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Fiche pédagogique

Acariens et Insectes du Lierre

par Remi Coutin

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En bas de page, une série d'illustrations. Ci-dessous la fiche synoptique (cliquer pour agrandir)

En France, le Lierre (Hedera helix), liane ligneuse grimpante grâce à ses racines adventives, est le seul représentant de la famille des Araliacées, famille qui comprend environ 800 espèces tropicales et subtropicales, souvent de grande taille. Parmi les genres les plus connus en raison de leur usage ornemental, on peut citer : Acanthopanax, Aralia, Dizygotheca, Fatshedera, Fatsia, Oreopanax, Schefflera...

Au XIVe siècle, lierre s’écrivait lyere, terme qui provenait de l’ancien français : « ierre » (XIIe) qui était une forme évoluée de « iedre », précédée avant l’an 950 de « edre ». Ce mot était issu du latin hedera ou edera, tiré du verbe haerere : être attaché, saisir, d’où adhérer, adhésion, cohérence, incohérence, etc. et de sa variante hendere : prendre, saisir, que l’on ne rencontre plus en français que dans le verbe appréhender et le substantif appréhension.

[R] Des acariens sur les feuilles

Parmi les arthropodes présents sur le Lierre et qui vivent le plus souvent aux dépens de son feuillage, il faut citer l’Acarien du Lierre, Bryobia kissophila (grec : kissos = Lierre). Avec ses chélicères, il perfore la cuticule, puis aspire le contenu d’une ou plusieurs cellules, ce qui entraîne l’apparition de minuscules taches argentées bientôt confluantes, suivie du jaunissement des feuilles. Les populations de cet acarien ne présentent jamais de mâles, mais seulement des femelles parthénogénétiques engendrant 5 à 8 générations qui se succèdent et se superposent. Bryobia kissophila ne présente pas de diapause hivernale, il est donc présent presque toute l’année. Il mesure 0,7mm à la fin de sa croissance. Les femelles déposent leurs œufs sur les supports de palissade ou les murs, très rarement sur le Lierre lui-même. Sa couleur brun rougeâtre ne le rend pas très visible. Cet acarien ne tisse jamais de toiles comme le Tétranyque tisserand.

Parfois d’autres acariens sont présents sur le Lierre : le Tarsonème commun, Phytonemus pallidus (+), est une espèce principalement nuisible en serres sur de nombreux végétaux d’ornement pouvant toutefois survivre à l’extérieur. Les feuilles attaquées ridées et décolorées sont cassantes, les plus jeunes feuilles s’incurvent, parfois les boutons floraux sont rabougris : une espèce voisine, le Tarsonème des serres, Polyphagotarsonemus latus, d’origine tropicale, colonise la face inférieure des feuilles qui se décolorent, étant particulièrement nuisible aux Fatsia dont les feuilles sont plus tendres que celles du Lierre.

[R] Des Homoptères polyphages

Aspidiotus hederae, la Cochenille du Lierre, est reconnaissable à son bouclier circulaire bistre, mat et uniforme qui recouvre un corps d’une vive couleur jaune citron. C’est une espèce très polyphage, presque strictement méridionale qui forme des manchons autour des tiges. Une autre cochenille, à carapace celle-ci, Coccus hesperidum, très plate, de couleur jaune à brun clair, très polyphage, se développe sur de nombreux végétaux ligneux d’ornement. Elle est vivipare et parthénogénétique. Elle rejette un abondant miellat, recherché par les fourmis et rapidement envahi de fumagine, ce qui nuit à l’aspect ornemental du Lierre et diminue fortement la vigueur de sa croissance. Comme son nom scientifique l’indique, Aphis hederae, le Puceron du Lierre, colonise les jeunes feuilles et les pousses de tous les Lierres, quelle que soit leur situation. A l’extérieur, il hiverne généralement à l’état d’oeuf.

[R] De nombreux Lépidoptères

Parfois les feuilles sont endommagées par les chenilles de deux Tordeuses polyphages. La première, Cacoecimorpha pronubana, communément appelée Tordeuse de l’œillet, est présente à l’extérieur, même dans les régions septentrionales. A l’état de papillon, elle est reconnaissable à ses ailes postérieures de couleur orangée. Les œufs sont déposés groupés en ooplaque. La chenille est vert olive ; elle s’abrite dans un repli de feuille tendre, retenu par un tissage rudimentaire où la nymphose a lieu. Une espèce voisine de la précédente, Lozotaenia forsterana, est moins connue, quoique fort répandue en Europe. Les chenilles commencent leur croissance en automne ; elles hivernent et reprennent leur activité et leur croissance au mois d’avril, abritées entre deux ou plusieurs feuilles solidement retenues avec des fils de soie. Après la nymphose, on constate la présence des papillons en juin-juillet. Cinq autres Lépidoptères polyphages affectionnent aussi le Lierre : trois Géomètres, une Noctuelle et une Lycène. La Larentie verdâtre, Acasis viretata, est une arpenteuse à répartition septentrionale. Le corps de la chenille est vert clair avec trois lignes roses dorsales discontinues ou bien une série de taches cunéiformes rose pourpré. Outre le Lierre, on la rencontre aussi sur le Houx, le Troène, le Cornouiller sanguin, la Viorne obier... Il y a une ou deux générations annuelles, la première en juin-juillet issue œufs pondus en juin et la seconde provenant des imagos apparus en août-septembre. Cette seconde génération ne donnera des papillons qu’en mai l’année suivante. En automne, les jeunes chenilles consomment surtout les boutons floraux et les fleurs ; au printemps, lors de leur reprise d’activité, elles consomment les plus jeunes feuilles. La nymphose a lieu dans le sol. La Phalène du sureau, Ourapteryx sambucaria, a une allure de papillon de jour, d’un très beau jaune clair, avec une courte queue à chacune des ailes postérieures ; elle se rencontre partout. La chenille, immobile le jour, le corps tendu, rectiligne et en position oblique est brune à vert olive ; elle mime une brindille. Il n’y a qu’une génération annuelle, la fin de la croissance a lieu début juin ; elle tisse un cocon avec des débris de feuilles accolées sous une branche. Les œufs groupés sont pondus en juillet ; les larves hivernent et reprennent leur activité au printemps. Cette espèce se rencontre sur d’autres plantes nourricières comme l’Aubépine, le Prunellier, le Sureau noir, le Troène, le Lilas et le Chèvrefeuille.

Une troisième espèce de phalène, la Boarmie ou Phalène à losanges, Peribatodes rhomboidaria (+), est présente dans toute la France, dans les haies et les sites boisés, avec une ou deux générations annuelles, selon les régions. Des œufs, pondus au mois d’août, sortent des chenilles qui s’alimentent puis hivernent pour ne terminer leur croissance qu’au printemps. Elles s’alimentent aussi d’Aubépine, de Bouleau, de Troène, de Lilas, de Chèvrefeuille ainsi que de Frêne et de Chêne. Les cocons sont tissés sur les branches de la plante nourricière. Le papillon est brunâtre, marqué de lignes plus sombres ; il vole de mai à septembre.

La Maure, Mormo (Mania) maura est une noctuelle ainsi désignée du fait de sa coloration très sombre. Elle vole au crépuscule en juillet-août. Il n’y a qu’une génération annuelle, d’abord sur plantes basses, puis au sortir de l’hiver sur végétaux ligneux ; en effet, les chenilles hivernent avant de terminer leur croissance l’année suivante et de se nymphoser dans le sol début juin. Les plantes-hôtes sont le Pissenlit, le Plantain, les Oseilles mais aussi l’Aubépine, le Prunellier, le Bouleau et le Saule.

Seul papillon de jour à se développer sur le Lierre, l’Argus à bande noire, Celastrina argiolus, est présent partout en France dans les bois clairs, les jardins et même en ville. Il y a deux générations annuelles. Les œufs sont pondus en été. Les chenilles vertes consomment les boutons et les fleurs ainsi que les haies non encore mûres ; elles se nourrissent aussi de Fusain, de Houx et de Robinier. Les chrysalides hivernent. Les papillons volent en avril-mai et ceux de la deuxième génération en juillet-août.

[R] Des charançons plutôt méridionaux

On pourra trouver un Otiorhynque de grande taille (14 mm), Otiorhynchus ghiliani de couleur sombre dont les téguments sont couverts d’une courte pubescence gris roussâtre et dont les élytres sont prolongés en courte pointe à leur extrémité. Ce charançon est fréquent sur le Lierre en Provence. La nuit, il découpe très irrégulièrement le bord des feuilles, mais on connaît très mal sa biologie. Un second charançon à museau, Liophlaeus tessulatus, de forme ovale, présente un revêtement dorsal de squamules qui donne à cette espèce un aspect très particulier, comme celui des tuiles d’un toit, ce qui lui a valu le nom de tessulatus. L’adulte est nocturne et printanier, il entame le bord des jeunes feuilles pour s’en nourrir. Curieusement, la larve consomme les racines de la Grande Berce, Heracleum sphondylium, et probablement celles d’autres Ombellifères. Un troisième charançon, lui aussi méridional, de petite taille (3 à 4 mm), de couleur noir mat, appartient à la tribu des Calandrinés : c’est Dryophtorus corticalis, qui se rencontre fréquemment dans les galeries de la Fourmi noire des bois, Dendrolasius fuliginosus, fourmi corticole du groupe des Lasius qui élèvent des pucerons. Ce mode de vie n’implique pas nécessairement des habitudes myrmécophiles, mais un simple commensalisme accidentel résultant de l’envahissement par ce type de fourmi d’un habitat favorable à un même régime alimentaire ; en effet la larve de ce charançon se développe dans le bois carié du Lierre et de quelques arbres : Pin, Chêne, Saule. De son côté, Dendrolasius fuliginosus construit de toutes pièces, dans de vieux arbres creux et à l’aide de particules de bois tombées en poussière mélangées à sa salive, des cloisons entrecroisées lui permettant d’élever des pucerons de grosse taille comme les Lachnus longirostris qui se développent en pompant la sève des parties de l’aubier encore vivantes. Comme la floraison automnale et préhivernale du Lierre est abondante et tardive, cette plante constitue aussi une aubaine pour les derniers butineurs encore en activité : Vanesses qui s’apprêtent à hiverner, Abeilles et Bourdons.

[R] Pour en savoir plus


[R] Illustrations (cliquer sur les vignettes pour agrandir)

  1. Cochenille du lierre, Aspidiotus hederae : individu femelle dont le bouclier surélevé montre le corps jaune. (Cliché R. Coutin)
  2. Colonie de la cochenille polyphage Lecanium hesperidum. (Cliché R. Coutin)
  3. Charançon, Liophlaeus tessellatus. (Cliché R. Coutin)
  4. La Tordeuse de l'oeillet, Cacaecimorpha pronubana, espèce polyphage aux dépens de nombreux végétaux. Individu mâle. (Cliché R. Coutin)
  5. Id. Individu femelle. (Cliché R. Coutin)
  6. Larve de la Noctuelle Morpho maura. (Cliché R. Coutin)
  7. Parmi les nombreux butineurs, la Vanesse vulcain, Vanessa atalanta, est très fréquente en fin de saison. (Cliché R. Coutin)

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