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Miscellanées

Les insectes d'avant


III. — De la phosphorescence parmi les animaux terrestres


 Nous allons voir qu'elle dépend principalement de l'action de la vie ou du jeu de l'organisme.

Il faut distinguer de cette phosphorescence l'électricité développée quelquefois spontanément chez les individus qui ont fait beaucoup d'exercice, et dont les poils secs ou les cheveux lancent des étincelles par le frottement. Tout le monde connaît ce phénomène sur les chats, surtout en hiver, lorsqu'on les frictionne ; beaucoup d'observations analogues faites sur des hommes n'étaient pas inconnues des anciens, car on peut y rapporter cet éclat de la chevelure d'Achille en fureur, selon Homère, et cette flamme légère qui semblait voltiger autour de la tête d'Ascagne, comme dit Virgile : lambere flamma comas et circùm tempora pasci. Les palefreniers connaissent les feux follets sortant de la crinière des chevaux, parfois, lorsqu'on les étrille. Des auteurs ont remarqué des signes d'électricité aussi sur le plumage de quelques perroquets, etc.

Peut-être doit-on attribuer à ce développement d'électricité résineuse, les combustions spontanées de plusieurs individus très-gras, et habitués aux liqueurs spiritueuses, tels que des femmes exhalant des gaz hydrogénés et inflammables, etc. Ce sujet a été traité soit par Pierre-Aimé Lair, soit par Jean-Henri Kopp, avec un développement suffisant pour établir de fortes présomptions sur la réalité de ces combustions spontanées.

II est un autre mode de lucidité qui paraît dépendre plus immédiatement de l'action nerveuse, c'est celle des yeux des chats, des loups, des hiboux et d'autres animaux nocturnes. Leur pupille se dilate beaucoup dans l'obscurité et la rétine dont l'éclat est brillant, renvoie une lumière manifeste. Nous avons eu l'occasion d'observer cet effet sur un renard blessé à mort, et qui, au moment où il se vit saisi dans la retraite obscure où il se réfugiait, ouvrit des pupilles extraordinaires et montra des yeux flamboyans. Il paraît que le même effet se produit dans ces regards de colère qui paraissent enflammés ; il en est ainsi des yeux d'un chat plongé dans l'eau ; la vive frayeur dilate la pupille, et la rétine renvoie beaucoup de rayons lumineux, comme un miroir au soleil. Nous ne rappellerons pas l'opinion des anciens philosophes, tels que Platon, épicure, etc., qui supposaient que la lumière était lancée par l'œil, et agissait sur d'autres individus dans l'amour, l'envie, la colère, et qu'on pouvait ainsi fasciner les personnes, comme le regard du chien arrête la perdrix :

Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos.

Parmi les reptiles, on prétend que les crocodiles, et des lézards nocturnes, tels que les geckos et les anolis, jettent des regards étincclans dans la nuit ; peut-être doit-on rapporter à la même raison la frayeur causée par des serpens, d'où les anciens ont imaginé que le basilic tuait par son seul regard, comme on a prétendu que la vue subite d'un loup causait une extinction de voix ou la raucité.

Les vraies phosphorescences animales se remarquent d'abord dans la classe des insectes, et surtout parmi les coléoptères. On distingue, dans cet ordre, les genres elater, lampyris et paussus.

Eelater noctilucus, le cucujo des Américains ou la mouche à feu, a la faculté, selon Patrike Browne (Hist. Jamaïc), de suspendre à volonté sa lumière, et de la faire paraître, tout comme on le ferait avec une lanterne sourde. Ses organes phosphorescens sont situés au corselet de chaque côté ; il les fait rentrer par la frayeur. Il y a dans son corselet beaucoup de matière lumineuse jaunâtre, demi-transparente et gélatineuse. Cet insecte, qui se cache de jour, voltige la nuit et se jette sur la lumière, des flambeaux. Sa lumière est si vive, qu'on peut lire de nuit avec huit ou dix de ces taupins, comme avec une chandelle, ou travailler à la lumière. Les indiens en portent dans leurs voyages en place de lanternes, et les femmes en ornent leur tête comme d'étoiles brillantes.

On connaît encore deux autres taupins phosphoriques : elater phosphoreus, de Géer, et elater ignitus, Fabricius, de l'Amérique méridionale, et des îles Antilles.

Les lampyris, connus sous le nom de vers luisans, portent leur matière phosphorique à l'extrémité postérieure de leur abdomen, aux deux ou trois derniers anneaux; ils peuvent de même, que les taupins, faire rentrer à volonté cette substance lumineuse. Lorsqu'elle brille le plus vivement, elle répand un éclat bleuâtre ou verdâtre comme l'émeraude : en s'affaiblissant, elle n'offre plus qu'une lueur orangée pâle. Le mouvement de ces insectes excite leur lumière : cette substance lumineuse jaunâtre peut être enlevée à l'animal, et elle reste phosphorescente tant qu'elle est molle, soit à l'air libre, soit sous le vide de la machine pneumatique. Elle perd cette lumière en se desséchant ; mais on peut la lui rendre, en la ramollissant avec de l'eau tiède. L'eau froide éteint les vers luisans, mais ils brillent dans de l'eau chaude. Ces insectes vivent longtemps dans le vide et sous divers gaz non respirables ; toutefois ils périssent dans le sulfureux, le nitreux et l’hydrochlorique. On a cru reconnaître que leur séjour dans le gaz hydrogène rendait parfois celui-ci détonnant. Au reste, chez ces insectes nocturnes, les sexes se rencontrent l'un l'autre, au moyen de cette lueur ; les femelles sont les plus brillantes pour attirer les mâles ; car elles ne développent pas souvent des ailes ; aussi l'on voit de leurs nymphes déjà lumineuses selon de Géer. Ils sont très-communs dans les pays chauds, et leur voltigement semblable à celui des étincelles parmi les bosquets et les fleurs, produit un effet agréable dans les soirées d'été. Carradori et Lichtenberg ont remarqué que la lueur devient plus vive dans ces insectes plongés sous du gaz oxigène. Il y a beaucoup d'espèces de lampyres lumineuses ; les lampyris noctiluca et splendidula sont nos vers luisans ; Yitalica est la luciole des Italiens ; on connaît encore les lamp. ignita, phosphorea, nitidula, lucida, Japonica, Pensylvanica, etc. Gueneau de Montbéliard a fait l'observation, qu'après leur accouplement ces insectes perdaient toute leur phosphorescence, comme s'ils éteignaient ainsi les flambeaux de leur amour, par l'hyménée.

Afzélius a remarqué un autre coléoptère, dont l'illumination est fort singulière. Ses deux antennes sont renflées à leur extrémité en petits globes, et ces globes sont deux lanternes phosphorescentes, dont il s'éclaire dans la nuit. Cet insecte paussus spherocerus est décrit dans les Linnœan Transact., tom. iv.

Parmi les insectes hémiptères, des fulgores présentent à un degré marquant le phénomène de la phosphorescence. Mademoiselle Mérian a décrit la grande porte-lanterne, fulgora lanternaria, L. de Surinam et d'Amérique méridionale : Son front est développé en une énorme vésicule arrondie toute pleine d'une matière lumineuse, si vive qu'on peut lire de nuit par son moyen, les caractères les plus fins, il paraît que cette lucidité n'a pas lieu pendant tout le temps de la vie de l'insecte, mais sans doute à l'époque de ses amours, comme chez les lampyres et les taupins. Plusieurs autres fulgores sont également lumineuses ; les fulgora candeluria et F. pyrorhyncus, en Asie. Des cigales sont aussi phosphoriques, selon Olivier.

Patrike Browne a remarqué pareillement une espèce de papillon nocturne, pyralis minor, présentant sous son abdomen une lueur faible et vacillante, devenant obscure par intervalle. Il est probable que plusieurs phalènes et teignes, dont les mâles viennent si souvent se brûler aux flambeaux, ne reconnaissent leurs femelles, pendant la nuit, qu’à des lueurs faibles, dont nos yeux ne nous avertissent pas ; car tous les insectes nocturnes qui viennent se jeter ainsi à la lumière, au lieu de la fuir, montrent bien, comme les lampyres et les taupins qui font de même, qu'ils se cherchent entre eux au moyen de lueurs.

Enfin, en quelques circonstances, on a vu des scolopendres briller d'un éclat, soit électrique, soit phosphorique, selon de Géer et d'autres observateurs : telle est la scolopendra electrica d'Europe, et la scol. phosphorea observée en Asie par Ekeberg. Ces insectes venimeux fuient aussi le grand jour.

Ou peut donc établir que la phosphorescence chez les insectes, est due à une organisation propre à beaucoup d'espèces nocturnes, pour se reconnaître entre eux à l'époque de leurs amours, et que la matière gélatineuse ne jouit de cette lucidité que dans le temps de la grande vigueur de ces animaux; car elle s'éteint même avant leur mort, lorsqu'ils ont engendré. Quoique l'analyse chimique n'en ait point été faite, mais seulement des expériences sur cette lumière en divers gaz par Grotthuss, Carradori, Spallanzani, etc., on ne peut pas conclure que cette lucidité dépende du phosphore. On rencontre toutefois des phosphates de chaux et de magnésie dans les analyses de plusieurs insectes.

Les vers de terre ou lombrics, en certaines circonstances, et lorsqu'ils sortent pour s'accoupler, ont paru quelquefois phosphorescens (Voyez Flaugergues, sur le phosphorisme des vers de terre. ; Journal de Physique, tom. xvi, p. 311 ; et J.-G. Bruguière, Journal d’Histoire naturelle, tom. II, p. 267). On ignore la cause de ce phénomène, qui, néanmoins se retrouve principalement dans les amours des animaux.

Journal de pharmacie et des sciences accessoires, vol. 5, 1819



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