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Miscellanées

La Fontaine et la Punaise
Vel taceas, vel meliora dic silencio.
(Publius Syrus)

Prisant peu, comme on sait, et l'or et la grandeur,
Jean La Fontaine, simple et candide d'humeur,
Avait dormi sa nuit entière
Dans l'asile .modeste où l'avait attendu
Madame de la Sablière,
Lorsqu'au matin il se sentit mordu,
Près du talon, d'une étrange manière.

Il se réveille et tâte au membre endolori,
Quand, tout à coup, il voit se dresser devant lui,
Une Punaise enflée, infecte, téméraire,
Rouge de sang et de colère :

— « Ne cherche pas ailleurs, lui dit-elle, c'est moi
Qui viens te demander pourquoi,
Lorsqu'on ta vu chanter les frelons, l'araignée,
Et le traître serpent tranché par la cognée,
La cigale, la mouche, et même le ciron,
D'un insecte chétif misérable avorton,
Tu n'as pas dit un mot de l'illustre Punaise?
C'est en prendre bien à ton aise !
Je prétends te prouver, par mon retour fréquent,
Que le sujet à traiter est piquant. »

— « Oh non ! dit le bonhomme, affreuse bête, arrière ! »

Sur ces êtres, rebuts de la nature entière,
Fléaux de l'ordre social,
Dont on ne saurait dire et penser que du mal,
Le parti le plus sage est toujours de se taire.

Baron de Nyvenheim
Les Olympiades : album de l'Union des poètes, 1861-1862
[R]


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