de Van der Waals une controverse de plus de 40 ans, l'équipe s'oriente vers la conception de systèmes adhésifs capables de se détacher et de se réunir à la vitesse du pas de la coccinelle.
D'après principalement « Discovered: How ladybugs stick to surfaces without losing legs at takeoff », par le National Institute for Materials Science. Lu le    à //phys.org/news/
Planche : a) et b) : tarses de la femelle et du mâle de Coccinella septempunctata. Types de soies tarsales : c) pointue, d) discoïde, e) lancéolée, f) spatulée.  De g) à j) : leurs empreintes sur un film lisse de polystyrène.  Hosoda, N., Nakamoto, M., Suga, T. et al. Evidence for intermolecular forces involved in ladybird beetle tarsal setae adhesion. Sci Rep 11, 7729 (2021).            
À (re)lire : Les insectes ingénieurs 2, par Alain Fraval. Insectes n° 192 (2019-1).   

1318 La monarchie occidentale a quasi disparu
Dans les années 1980, on comptait 4,5 millions d'individus du Monarque d'Amérique Danaus plexippus (Lép. Nymphalidé) « occidental », migrant le long de la côte pacifique des États-Unis, tandis qu'une partie, bien plus conséquente, de la population voyageait chaque année entre Canada et Mexique, par la voie orientale.
Durant les décennies suivantes, le nombre  des « occidentaux » chuta, jusqu'à 30 000 en 2018 puis à moins de 2 000 au recomptage de novembre.
Soit une perte de 99 % en quelque 30 ans. Les causes ne sont pas bien établies en proportions. Plusieurs ont concouru à cette mort lente.
La perte d'habitat – des milliers d'hectares de végétation naturelle détruits - a joué sur les sites d'hivernation en Californie, à Pismo Beach notamment, ainsi que dans la Grande Plaine centrale que les papillons traversent.
L'usage accru d'herbicides a entraîné la disparition de quantités importantes de l'asclépiade, qui est la plante nourricière des chenilles et fournit le nectar aux imagos (ainsi qu'à nombre de pollinisateurs). En plus, les insecticides épandus par les agriculteurs ont tué directement les chenilles ; 9 matières actives de pesticides différentes ont été trouvés en 2020 sur chacun des pieds d'asclépiade échantillonnés autour de la Grande Vallée centrale.
On peut aussi incriminer le changement climatique. Les Monarques émergent d'hivernation plus tôt en saison et risquent de n'avoir pas encore d'asclépiade à disposition. Et leur cycle de vie peut aussi être perturbé par les feux géants et les gels inhabituels.
On peut agir pour soutenir la monarchie en lui fournissant de l'asclépiade. Des plantations sont en cours, notamment par des associations et des acteurs de sciences participatives, appuyés par l'État de Californie. Les particuliers sont appelés à en semer dans leur jardin et à rejoindre les équipes de dénombrement. Les expériences de restauration d'habitats ont déjà montré la bonne et rapide réaction des Monarques.
Cette catastrophe qui affecte un insecte bien-aimé et très visible doit inciter à porter aussi son attention sur des espèces plus discrètes, soumises aux mêmes facteurs adverses, pouvant jouer un rôle écologique important, comme pollinisateurs notamment.
D'après « Monarch butterflies are nearly extinct. California has a plan to save them », par Erin McCormick. Lu le 4 juin 2021 à www.theguardian.com/
Photo : Monarques occidentaux en hivernation à Pismo Beach. Cliché  USFWS Photo
Dernières nouvelles (2020) de la Monarchie épinglées ici : La monarchie, une et indivisible

Au-delà de Lyme : les autres maladies transmises par les tiques, par Nathalie Boulanger. The Conversation, 28 juin 2021
mai
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1317 Ouvrières porteuses
Chez la fourmi du Bassin méditerranéen (et du Proche Orient) Cardiocondyla elegans (Hym. Formiciné), les mâles sont aptères et s'accouplent avec les nombreuses femelles qui se trouvent dans le nid (500 individus). Ceci devrait engendrer une consanguinité délétère. Or les colonies sont stables.
Un mécanisme tout à fait original pare à cet inconvénient en faisant assurer au moins une partie des fécondations par des mâles étrangers.
Mathilde Vidal et ses collègues (universités de Tours et de Ratisbonne - Allemagne) ont observé 175 colonies de C. elegans dans le Midi de la France entre 2014 et 2019. Et découvert que les ouvrières attrapent les femelles (aux ailes inopérantes) avec leurs mandibules et les emportent sur leur dos en dehors du nid. Elles déposent leur fardeau près d'un autre nid (de la même espèce) ; la femelle marche jusqu'à l'entrée du nid – où elle est acceptée - et de là gagne la chambre nuptiale, où s'entassent des mâles. Elle y est fécondée, stockant les spermes dans sa spermathèque. Au printemps, la gyne est virée et ira fonder sa colonie.
À moins qu'elle ne soit transportée par des ouvrières de nid en nid, accumulant du « matériel génétique » hétéroclite. Reste que la plupart des fécondations se font par des congénères.
Il reste à comprendre ce qui motive une ouvrière à charger une femelle ou une gyne sur son dos, et à éviter les nids les plus proches pour ne la déposer qu'à 15 m (ce qui fait plus de 8 km pour un humain). Les chercheurs doivent réussir à établir un dispositif expérimental au laboratoire.
D'après, notamment, « These worker ants drag their queens to far-off bachelor pads to mate », par Ben Turner. Lu le 28 mai 2021 à www.livescience.com/
Photo : gyne de Cardiocondyla elegans portée par une ouvrière. Cliché Mathilde Vidal

1316 Onze ans…
Et déjà une publication. Ryo Shibata (entomologiste précoce) et Wataru Kojima (qui l'a remarqué, aidé et traduit) cosignent dans Ecology un article sur l'inversion du rythme circadien de Trypoxylus dichotomus (Col. Scarabéidé), alias kabutomushi, un « rhinocéros » japonais.
On croyait ce xylophage nocturne. Mais les patientes et rigoureuses observations, assorties du marquage de 162 individus, durant 2 années de ce très jeune collègue ont établi que l'insecte se nourrit de jour de la sève du frêne de l'Himalaya, arbre introduit et très répandu. Ce qu'il fait de nuit sur son hôte indigène, un chêne.
Ryo – je me permets tout de même de l'appeler par son prénom – va analyser la sève et suivre ses rhinos – qui habitent le frêne de son jardin - par radiopistage.
Article source (gratuit)
Photo : Trypoxylus dichotomus, femelle et mâle.

1315 Un ver pour rester jeune longtemps
Le tout petit ténia Anomotaenia brevis (Platyhelminthe Dilepididé) est l’elixir vitae de la Fourmi noisetière Temnothorax nylanderi (Hym. Myrmiciné), celle dont les ouvrières souffrent du distanciel.
Les travaux de l'équipe de Suzanne Foitzik débouchent, au bout de plusieurs années d'observations des mêmes colonies et de manips au labo sur une bonne connaissance de la vie des ouvrières parasitées et manipulées.
La fourmi est l'hôte intermédiaire du ver plat, qui finira dans le bec d'un pic, hôte définitif. Elle s'infeste en se nourrissant des œufs rejetés avec les fèces de l'oiseau, qui leur collent aux pattes et qu'elles rapportent au nid. Le développement du cysticercoïde, dans l'hémocèle de l'insecte, entraîne le jaunissement de sa cuticule, un changement d'odeur, une réduction de taille et l'arrêt de l'activité : les individus restent là à ne rien faire, au milieu de l'agitation, déclenchant chez leur consœurs des comportements bienveillants de soins.
Elles vivent bien plus longtemps que les ressortissantes non infectées de la colonie, qui souffrent de surmortalité par rapport à celles vivant dans des colonies saines. Leur métabolisme et leur teneur en lipides sont identiques à ceux d'individus jeunes, en charge du couvain. L'attention accrue dont elles bénéficient est sans doute déclenchée par leur odeur particulière. Au dehors, elles restent sans réagir à l'approche de l'oiseau.
Les fourmis rendues longévives et passives assurent au ver une meilleure transmission au pic et donc des chances accrues de bouclage de son cycle.
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Photo : ouvrière de Temnothorax nylanderi. Cliché April Nobile
Un cas de manipulation de l'hôte par le parasite à ajouter à l'article d'Insectes n° 163 (2011-4) Le Chlorion et autres manipulateurs, par Alain Fraval.

1314 La voie du shikimate...
...qui mène à la synthèse d'acides aminés aromatiques est présente chez des microbes et des plantes mais n'existe pas chez les animaux. C'est cette voie que cible le glyphosate (matière active de désherbants), auquel les animaux ne sont donc pas sensibles. La matière active pourrait-elle avoir cependant des effets délétères sur les animaux par l'intermédiaire de leurs micro-organismes symbiotiques ? On sait que le glyphosate affecte les bactéries du tube digestif de l'Abeille mellifère, rendant celles-ci plus sensibles au stress, et affecte la synthèse du folate chez les mouches Tsé-tsé via leur bactérie mutualiste Wigglesworthia glossinidi. Mais la question restait peu documentée.
Une étude du Max Planck Institut (Allemagne) et  du National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (Japon) vient d'éclairer le sujet. C'est le Silvain Oryzaephilus surinamensis (Col. Silvanidé), ravageur des denrées stockées, qui s'est prêté à l'expérimentation. En tant que représentant des Coléos, insectes au tégument épais.
La mélanisation et la sclérotinisation de la cuticule des insectes, à la fin de la nymphose et durant la phase ténérale de l'imago, requièrent de la tyrosine. Elle n'est stockée qu 'en faible quantité et c'est Shikimatogenerans silvanidophilus, une bactérie du phylum Bacteriodetes qui fournit cet acide aminé.
Exposé au glyphosate, le silvain se retrouve sans cette ressource ; il se développe mais avec la protection que lui confère son tégument très amoindrie et son succès reproductif est affaibli. En séquençant le génome du symbionte, les chercheurs ont trouvé les gènes de la synthèse d'acides aminés aromatiques, via la voie du shikimate.
Selon ces résultats, le glyphosate affecterait négativement les insectes qui ont recours à des symbiontes pour fabriquer des éléments-clefs pour leur développement. Un facteur du déclin des populations d'insectes ?
Article source (gratuit)
Photo : Silvains. Cliché Anthony Kei

1313 Insectus duchmolthey
Comment nommer correctement la nouvelle espèce d'insecte qu'on a découverte et décrite en précisant bien les caractères séparateurs ? Le guide en la matière est le Code international de nomenclature (ICZN), qui ne légifère guère que sur les désinences latines. Le contenu sémantique est libre, pourvu qu'il ne conduise pas à une homonymie avec un autre insecte, une éponge ou un dinosaure.
Au début de l'entomologie (cf Linné et autres), le nom d'espèce traduisait un caractère séparateur évident, comme populi – du peuplier - ou versicolor – aux couleurs changeantes -. Puis, devant le nombre rapidement croissant d'espèces à nommer, on en vint à faire flèche de tout bois, tout en latinisant à tour de bras les noms propres et les créations, sans s'interdire les « fantaisies ».
Lorsqu'on se sert d'un patronyme pour nommer sa découverte, en principe en hommage, on ajoute le suffixe -i ou -ae, plus rarement -ianus ou -iana (génitifs latins) selon que la personne est Monsieur ou Madame. Si les dédicataires sont pluriels, on suffixera en -orum si ce sont des hommes – ou s'il y en a un dans le groupe – et en -arum si tout le monde est femme.
Selon ce que j'ai appris il y a un demi-siècle et que je n'avais pas vu remis en cause, si je découvre un Insectus inconnu de la science et que je veuille honorer la mémoire d'Omar Duchmol, je la nomme Insectus duchmoli.
Or, ça c'était dans l'entomosphère d'avant. Dans l'atmosphère actuelle, ont peut s'attendre à ce que cette bipartition nette des ressortissants du taxon Homo sapiens en fonction d'un critère zoologique basique et classique apparaisse à d'aucun·e·s pour le moins décalée.
Découvreurs en Équateur d'une nouvelle fourmi à mâchoires-pièges du genre Strumigenys, les États-Uniens Douglas B. Booher et Philipp O. Hoenle ont dans leur article, juste avant le chapitre « Discussion », exposé et justifié l'étymologie du nom d'espèce choisi, soit ayersthey. Ils auront été aidés par Michael Stipe, chanteur et parolier du groupe de rock alternatif R.E.M.
Car il s'agissait d'honorer Jeremy Ayers, leur défunt ami commun, multi-artiste et représentant des gens qui ne s'identifient pas à l'un des deux genres sus-cités.
Pour D.B. Booher, « cet animal rare et magnifique était celui qu'il fallait pour célébrer à la fois la diversité biologique et la diversité humaine ».
Quant au suffixe -they (elles ou ils en anglais), selon nos myrmécologues, il devrait, en accord avec l'ICZN, indiquer que la personne honorée par un nom d'espèce est non-binaire.
L'affaire a engendré de nombreux communiqués.
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Photo :  Vue frontale d'une ouvrière de Strumigenys ayersthey. Cliché Booher & Hoenle               

1312 Vive le Duc de Bourgogne
Ce titre de noblesse très prestigieux est attribué par les Anglais à un petit papillon brun à taches blanches, la Lucine Hamearis lucina (Lép. Riodinidé).
Pour l'entomologiste un peu lépidoptériste, c'est une espèce remarquable car seule représentante du genre et surtout seule représentante de la famille en Europe. À part ça, c'est en France une bête commune mais pas très facile à voir, sauf quand les mâles se rassemblent en essaims précopulatoires. Elle développe 2 générations durant la belle saison. Les chenilles se repaissent de primevères, sous les feuilles desquelles les imagos femelles restent cachés.
Pour les Anglais, c'est un de leurs papillons chéris, qui a bien failli disparaître et qui se maintient, sur un territoire fort limité, grâce à l'excellence des actions de leur Butterfly Conservation (BC -190 réserves, 1 600 actions).
Au vu de comptages alarmants, le BC a réservé au Duke of Burgondy 23 ha de terrain en réhabilitation et 147 sites, où ont opéré selon ses instructions un millier de volontaires. Efforts payants. La plus populeuse colonie a été trouvée dans le Dorset, chez un agriculteur bio soucieux des ressources des pollinisateurs depuis 20 ans. Le Duc semble bien sauvé.
D'après « Farms in UK Saved This Beautiful Duke of Burgundy Butterfly From Extinction » par Andy Corbley. Lu le 5 mai 2021 à www.goodnewsnetwork.org/
Photo : Lucine, alias Faune à taches blanches. Cliché Gilles San Martin


Quel est ce "tigre" dans mon chêne ?
par Bastien Castagneyrol et Alex Stemmelen
The Conversation, 27 mai 2021.
[Corythucha arcuata]
À (re)lire : De quelques tigres, par Alain Fraval. Insectes n° 40 (2006-1)

Le coût des invasions biologiques est largement sous-estimé, par Christophe Diagne. Pour la science, 6 mai 2021.

Sublaevigatus ou subloevigatus ?
Les usages sociaux de la nomenclature
chez les entomologistes
, par Yves Delaporte. Des animaux et des hommes, MEN, 2010.

Lutte contre la dengue : premier lâcher de moustiques stériles par drone à l’île de La Réunion

CIRAD, Science en action, 6 mai 2021.
[Aedes aegypti]

L'insecte qui fait sentir bon les chiens, par Peggy Sastre. Slate, 4 mai 2021
[Dip. Phlebotomidae]

Une expédition scientifique au Gabon à la découverte des mantes, par Nicolas Moulin. The Conversation, 3 mai 2021,


avril
À cliquer
  
1311 Au-delà des dix kilomètres
Des entomologistes états-unien (Caltech, Californie, États-Unis) viennent d'attraper des Mouches du vinaigre à près de 15 km de leur lieu de résidence, distance parcourue d'une traite. Ça fait beaucoup pour leurs petites ailes ; pour un humain et ses longues jambes, c'est équivalent (ramené à leurs tailles respectives) à 10 000 km. Et c'est plus que la plupart des oiseaux migrateurs.
Surprise. Drosophila melanogaster ne devrait plus avoir de secrets, sauf qu'on l'a observée jusque-là au labo et dans les entrepôts de fruits, voire dans les vergers et les champs.
Le résultat a été fourni par plusieurs expériences de marquage recapture, menées dans le désert Mojave, au milieu de nulle part, où l'on ne trouve qu'exceptionnellement une droso. Chacune recrutait de 30 000 à 200 000 mouches, non marquées à la poudre fluorescente. Les pièges de recapture disposés en cercle à 1 km du point de lâcher étaient appâtés avec du jus de pomme sucré fermenté, dégageant de l'éthanol et du gaz carbonique attractifs. En forme de nasse, ils étaient surveillés par vidéo, permettant de relever l'heure d'arrivée de chaque mouche affamée.
Les expérimentateurs déduisent des relevés de ces pièges et des captures faites au-delà que la droso part et garde la cap. Elle choisit de s'envoler dans une direction au hasard et part droit devant elle, en se laissant éventuellement déporter par des courants d'air – jusqu'à croiser une odeur alléchante. Sa stratégie maximise ses chances de ne pas mourir de faim.
Le « rayon d'action » bien plus grand que supposé des drosophiles doit être pris en compte pour la surveillance d'espèces ravageuses et invasives, comme la Drosophile à ailes tachetées D. suzukii, dont nos entomologistes ont d'ailleurs pris quelques individus au cœur du Mojave.
Article source (accès gratuit) 
Illustration : plan de situation de l'expérience, schéma du piège et vue en place, trajectoires individuelles. De l'article source.

1310 Isolement social et prosopagnosie
Il suffit de deux mois sans voir la tête de quiconque pour avoir le cerveau rétréci à un endroit bien particulier, le tubercule optique antérieur (TOA), là où sont traitées les informations visuelles nécessaires notamment à la reconnaissance individuelle des congénères. La preuve par la dissection.
L'expérience a été faite par Christopher Jernigan et ses collègues de l'université Cornell (États-Unis), sur Polistes fuscatus (Hym. Vespidé), un poliste nord-américain qu'un travail antérieur avait montré capable de reconnaissance faciale, capacité qui se perd en isolement. Dans ses petites colonies (de 12 à 100 individus), plusieurs femelles sont fertiles mais une reine domine ; la communication ordinaire se fait par des phéromones tandis que le statut social de chacune est déterminé individuellement au faciès. Ce que chacune doit apprendre très vite.
Des nids peuplés de nymphes (dans leur cocon) ont été rapportés au labo. Dès leur émergence, les habitantes ont été réparties dans des boîtes transparentes, seules ou à plusieurs. Autour d'elles, plein de bouts de papier colorés, pour stimuler leur cerveau.
Au bout de 58 à 71 jours de vie imaginale, extraction et mesures dudit cerveau – comme c'était arrivé à quelques témoins nouveau-émergés. Durant ce temps le cerveau a grossi de 13 %, dans les 2 groupes. Une seule différence : le TOA de celui des guêpes ayant eu une vie sociale est plus gros de 10 %. Leurs aires olfactives n'ont subi aucun changement.
Le TOA est suspecté d'être, chez les insectes, un site important pour la mémoire, le traitement des couleurs et la reconnaissance d'objets. Cette manip localise pour la première fois où se fait la reconnaissance faciale.
D'après notamment « Isolation alters visual areas of brain in social wasps », par Krishna Ramanujan. Comm. Univ. Cornell. Lu le 14 avril 2021 à //news.cornell.edu/stories/
Photo : portraits de femelles de Polistes fuscatus. Cliché Michael Sheehan
À (re)lire : Polistes fuscatus, une guêpe très physionomiste. Le Monde, 2 décembre 2011. 


1309 Les ouvrières souffrent du distanciel
Les animaux sociaux, tels les humains, souffrent d'être séparés de leurs congénères. Et les insectes ?
Susanne Foitzik et son équipe germano-israélienne ont isolé de jeunes ouvrières, de 14 colonies de la Fourmi noisetière Temnothorax nylanderi (Hym. Myrmiciné), occupées à pouponner, pendant de 1 heure à 28 jours. L'expérience s'est déroulée de janvier à mars 2019.
Cette fourmi, petite et orange, entomophage peu active, fréquente la litière des forêts d'Europe, établissant ses nids peu populeux, de quelques douzaines d'individus, dans les glands et les noisettes tombés ou sous les pierres.
Réunies avec leurs consœurs, les individus préalablement isolés s'intéressent moins que les témoins à leurs contemporaines mais passent plus de temps avec le couvain. En même temps, elles négligent leur toilettage, ce qui est une réaction typique des êtres vivant en société et confinés à l'écart pendant un temps.
L'analyse fonctionnelle des gènes des isolées a révélé que ceux régulant l'immunité et la réponse au stress voient leur activité réduite.
Tous les animaux sociaux, mammifères et insectes donc, souffrent des suites de l'isolement et partagent cet effondrement de l'immunité et cette sensibilité au stress, favorables aux maladies, qui suivent leur éloignement de leurs congénères.
D'après « Ant responses to social isolation resemble those of humans », par l'université de Mayence. Lu le 7 avril 2021 à //phys.org/news
Illustration : ouvrière de Temnothorax nylanderi. Dessin Inon Sharf

1308 Au poteau, les lanternes !
Les lanternes sont les « lantern flies », soit des Hémiptères Fulgoridés, dont on a pensé jadis que leur capsule céphalique proéminente était lumineuse. Parmi elles, les « Spotted lantern flies », Lycorma delicatula, dévastent les vergers dans certaines parties des États-Unis où elles ont été introduites malencontreusement en 2014 en provenance de Chine. Inféodées dans leur aire d'origine à l'ailante, ces cicadelles ponctionnent les tissus aériens de toutes sortes d'essences arboricoles et pondent jusque sur les voitures.
Les poteaux (téléphoniques notamment) sont ce qu'elles préfèrent et de loin dans tout paysage. Tom Baker et son équipe de l'institut agronomique de Pennsylvanie étudient ce comportement curieux qui pourrait faciliter la surveillance et la lutte contre l'envahisseur.
Ces cicadelles ont un faible rayon d'action. Elles se déplacent à la recherche de nourriture et de partenaire sexuel en visant tout objet ou surface verticaux et s'y accumulent. Pour finir par s'en aller, en volant un peu comme une poule ; leurs capacités de saut ne leur confèrent qu'une assistance au décollage. Si des courants d'air ascendants sont présents, les insectes peuvent aller assez loin et des nuées s'abattent à des milliers de verges du point de départ. Très désagréable.
T. Baker propose de se servir des poteaux comme pièges pour le dénombrement et les avertissements, des équipes parcourant simplement les routes en voiture pour les observer. Des poteaux qui pourraient aussi être fatals aux cicadelles, si on les traitait.
Mais vu l'éclectisme de ces insectes vis-à-vis de leurs lieux de ponte (50 œuf à la fois), il faut inspecter les véhicules et les objets transportés, une voie importante d'expansion de la peste.
D'après « Lanternfly's attraction to vertical silhouettes could help monitor, trap it », par Amy Duke. Lu le 30 mars 2021 à //phys.org/news/
Photo : Lycorma delicatula adulte – 1 pouce de long (2,5 cm). Cliché institut agronomique de Pennsylvanie


Images de science : Quand les coléoptères guident la lumière, par Serge Berthier. The Conversation, 13 avril 2021.

Il y a 100 millions d'années, les coléoptères se nourrissaient de pollen
, par Joël Ignasse. Sciences et Avenir, 12 avril 2021.
[Pelretes vivificus, Col.  Katérétidé)

Les propriétés insoupçonnées de la colle produite par la drosophile,
par Flora Borne. Passion entomologie, 6 avril 2021.
À (re)lire : Les insectes ingénieurs 2, par Alain Fraval. Insectes n° 192 (2019-2).

Petite histoire d’une découverte : Leiopus femoratus en France – Seconde partie,
par Patrice Bonafonte, Passion Entomologie, 18 mars 2021.

À la recherche de la fourmi du bout du monde et de son génome unique
, par Frédéric Tournier. The Conversation, 5 avril 2021.
[Myrmeca croslandi, Hym. Myrmyciné]
mars
À cliquer

1307 Looping automatique
Les insectes volants sont, comparés à leurs copies artificielles, des as de la voltige.
Les efforts se poursuivent pour comprendre comment ils font, avec apparemment des moyens très simples, dans le but d’améliorer nos aéronefs, notamment les drones. Ainsi Samuel Fabian, entomologiste à l’Imperial College à Londres (Royaume-Uni) et ses collaborateurs se sont-ils intéressé aux libellules, prédateurs au vol. Elles approchent de leur proie (volante également) par en dessous, l’embrassent puis font une boucle en arrière pour continuer leur trajet à l’endroit.
Une vingtaine de Sympétrums striés Sympetrum striolatum (Odon. Libellulidés) se sont prêtés à la manip suivante. Des repères de suivi de mouvements et de petits aimants ayant été collés sur eux, les intrépides mais dociles libellules ont été maintenues contre une plaque magnétique plus ou moins inclinée, sur le ventre ou sur le dos. Puis lâchés sous l’oeil de caméras, dont les images, interprétées par un logiciel ad hoc ont fourni des représentations en 3 dimensions de leur manoeuvre aérienne.
La plupart des animaux soumis à ce genre d’épreuve se rétablissent, voire retombent sur leur pattes (chat, fourmis...), en effectuant une rotation du corps autour de leur axe antéro-postérieur. Les libellules se distinguent : elles font un saut périlleux arrière, tournant autour d’un axe reliant leurs ailes.
Suite de réflexes ou mouvement commandé ? Des individus anesthésiés font pareil, quoiqu’un peu plus lentement. Même des spécimens morts, pourvu qu’on cire leurs ailes, ébauchent le mouvement. La libellule est donc musculairement et morphologiquement – avec ses ailes et son long abdomen – configurée pour se rétablir automatiquement.
D’où l’espoir qu’il existe de meilleures formes pour des drones plus stables et consommant moins de puissance de calcul.
Article source (en anglais, gratuit) : //doi.org/10.1098/rspb.2020.2676

1306 Ça fait mal au coeur
Il faudra sans doute se résigner à rester les pieds sur Terre. La colonisation de Mars par des humains, pour échapper à un environnement devenu invivable – ou pour se dispenser de le maintenir en bon état, demeure de l'ordre du rêve. Et les Mouches du vinaigre le confirment, on ne supporte pas l'apesanteur.
Des astronautes et autres cosmonautes ont séjourné hors de la gravité terrestre, pendant des périodes courtes au regard de la durée d'une génération et de celle de l'éventuel voyage vers Mars. À leur retour, ils souffraient entre autres de problèmes cardiaques.
À plusieurs reprises, le séjour en station orbitale fut offert à des drosophiles, qui eurent le temps de croître et multiplier, éprouvant les conditions extraterrestres comme oeuf, asticot, puis adulte, pendant plusieurs générations successives. Beaucoup revinrent dans leur labo d'entomo d'origine, pour y être observées, comparées aux témoins restés là et in fine disséquées.
C'est leur vaisseau dorsal (qui participe à la circulation de l'hémolymphe) qui a focalisé l'attention de Rolf Bodmer et de ses collègues (Sanford Burnham Prebys Medical Discovery Institute, La Jolla, Californie, États-Unis), qui ont travaillé sur des drosos revenues de séjours en apesanteur de 1 à 3 semaines. La Mouche du vinaigre constitue (là encore) un modèle pertinent, génétiquement homogène, en plus de ses analogies de structure et de fonction avec le coeur de l'homme, des propriétés conservées par l'évolution. Leur coeur, au retour, est rétréci et présente des constrictions avec un remodelage des myofibrilles – qui ne sont plus alignées – et une perte de force. Le séquençage de l'ARN révèle une réduction de l'expression des gènes de la matrice extracellulaire (ECM) et une augmentation très forte de celle des gènes du protéasome (qui digère les protéines mal repliées, dénaturées ou obsolètes de manière ciblée), au risque d'un mauvais contrôle de la protéotoxicité. Ces deux effets sont les principales réponses du muscle cardiaque à la microgravité.
Les astronautes souffrent d'autres maux : perte de matière osseuse, troubles de la vue, affaiblissement du système immunitaire.
Les drosophiles sans doute aussi (à trouver). Les auteurs de science-fiction font tourner les vaisseaux intergalactiques pour créer une gravité artificielle ; reste à imaginer comment échapper aux radiations cosmiques.
Article source (gratuit, en anglais) : //doi.org/10.1016/j.celrep.2020.108445
NB : Les drosophiles chinoises déposées sur la face cachée de la lune sont mortes de froid. L'entomosphère restera longtemps attachée à la Terre.

1305 Ç’a été coton, mais on a réussi
Le Ver (rose) de la capsule du cotonnier Pectinophora gossypiella (Lép. Géléchiidé) a sévit aux États-Unis à partir de son introduction accidentelle en 1917, depuis l’Asie. La production aura été gravement affectée. Le papillon pond près du bouton floral, les jeunes chenilles s’y introduisent et s’y développent sur 4 stades, détruisant la capsule, avant de se chrysalider au sol. Il y a jusqu’à 6 générations par an. Le « ver », effectivement rose, est bien protégé des traitements insecticides. Rien qu’en Arizona, en 1990, les cultivateurs ont subi 32 millions de $ de pertes et en ont dépensé 16 en insecticides. Le coton Bt, rendu résistant par l’incorporation d’un gène codant pour la toxine de la bactérie Bacillus thuringiensis, est mis sur le marché en 1996.
Mais on sait déjà que des populations du Ver de la capsule deviennent rapidement tolérantes.
Un programme d’éradication est d’abord théoriquement défini – modèles mathématiques à l’appui – puis lancé, dirigé par Bruce Tabashnik, en collaboration avec les cotonculteurs.
L’EPA (Environmental Protection Agency) recommande d’installer des parcelles refuge, à côté des champs de cotonnier Bt, où papillons sensibles et résistants peuvent se croiser. Le plan implique le lâcher de Vers de la capsule « stériles » (lutte autocide), obtenus par irradiation. De 2006 à 2014, 11 millions d’individus stériles sont répandus sur les champs de cotonnier de l’Arizona. De 2 modifiés pour 1 sauvage les deux premières années, ce rapport grimpe à 2 000 pour 1 en 2010. En 2012, un seul papillon a été capturé, pour 600 000 lâchés.
En 2018, après 4 années d’absence totale du ravageur, l’éradication est officiellement reconnue par l’USDA.
L’usage de cotonniers génétiquement modifiés et la lutte autocide agissent bien en synergie, comme prévu, pour faire décroître rapidement les effectifs du déprédateur. Ce plan est appliqué dans tout le Sud des États-Unis et le Nord du Mexique, avec le même succès. À son crédit, il faut ajouter la baisse de près de 90 % des traitements insecticides. Pour Tabashnik, une telle stratégie de lutte pourrait s’appliquer à d’autres ravageurs.
Le Ver de la capsule est cependant toujours présent dans toute la ceinture subtropicale du Globe et une réintroduction est toujours à craindre. La surveillance continue.
D’après « How Science Wiped Out the Invasive Pink Bollworm in the U.S. », par Melissa Mayer. Lu à //entomologytoday.org/, le 16 février 2021.
À (re)lire : Épingle « Bien défendu ».



1304 La distanciation favorise le cannibalisme
Les chenilles de la Pyrale (indienne) des fruits secs, alias Teigne des, longtemps nommée Tinea, de son vrai nom Plodia interpunctella (Lép. Pyralidé), ravageur cosmopolite originaire d'Inde, la mite alimentaire la plus commune, vivent de nos chocolat, riz, froment, dattes séchées, marrons glacés et autres denrées stockées. En plus de leur régime alimentaire très éclectique, elles ne dédaignent pas se dévorer entre elles.
Pourtant ce n'est pas comme on a tendance à le croire une caractéristique de l'espèce, une fatalité pour des individus affamés. Mike Boots (université de Californie, États-Unis) et ses collaborateurs se sont servis de cette peste domestique pour démontrer une hypothèse : le cannibalisme est d'autant moins fréquent que les animaux se fréquentent de plus près. Théoriquement, les chances de rencontrer un congénère-proie dans un groupe resserré sont si fortes que s'en servir comme provende est désavantageux.
Leur manip : élever des lots de chenilles dans des milieux alimentaires de différentes viscosités, permettant ou freinant leur dispersion. Au bout de 10 générations, le cannibalisme a fortement décru dans le milieu dense, où les chenilles sont restées groupées. Dans ce cas en effet, le voisin cannibalisé a toutes les chances d'être un cousin très proche et sa dévoration nuirait à l'avenir de la parentèle plus que le jeûne de l'individu.
C'est une sorte de comportement altruiste, que l'on a déjà remarqué chez des bactéries et des parasites disposés dans des conditions de limitation de leur dispersion. Et chez l'Homme ? Il apparaît moins égoïste quand il est élevé dans des grandes familles avec beaucoup d'interactions.
Et en présentiel par rapport au distanciel ?
Article source (lisible gratuitement) 
Photo : chenille de Pyrale des fruits secs. Cliché Tomasz Klejdysz

1303 De la taille du parc nucléaire
Elle est plus grande chez les abeilles que chez les oiseaux, en termes de densité, mais moindre chez les fourmis.
Il s'agit des noyaux des neurones du cerveau, qui ont été dénombrés chez 450 individus adultes de 32 espèces différentes d'Hyménoptères appartenant à 7 sous-familles, par Rebekah Keating Godfrey et ses collègues à l'université de l'Arizona (États-Unis). Après dissection, les ganglions cérébroïdes ont été pesés, broyés puis trempés dans une solution qui libère les noyaux. Ceux-ci ont été rendus fluorescents, de façon à être dénombrés sur un échantillon.
L'halicte Augochlorella (Hym. Halictidé) possède 2 millions de neurones par mg de matière cérébrale ; c'est 4 fois plus que les oiseaux les mieux dotés, comme le roitelet huppé. La fourmi Novomessor cockerelli (Hym. Myrmiciné) en a 5 fois moins.
Le cerveau des petits Hyménos est relativement plus gros et comporte plus de neurones, comme c'est la règle chez les vertébrés.
Le tissu nerveux est coûteux à produire et n'est densifié que si c'est utile : les insectes volants ont besoins de beaucoup plus de « puissance de calcul » que les marcheurs, expliquent les auteurs de l'étude.
Article source
Photo : Augochlorella sp. Cliché Bryan Reynolds
NDLR : l'asticot de la Mouche du vinaigre, avec quelque 10 000 neurones cérébraux est largement battu par l'entomologiste qui en possède 10 millions fois plus.

1302 Flicage en douceur
Elles se croyaient, les ouvrières, hors de portée des caméras de surveillance, vaquant à leurs plus intimes et secrètes occupations, dans le noir absolu. C'était sans compter sur la curiosité – la soif de découvertes – des apidologues.
Paul Siefert, Nastasya Buling et Bernd Grünewald, de l'université Goethe (Allemagne), ont construit un système d'observation et d'enregistrement vidéo brisant tout mystère. En découpant un nid d'Abeille mellifère en tranches et en les plaquant contre une vitre, en éclairant en lumière rouge, ils sont parvenus à voir exactement et précisément ce à quoi les ouvrières passent leur temps. Sans provoquer la moindre récrimination ni perturber leur comportement.
Éclosion, pouponnage, construction et réparation des cellules, toilettage, nettoyage des surfaces et… cannibalisme, soit la dévoration des larves mal venues ou malades. Même la reine s'est laissée filmer en train de pondre.
Ont été découverts par cette manip la trophallaxie ouvrière-larve (bouche à bouche entre la nourricière et la nourrie) et la préparation du meilleur confort thermique pour les embryons en développement, qui avaient échappé jusque-là aux apidologues.
Photo : dispositif expérimental. Cliché P. Siefert
Vidéos et postures des abeilles à voir dans et à partir de l'article source (gratuit, en anglais)

1301 Inrattrapables
Soit un oiseau insectivore affamé face à un choix de papillons appétissants. On sait qu'il portera son coup de bec sur celui qu'il juge mangeable, non toxique ni de goût épouvantable. Il se fie aux couleurs arborées par ses proies potentielles, dites aposématiques (avertisseuses) : les papillons portent le signal de leur immangeabilité, ce qu'ils « payent » en synthèses chimiques et autres dispositifs. Cousins proches ou très éloignés, d'autres papillons font l'économie de la fabrication du toxique, la dépense de la peinture leur suffit, pour peu qu'ils leur ressemblent. C'est le bien connu mimétisme batésien. L'oiseau est dupé.
Mais imiter un immangeable n'est pas la seule option. On peut se parer de l'habit d'un papillon très agile, très rapide, que l'oiseau sait d'expérience ne pouvoir rattraper et dédaigne donc a priori.
C'est ce que des chercheurs de plusieurs pays ont démontré dans un travail commun ;  ce n'était qu'une hypothèse depuis une soixantaine d'années, pendant lesquelles on a surtout étudié l'évitement par les prédateurs des mimes empoisonnés.
Le genre Adelpha (Lép. Nymphalidés tropicaux) comporte plus de 90 espèces, dont certaines avec des patrons d'ailes très ressemblants, fruit très probable de mimétisme. Ces papillons sveltes, aux ailes triangulaires, n'ont pas l'allure de ceux qui sont toxiques, très généralement lents et munis de longues ailes.
Dans une station de recherche, en Finlande, l'équipe a proposé à des mésanges bleues de faux Adelpha (en papier) de 3 types correspondant aux principaux patrons de l'espèce. L'amande attachée en dessous était telle quelle ou trempée dans un produit très amer. Le papillon restait sur place ou s'enfuyait tiré le long d'un rail. Les oiseaux ont vite appris à ne considérer que les proies rattrapables. Des mimes imparfaits fonctionnent.
Sauf que les oiseaux ont quand même attaqué 1,6 fois plus les immangeables que les inbéquetables ; sans doute une amande amère est quand même un truc roboratif…
Article source (gratuit, en anglais) 
Photo : Adelpha salmoneus, A. cocala et A. epione – faces ventrales. Cliché Jeff Gage

1300 Délétères automnes
Les papillons sont comptés et recomptés : leurs effectifs diminuent effectivement, l'exemple le plus populaire en Amérique du Nord est le Monarque Danaus plexippus (Lép. Nymphalidé), suivi tout le long de ses chemins de migration. Les observations de leur déclin proviennent de zones densément peuplées ou exploitées pour l'agriculture et celui-ci est mis au compte des pertes d'habitat et des insecticides notamment.
Mais il apparaît que ces insectes, dans des lieux sauvages, voire protégés comme les réserves naturelles, sont eux aussi victimes d'une réduction importante de leurs effectifs.
Art Shapiro et Matthew Forister, de l'université du Nevada (États-Unis) ont rassemblé les dénombrements effectués depuis 42 ans par la North American Butterfly Association et durant 15 ans par iNaturalist. Soit l'évolution des populations de 450 espèce de papillons de jour de l'Ouest états-unien.
Entre 1977 et 2018, le déclin aura été de 1,6 % par an en moyenne, bien attesté pour le Damier de Taylor Euphydryas editha (Nymphalidé), Ochlodes agricola (Hespériidé) et Lycaena xanthoides (Lycénidé).
On ne peut pas incriminer les activités humaines locales. Les papillons disparaissent dans les zones où les températures automnales ont crû significativement plus que les températures estivales durant les dernières décennies. On ignore si ce changement climatique perturbe le cycle des insectes ou s'il agit par l'intermédiaire des plantes nourricières.
D'après « Butterflies are vanishing in the western U.S.—but not for the reasons scientists thought », par Elizabeth Pennis. Lu le 4 mars 2021 à www.sciencemag.org/
Photo : Lycaena xanthoides. Cliché Ron Wolf  


Les invasions biologiques coûtent cher à l’humanité, par Clémentine Thiberge. Le Monde, 31 mars 2021.

Quels messages codés portent les ailes des papillons ?
, par Serge Berthier. The Conversation, 9 mars 2021,
février
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1299 « La ferme ! »
L'injonction, certes un peu vulgaire - mais les chenilles sont ce qu'elles sont -, est adressée au plant de tomate qui vient d'être entamé. En tous cas, les feuilles obéissent et gardent leur usine à phéromone-kairomone à l'arrêt : les stomates ne s'ouvrent pas et les HIPV (herbivore induced plant volatiles) ne sont pas libérés. S'ensuit que, d'une part, les plants voisins ne sont pas avertis de l'agression et, d'autre part, les guêpes parasitoïdes des chenilles, restent dans l'ignorance de la présence d'hôtes où déposer leurs œufs. La chenille peut déjeuner en paix.
C'est le résultat – exposé en termes plus académiques dans New Phytologist - du récent travail d'une forte équipe de l'université de Pennsylvanie (États-Unis), mobilisant des techniques pharmacologiques, chirurgicales, génétiques (ciseaux CRISPR-Cas9) et chimique.
La glucose oxydase de la salive de la larve du Ver de l'épi du maïs, Helicoverpa zea (Lép. Noctuidé), provoque la fermeture des stomates de la feuille de tomate en moins de 5 minutes, et ce pour une durée de 2 jours (également chez le soja). L'émission de plusieurs HIPV est inhibée, dont les sémiochimiques à rôle majeur (Z)‐3‐hexenol, (Z)‐jasmone et (Z)‐3‐hexenyl acetate. Par ailleurs, le métabolisme hydrique de la plante est perturbé.
Aucune application utile aux cultivateurs de cette découverte n'est pour l'heure en vue.
Article source (en anglais, gratuit)
Photo : chenille du Ver de l'épi de maïs sur chanvre. Cliché Pat Porter

1298 Nettoyeurs participatifs
Les bousiers tunneliers (Col. Coprini) seront-ils sacrifiés pour le recensement des vertébrés ? Si l'on suit le travail préliminaire de Rosie Drinkwater, en postdoc à l'université Queen Mary University (Londres, Royaume-Uni), certains Catharsius y laisseront leur tégument.
Catharsius les bien nommés : ils purifient le milieu en recyclant les excréments en pédoaliment, autrement dit en en nourrissant leurs larves.
R. Drinkwater propose de pister l'ADN des animaux d'une zone dans le tube digestif de ces scarabées tunneliers, qui se piègent facilement, à l'étron d'entomologiste, il n'y a pas plus attractif. Le métabarcodage date de quelques décennies mais a surtout servi en milieu aquatique. Des moustiques et des sangsues ont été testés comme récolteurs de données.
Dans la forêt de Bornéo, elle et ses collaborateurs ont pu ainsi attester de la présence du sanglier à moustaches, du sambar, du cerf muntjac, du chevrotain et du porc-épic. Et aussi sans doute de la civette palmiste à bandes. Mais les séquences d'ADN largement les plus fréquentes correspondent à des Homo sapiens différents des producteurs de l'appât.
Le transit intestinal chez les Catharsius ne dure pas plus de 24 heures. Ce qui permet d'attribuer les résultats à la faune présente durant les 2 derniers jours.
D'aucuns préféreraient pousser les recherches vers la lecture d'échantillons de sol ou de poussière, pour épargner ces auxiliaires, pourtant fort nombreux.
D'après « DNA found inside the guts of dung beetles, such as the giant flattened dung beetle, could one day be used to infer a region’s biodiversity », par Michael Price. Lu le 19 février 2021 à www.sciencemag.org/
Photo : Catharsius molossus. Cliché gbohne

1297 Amours contrariées
Le Grillon provençal Grillus bimaculatus (Orth. Gryllidé) se fait entendre de la fin de l'été au début de l'automne. En frottant ses ailes antérieures durcies l'une contre l'autre, il stridule. C'est son chant de cour, pour séduire une grillonne. Laquelle choisit le géniteur de ses grillonneaux à la qualité de son chant.
Qu'arrive-t-il si des sons ou des bruits couvrent en partie son chant ? Les grillons proches d'uen autoroute, par exemple, sont-ils perturbés et jusqu'où ?
En testant des grillonnes avec des stridulations artificielles de différentes qualités dans différentes conditions acoustiques, Adam Bent et ses collaborateurs (Anglia Ruskin University , Royaume-Uni)  ont d'abord vérifié que les sons de qualité supérieure sont préférés. Le taux d'accouplements est augmenté et la latence précoïtale diminuée. Mais le résultat s'inverse par rapport à ce qu'on observe dans les conditions sonores ambiantes si l'on diffuse le bruit du trafic routier ou un bruit blanc.
Près de notre autoroute, le grillon mâle devra s'efforcer de produire une meilleure stridulation, ce qui est coûteux et ne peut que réduire sa fitness (capacité reproductive). La grillonne quant à elle risque de s'arrêter sur un mauvais partenaire. La population peut en être gravement affectée.
Article source : doi.org/10.1093/beheco/araa124
Photo : accouplement du Grillon provençal. La femelle est sur le dos du mâle. Cliché Adam Bent.

1296 Un coup dans l'aile
Dans le monde des insectes, chez pas mal d'espèces, les messieurs se défient et se battent pour les faveurs d'une dame. Leurs armes sont des épines, des éperons, des cornes, des mandibules… instruments contondants capables de blesser l'adversaire. On admet que qui inflige le plus de contusions et de plaies à son concurrent est le plus à même de gagner.
Ce n'est qu'une hypothèse. John J. Wiens et Zachary Emberts l'ont testée expérimentalement, en recrutant 300 Punaises du mesquite Thasus neocalifornicus (Hém. Coreidés) mâles, armés d'épines sur les pattes postérieures, servant à trouer les ailes de l'adversaire. Ces punaises sont des recrues de choix, car les dommages infligés se mesurent facilement et ne s'effacent jamais.
Pour des confrontations un contre un, ils ont fixé un rectangle en sky, indéchirable, sur le dos de 50 d'entre eux. Ces protégés ont 1,6 fois plus de chances de gagner. Hypothèse vérifiée.
Différentes espèces du genre Thasus ont des armes différentes : une grande épine ou une rangée de plus petites. L'évolution s'est-elle faite selon la gravité des blessures provoquées ? Avec un collègue de l'université nationale de Singapour, Wei Song Hwang, nos deux chercheurs ont mesuré les épines des pattes postérieures de 17 Coréidés du monde entier, ainsi que le nombre et la taille des déchirures infligées aux ailes antérieures (combats intraspécifiques). Certaines armes sont effectivement plus vulnérantes, mais des dispositifs très différents le sont également, comme plusieurs épines sur le fémur vs une unique épine sur le tibia.
Il y a donc eu une évolution vers la diversité des armes, favorisée par l'égalité de leur efficacité.
Au programme : l'évaluation du coût physiologique des blessures reçues.
D'après « Battling bugs help solve mysteries of weapon evolution », par Daniel Stolte. Lu le 4 février 2021 à //phys.org/news/
Photo :  Thasus neocalifornicus, le concurrent de droite est protégé. Cliché Z. Emberts



D’anciennes traces d’adaptation détectées dans les génomes des papillons suggèrent un rôle prépondérant des plantes hôtes dans leur diversification. CNRS, 24 février 2021.

Le tube digestif des insectes - anatomie,
par Benoît Gilles. Passion entomologie, 24 février 20201.

Intelligence artificielle et nouvelles technologies : une opportunité pour le suivi des insectes ?

Noé, 12 février 2021.

La biologie de la conservation doit-elle prendre en compte les paysages odorants ?, par M. Renou et al..Science Eaux & Territoires, HS, 3 février 20201.

Un papillon exotique marque sa femelle d’une odeur repoussante pour chasser ses rivaux
, par Nathaniel Herzberg. Le Monde, 1er février 2021.

janvier
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1295 Ils méritent des fleurs
Ils, ce sont les prédateurs des ravageurs agricoles.
Des chercheurs de l'université de Copenhague (Danemark), autour de Lene Sigsgaard, ont compilé les articles scientifiques sur les besoins alimentaires des prédateurs des insectes phytophages. Soit des antagonistes des ravageurs potentiels, dont l'action peut autoriser à réduire les traitements chimiques.
Il en ressort que l'accès au nectar des fleurs leur est hautement bénéfique pour la plupart des prédateurs, la consommation des proies n'assurant qu'un succès reproductif limité. Celui-ci peut être multiplié par plus de 8 dans le meilleur des cas – celui des fleurs de sarrasin. La mauve, l’achillée mille feuilles, la marguerite commune sont également très favorables. En moyenne, les femelles alimentées de nectar survivent 2,2 fois plus longtemps et les mâles 1,7 fois, comparés aux insectes ne disposant que d'eau pure.
Si les perce-oreilles, la Coccinelle à 2 points et les punaises Orius (Anthocoridés) répondent bien en ce sens, de nombreuses autres espèces restent indifférentes.
Encore faut-il que cette ressource sucrée soit accessible, la plupart de ces auxiliaires n'étant pas équipés pour la puiser au fond de corolles profondes – comme celles du lotier et de la vipérine commune -  contrairement aux insectes pollinisateurs. Parmi les autres plantes favorables, la carotte sauvage, l'aneth et le pissenlit.
Les bandes fleuries déjà en usage pour favoriser les pollinisateurs (et faire la promotion d'une meilleure agriculture) devront être adaptées, en excluant les exotiques, en augmentant la proportion d'espèces à nectar accessible, en privilégiant les plantes pérennes, capables d'assurer l'hivernation des prédateurs.
Article source : doi:10.1016/j.biocontrol.2020.104476
Photo : champ de sarrasin en fleurs.

1294
Avantages pour les adhérants
De nombreuses plantes présentent des feuilles, des tiges, des semences collantes. Ce caractère, sélectionné par l'évolution, doit leur conférer un avantage. On en trouve beaucoup sur les dunes littorales où le vent véhicule du sable qui adhère au mucilage couvrant ces organes.
Il résulte de cette psammophorie une perte d'éclairement et donc de photosynthèse, mais aussi une moindre abrasion et un abaissement de la température. Le sable protège également contre les insectes phytophages.
Eric LoPresti (université de l'Oklahoma) et ses collègues ont étudié le phénomène sur Abronia latifolia (une verveine nord-américaine), le long de la côte en Californie (États-Unis).
Les feuilles et tiges nettoyées sont deux fois plus consommées par les escargots et les chenilles. Serait-ce un effet de camouflage ? Les feuilles recouvertes de sable coloré – différentes teintes, de la couleur de l'arrière-plan ou pas – sont également attaquées. Le sable agit donc directement sur la prise de nourriture.
Devant des feuilles sablées ou propres, les chenilles choisissent immanquablement les secondes. Alimentées uniquement de feuilles sablées, les chenilles grandissent moins vite – elles ingèrent beaucoup de sable parfaitement indigeste -  et leurs mandibules sont fortement usées.
Dans les dunes, on trouve beaucoup de graines qui retiennent le sable quand elles sont humides. Leur mucilage (hydrates de carbone simples) s'hydrate et se déshydrate facilement. L'équipe a observé celles de 53 espèces végétales : considérablement alourdies par les grains agglomérés, les graines sont beaucoup moins emportées par les fourmis.
Le caractère « collant » doit être compté parmi tous ceux que les plantes possèdent pour faire face à l'appétit des insectes phytophages.
D'après « Stickiness is a weapon some plants use to fend off hungry insects », par Eric LoPresti. Lu le 20 janvier 2021 à //theconversation.com/
Photo : mandibule d'une chenille nourrie de feuilles propres (à gauche) et d'une autre élevée sur feuille sablée.


PNA Papillons de jour
Webinaire du 21 janvier 2021.
Youtube

Débat scientifique sur le déclin des insectes : que reste-t-il à prouver ?
par Romain Garouste. The Conversation, 29 janvier 2021.

Le déclin des Insectes  : il est urgent d’agir,
par Hervé Jactel et al. . C. R. Acad  Sci, 25 janvier 2021.
[texte en français en 2nde partie]

Les grillons Eneopterinae : un groupe modèle pour étudier l’évolution et la communication
, par Tony Robillard. The Conversation. 18 janvier 2021.