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Miscellanées

Poésies
à
frelon

Les Frelons et les mouches à miel, Poème de l'amour, L'Èphémère et le frelon, L'Abeille et le Frelon, L’Abeille et le Frêlon

L’Abeille et le Frêlon

Une Abeille, dans la prairie,
Se promenoit sur mille fleurs.
Elle respiroit leurs odeurs ,
De toutes elle étoit chérie
Et recevoit quelques faveurs.
Un Frelon l'observoit, & sa jalouse rage
Ne put long-tems se contenir;
II s'approche, il fait grand tapage
Et se prépare à la punir.
Ah ! Frelon, quelle jalousie,
Ou plutôt quelle cruauté,
Dit l'Abeille en tremblant, calmez Votre Furie ;
Mon travail appartient à la société,
Et le peu de ces fleurs dont je me suis nourrie,
Je le rends à l'humanité.
J'en compose le miel ; je n'ai point d'autre envie,
Et si je suis de quelque utilité,
C’est tout le bonheur de ma vie,
Et c'est ma seule vanité.
A ce discours, le Frelon en colère
Menace, il veut l'anéantir ;
Et sous sa rage meurtrière
L'Abeille étoit prête à périr,
Lorsqu'un oiseau, témoin de la querelle,
Vint la soustraire au barbare Frelon.
O vous, dont la fureur toujours se renouvelle,
Retenez bien cette leçon ;
Dans les trésors du goût laissés puiser l'Abeille :
Zoïles insensés, vous bourdonnez en vain !
Le Public seul est juge souverain ;
Arbitre des talens, il est l'oiseau qui veille,
Et pour vous écraser il a le foudre en main.

M. Dusausoir.
Mercure de France, 1771.



L'Abeille et le Frelon

Une abeille dès le matin
Après avoir sucé mille fleurs d’un parterre,
Revolait vers sa ruche avec force butin.
Un frelon la rencontre, et, lui faisant la guerre,
Lui dit : Insensée ! Où vas-tu ?
Au travail, n’est-ce pas ? Te vaut-il un fétu ?
A quoi bon prendre tant de peine
Pour les menus plaisirs d’une indolente reine ?
Travaille pour toi seule, et ce sera tout gain.
Voilà ce que je te conseille.
L’autre lui répondit :Tu me prêches en vain :
Ce qui ne tourne pas au profit de l’essaim
Ne peut être utile à l’Abeille.

Antoine François Le Bailly
1756, publié par J.L.J. Brière, 1823.



L'Éphémère et le frelon

Né le matin , le soir près du tombeau,
Un Ephémère(a) avoit changé deux fois de peau ;
Pondu des œufs, couvé, fait le tout à la hâte,
Et chez Pluton descendoit bien & beau.
Vous êtes d'une bonne pâte,
Lui dit un Frelon(b) étonné;
Vous voilà décrépit qu'à peine êtes-vous né.
Qui vous pressoit ? pourquoi faire aussi tant d'ouvrage ?
Vous auriez vécu davantage,
En vous reposant comme moi.
L'Ephémère lui dit : Tais-toi.
Ton exemple est honteux à suivre. J'ai travaillé ; je laisse après moi des enfans : Quand dans l'oisiveté j'aurois vécu cent ans,
Dis-moi donc, auroit-ce été vivre?

Jean-Louis Aubert
Fables et oeuvres diverses
Publié par Moutard, 1774

Notes :
(a) Ephémère, petit insecte volant, qui ne vit, dit-on, qu'un seul jour, & qui dans cet espace, change deux fois de peau , fait des œufs & jette des semences. Les Pêcheurs s'en fervent pour amorcer leurs hameçons. On prétend qu’avant que d'être insecte aîlé , il vit trois ans sous la forme de Ver.
(b) Frelon , espèce de Mouche inutile , qui ressemblc à la Guêpe , mais qui est plus grosse du double. Si l'on coupe un Frelon en deux , il ne laisse pas de manger.



Poème de l'amour


Vis sans efforts et sans débats,
Garde tes torts, reste toi-même,
Qu'importent tes défauts ? Je t'aime
Comme si tu n'existais pas,

Car l'émanation secrète
Qui fait ton monde autour de toi
Ne dépend pas de tes tempêtes,
De ton coeur vif, ton coeur étroit,

C'est un climat qui t'environne,
Intact et pur, et dans lequel
Tu t'emportes, sans que frissonne
Ton espace immatériel:
- L'anxieux frelon qui bourdonne
Ne peut pas altérer son ciel...

Anna de Bracovan, comtesse de Noailles (1876-1933)



Les Frelons et les mouches à miel

A l'œuvre on connaît l'Artisan.
Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :
Des Frelons les réclamèrent ;
Des Abeilles s'opposant,
Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.
Il était malaisé de décider la chose.
Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les Abeilles,
Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les Frelons
Ces enseignes étaient pareilles.
La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière
Entendit une fourmilière.
Le point n'en put être éclairci.
" De grâce, à quoi bon tout ceci ?
Dit une Abeille fort prudente,
Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte.
Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'Ours ?
Sans tant de contredits, et d'interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires,
Travaillons, les Frelons et nous :
On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien bâties. "
Le refus des Frelons fit voir
Que cet art passait leur savoir ;
Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.
Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès !
Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode !
Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code ;
Il ne faudrait point tant de frais ;
Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge,
On nous mine par des longueurs ;
On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs.


Jean de La Fontaine (1621 -1695) 

La fable est inspirée de Phèdre (né en 10 av. JC) : "Apes et fuci, vespa judice" (Les abeilles et les faux-bourdons jugés par la guêpe) (III, 13).

 Des abeilles avaient déposé leurs rayons sur le haut d’un chêne ; de paresseux Bourdons les réclamaient comme étant à eux. Ce débat fut porté eu justice, par-devant la Guêpe pour juge ; et comme elle connaissait parfaitement chaque partie, elle leur proposa cet arrangement : « Vous vous ressemblez assez, leur dit-elle, de corps et de couleur, le doute en cette affaire est donc permis. Mais, pour que ma religion ne soit point surprise dans ce jugement, travaillez, remplissez de miel vos alvéoles de cire sa saveur et la forme des rayons décideront qui a fait ceux-ci. » Les Bourdons refusent l’épreuve; les Abeilles l’acceptent avec joie. Alors la Guêpe prononça cette sentence : « On voit assez l’incapacité des uns et le savoir-faire des autres; je restitue donc aux Abeilles le fruit de leur travail. »
J’aurais passé cette fable sous silence, si les Bourdons n’avaient refusé de tenir la foi promise. 


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