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Miscellanées

Les insectes d'avant

LES ARCHITECTES ET LES MANGEURS DE VILLES

Si nous nous transportons dans les régions tropicales, où une nature plus vigoureuse multiplie partout les sources de la vie, nous voyons des Insectes disputer pied à pied les possessions de l'homme. C'est une guerre en règle qu'ils lui font, en envahissant ses plantations ou sa demeure, guerre acharnée, sans merci, et dont il faut parfois que le canon décide.
Tel est le cas du Termite belliqueux des environs du cap de Bonne-Espérance, qui a fixé l'attention de tous les voyageurs à cause de ses extraordinaires constructions et de ses dégâts.
Les Termites, que l'on désigne souvent sous le nom de Fourmis blanches, vivent en républiques composées de diverses sortes d'individus : les mâles, qui ont des ailes, et les travailleurs, les soldats et les reines qui n'en présentent pas.
Les travailleurs ne s'occupent que de la construction des  habitations.
Les soldats, n'ont pour mission que de défendre la colonie et d'y maintenir l'ordre.
Enfin, viennent les femelles, véritables Reines, adorées par  toute une population dont la reproduction leur est confiée.  Celles-ci ne sont que de monstrueux sacs à œufs, de véritables machines à pondre, d'une effrayante fécondité. Lorsque leur abdomen est gonflé de toute sa portée, il n'a pas moins de 2 000 fois plus d'ampleur qu'auparavant; elles ne peuvent plus le traîner, et restent désormais clouées à la même place. La ponte est si rapide qu'il semble une fontaine jaillissante d'œufs ; ce réceptacle à progéniture en lance soixante par  minute, 80 000 par jour!


Termites belliqueux. Soldat, travailleur, mâle et femelle gonflée d’oeufs


Les dimensions et la solidité des nids du Termite belliqueux  ont toujours fait l'étonnement des voyageurs, quand on les  compare à la faiblesse de l'Insecte. Ils offrent parfois jusqu'à vingt pieds de hauteur. Leur forme pyramidale leur donne l'aspect d'un pain de sucre colossal, élargi à la base, et dont  les flancs sont hérissés de petits monticules accessoires. Quand on parcourt les sites où les colonies de Termites abondent, dans le lointain on les prend pour des villages d'Indiens. Les murailles de ces demeures sont si solides que les Bœufs sauvages les gravissent sans les enfoncer, lorsqu'ils se placent dessus en sentinelle; et l'intérieur contient des chambres tellement vastes qu'il en est dans lesquelles une douzaine  d'hommes peut s'abriter. C'est souvent dans celles-ci que  les chasseurs se mettent à l'affût des animaux sauvages.  


Village de Termites belliqueux. D'après le mémoire de Smeatman.


Outre ces extraordinaires chambres on rencontre aussi, dans ces espèces de phalanstères, de longues galeries offrant  le calibre de la gueule de nos gros canons, et qui s'enfon-  cent jusqu'à trois ou quatre pieds dans la, terre.
Les monuments dont nous nous enorgueillissons, sont bien  peu de chose comparativement à ceux que construisent ces  frêles Insectes. Les nids des Termites ont une élévation qui dépasse souvent cinq cents fois la longueur de leur corps;  aussi a-t-on calculé que si nous donnions proportionnellement  la même hauteur à nos maisons, elles seraient quatre ou cinq fois plus élevées que la plus grande des pyramides d'Égypte.
D'autres Termites, au lieu de construire ces étonnantes habitations, s'occupent fatalement à attaquer les nôtres et les rongent parfois de fond en comble ; tout y passe, la maison et le mobilier. Ce sont d'insidieux déprédateurs, qui cheminent  sourdement sous le sol, et s'y pratiquent de longues galeries à l'aide desquelles ils infestent tout à coup nos demeures. Alors ils pénètrent dans toutes les charpentes et en rongent totalement l'intérieur, en ne laissant à leur superficie qu'une couche de bois de la minceur d'un pain à cacheter. Rien ne décèle  aux yeux leurs dégâts occultes ; on voit sa maison, on croit à son existence réelle, mais on n'en possède plus que le fantôme,  un château de cartes qui tombe en poussière au moindre ébranlement. Smeatman, qui nous a donné une si intéressante histoire de ces Névroptères, rapporte que parfois ils ont même détruit de grandes villes, qui avaient été abandonnées par  leurs habitants.   
Mistress Lee m'a dit que, dans les parages de l'Afrique où  elle a séjourné, les Termites ne mettent qu'un temps fort court pour dévorer entièrement une habitation. Un escalier d'une  assez bonne dimension, est mangé en une quinzaine de jours ; des tables, des fauteuils et des chaises, en beaucoup moins.  La célèbre voyageuse m'a assuré qu'à Sierra-Leone, souvent, en rentrant chez soi après une courte absence, on ne retrouve plus que l'ombre de son mobilier. L'extérieur possède encore toute sa fraîcheur, mais le cœur manque, et chaque pièce creusée se pulvérise sous la main qui la touche ou sous la personne qui s'assied.


Habitation de Termite des arbres. Du Muséum dc Kouen.


Au lieu de ces dômes coniques ornementés de clochetons et rassemblés en villages au milieu des plaines, quelques espèces de ce groupe, et tel est le Termite des arbres, se plaisent à suspendre leurs nids au milieu des grosses branches des plus vigoureux végétaux. On est vivement frappé de leur masse aérienne mêlée au feuillage des arbres, car il en est qui ne  sont pas moins gros que nos barriques à vin. Ces nids, extrêmement poreux, offrent à l'intérieur un inextricable labyrinthe de tortueux canaux ; ils sont formés d'une gangue ou pâte  compacte composée de fines parcelles de bois, de gomme et de  sucs de plantes.   
Depuis un certain nombre d'années, deux espèces de ce genre se sont établies en France, où elles causent d'assez notables dégâts dans quelques-uns de nos départements méridionaux, ce sont le Termite lucifuge et le Termite des Landes ; leur introduction ne paraît guère remonter au delà de 1780.  
Les dévorantes cohortes du Termite lucifuge ont envahi Rochefort, la Rochelle, et Aix où leur dent a complètement miné un certain nombre de maisons, qui se sont écroulées. A une époque, ces détestables déprédateurs s'étaient mis à ronger la préfecture de la Rochelle et ses archives, sans qu'on  s'en doutât ; boiseries, cartons, papiers, tout s'anéantissait sans  qu'aucune trace de dégâts parût à l'extérieur. Aujourd'hui on ne préserve les papiers des bureaux qu'en les conservant dans  des boîtes en zinc.   
A Tonnay-Charente, des Termites ayant rongé les supports d'une salle à manger sans qu'on s'en fût aperçu, pendant un repas, le plancher s'effondra, et l'amphitryon et ses convives  passèrent au travers.   
Dans les régions tropicales, certaines Fourmis ne sont pas moins redoutables que les Termites dévorants. Elles n'anéantissent pas nos habitations, mais envahissent les champs et y élèvent d'énormes fourmilières, qui ressemblent à autant de monticules de quinze à vingt pieds de hauteur. Là elles les multiplient à un tel point sur certaines plantations, que le colon est forcé de les abandonner. Quelquefois, cependant, celui-ci résiste aux envahisseurs, leur déclare une guerre d'extermination et incendie leurs établissements à l'aide de substances combustibles. Parfois même, c'est avec l'artillerie chargée à mitraille, qu'on renverse les hauts remparts de ces Fourmis et  qu'on en disperse les décombres et les architectes.   
Ainsi, c'est avec le canon que l'homme est obligé d'attaquer  un Insecte !
D'autres fois, c'est même avec la Mine. C'est ce que l'on est  contraint de faire pour certaines Fourmis ailées des contrées tropicales, qui enfoncent leurs nids jusqu'à vingt-cinq pieds dans le sol. Et ceux-ci sont tellement compactes et tellement  solides, qu'on ne peut les faire sauter qu'à l'aide de la poudre, et en bouleversant tout le terrain. Ch. Müller rapporte qu'au Brésil, des provinces entières des bords du Parana ont été de  cette façon transformées en espèces de déserts.  


In F.-A. Pouchet, L'univers : les infiniment grands et les infiniment petits. Hachette, Paris, 1868

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