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Miscellanées

Les insectes d'avant

PUCES ET PUNAISES

Tendresse maternelle et intelligence des puces.
Puces militaires. Puces chevaux.


Nous terminons cette étude sur l'intelligence des .insectes par tes faits curieux qui ont été observés sur des animaux qu'on avait jusqu'ici crus bons tout au plus à tourmenter l'homme. Les puces, puisqu'il faut les nommer, ne possèdent pas seulement la faculté de faire des sauts gigantesques, elles déploient une force musculaire incroyable. Lémery dit avoir vu une puce de médiocre grosseur enchaînée à un petit canon d'argent qu'elle traînait. Ce canon était gros comme la moitié de l'ongle, gros comme un ferret d'aiguillette, creux, mais pesant quatre-vingts fois plus que la puce; il était soutenu de petites roues; en un mot, il avait exactement la figure d'un canon dont on se sert à la guerre on y mettait de la poudre et on l'allumait. La puce intrépide n'était ni épouvantée, ni alarmée du feu d'une telle artillerie. Sa maîtresse, ajoute Lemery, la gardait dans une petite boite veloutée, qu'elle portait dans sa poche, elle la nourrissait aisément en la mettant tous les jours un peu de temps sur son bras, quand l'hiver fit mourir cette puce martiale.
Au rapport de Mouffet, un nommé Marck, Anglais, avait fait une chaîne d'or, de la longueur du doigt, avec un cadenas fermant à clef : une puce détenue en esclavage et attachée à cette chaine la tirait journellement avec facilité. Tout l'équipage pesait à peine un grain.
Hoock raconte qu'un autre ouvrier anglais avait construit en ivoire un carrosse a six chevaux, un cocher sur le siège avec un chien entre les jambes, un postillon, quatre maitres dans le carrosse et deux laquais derrière, tout cet équipage était trainé par une puce. Quel limonier !
Sont-ce là les seuls travaux auxquels on peut soumettre les puces ? Non. Ces petits êtres sont si intelligents, qu'on peut les habituer à toutes sortes d'exercices. Le baron Watckenaer, mort en 1852, rapporte les merveilles exécutées par des puces savantes que l'on montrait sur la place de la Bourse pour la somme de soixante centimes. « Je les ai vues, dit-il, avec mes yeux d'entomologiste, armés de plusieurs loupes.


Puces savantes

Quatre puces faisaient l'exercice et se tenaient, debout sur leurs pattes de derrière armées d'une pique, qui était un petit éclat de bois très-mince.
Deux puces étaient attelées à une berline d'or a quatre roues, avec un postillon, et elles traînaient cette berline. Une troisième puce était assise sur le siège du cocher avec un petit éclat de bois qui figurait le fouet. Deux autres puces traînaient un canon sur un affût. Ce petit bijou était admirable, il n'y manquait pas une vis, pas un écrou. Toutes ces merveilles et quelques autres encore s'exécutaient sur une glace polie. Les puces chevaux étaient attachées avec une chaine d'or par leurs cuisses de derrière; on m'a dit, ajoute Walckcnaer, que Jamais on ne leur ôtait cette chaine. Elles vivaient ainsi depuis deux ans et demi. Pas une n'était morte dans cet intervalle. On les nourrissait en les posant sur un bras d'homme qu'elles suçaient. Quand elles ne voulaient pas traîner le canon ou la berline, l'homme prenait un charbon allumé qu'il promenait au-dessus d'elles, et aussitôt elles se remuaient et recommençaient leurs exercices. Ces puces ont, en 1825, montré leur talent rare à Paris et dans les principales villes de province: partout elles ont confondu l'orgueil humain.
Mais à quoi sert l'intelligence sans le cœur ? Il a été dit que le plus petit animal, le moins utile en apparence nous étonnerait par la patience, le courage, l'esprit, ajoutons par le sentiment et la tendresse maternelle. Quand les puces ont pondu leurs œufs dans la poussière, dans les fentes des planchers, sur les coussins où dorment les animaux; dans les langes des jeunes enfants quand les larves blanches et transparentes, sans pattes, très-remuantes, en sortent se tortillant comme des petites anguilles; la mère puce va leur dégorger dans la bouche le sang dont elle s'est remplie, et on voit sur leur peau transparente se colorer le tube digestif. Ainsi la légère souffrance qu'elle nous cause, la goutte de sang qu'elle nous enlève, c'est la vie de ses enfants.
N'accusez plus de méchanceté cette pauvre et tendre mère si elle vous mord, c'est qu'elle y est contrainte et forcée la nature lui a imposé cette loi, elle ne .peut s'y soustraire; mais croyez-le bien, elle agit avec tous les égards, tous les ménagements, avec tous les procédés d'un insecte gastronome, si l’on veut, mais qui n'est certes ni glouton,, ni méchant. Une fois repue, la puce se hâte de lâcher prise, on dirait qu'elle a des scrupules de conscience. Lé théâtre de son méfait, elle l'abandonne, vive, sautillante, alerte, chatouillant tout le voisinage d'une patte légère et douce comme pour engourdir et calmer la douleur, minime d'ailleurs, que sa piqûre a déterminée. Pourquoi Linné donne-t-il à la puce de l'homme la qualification d'irritante? C'est là punaise des lits, c'est ce fléau des nuits que Linné eût dû baptiser ainsi.
Que la puce agace par sa piqûre ceux d'entre nous dont le système nerveux n'est pas dûment équilibré par le système sanguin, d'accord; mais elle n'irrite, elle ne martyrise .personne. La puce ne possède pas le liquide âcre, infect de la punaise. Celle-ci ne se contente pas de percer les chairs, d'en extraire le sang dont elle se sustente dans la plaie qu'elle a ouverte, au lieu du sang qu'elle a dérobé, elle introduit un liquide acre, mordant, sécrété par elle.
Déplorable compensation, je me suis toujours défié des gens plats, et ennemis de la lumière. La punaise et l'homme sont les plus directs et les plus cruels ennemis du genre humain. Leur méchanceté est d'autant plus dangereuse, qu'elle est servie par une intelligence plus développée.



Punaise tombant du plafond



Valmont de Homare rapporte qu'un curieux, voulant découvrir comment la punaise était avertie de la présence de l'homme, a fait l’expérience que voici : il s'est couché dans un lit suspendu et sans ciel, au milieu d'une chambre où il n'y avait aucun meuble ; il a mis sur le plancher une punaise qui, conduite sans doute par l'odorat, a hésité quelque temps sur les moyens qu'elle prendrait pour arriver au lit ; elle a enfin pris le parti de monter à la muraille par le chemin le plus court elle a gagné le plafond toujours en suivant une ligne droite qui devait passer au-dessus du lit, et lorsqu'elle y est parvenue, elle s'est laissée tomber sur le nez de l'observateur. N'est-ce pas encore un acte d'intelligence ?


L'intelligence des animaux,  par Ernest Menault. Hachette (Paris), 1872.


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