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Entomoactive sur la Toile : Bernadette Cassel

Sur la Toile – section francophone d’Internet – de nombreuses ressources documentaires en textes, photos, vidéos, sons… sur les insectes (et leur environnement) sont mises à disposition des internautes par des individus, hors institutions – et ce gracieusement. Insectes a repéré ces cyberbénévoles et entreprend de présenter les plus intéressants
...En une courte page, rédigée par Alain Fraval. Le texte brut de la présentation de B. Cassel – avec des explications beaucoup plus développées sur les aspects techniques et un exposé de ses motivations notamment - est transcrit sur cette page, à la suite de l'article paru dans Insectes n° 172 (1er trimestre 2014).



Scoop.it
: tableau général

Bernadette Cassel, ancienne enseignante, naturaliste, animatrice du forum Le Monde des insectes sur Internet  jusqu’à tout récemment, collecte, trie, range et présente de façon attrayante « Les insectes et autres arthropodes dans l’actualité scientifique, les sites et blogs spécialisés ». Elle est « médiatrice d’actualités entomologiques ».
Elle nourrit tous les jours 6 « magazines » illustrés à lire sur écran : Variétés entomologiques (publications, annonces, curiosités), Entomonews (le plus ancien – Dernières nouvelles des insectes, collemboles… une sorte de revue de presse), Insect Archive (articles, documentation, matériaux didactiques… en français et en anglais), Les colocs du jardin (de son jardin au départ - des plantes pour les insectes, des insectes pour les plantes), Entomoscience (parti d’un blog sur les Membracides - Mieux comprendre la biologie des insectes) et Au fil des associations.
La quantité et la qualité des informations fournies impressionnent, ainsi que la régularité des mises à jour des sites. Encore plus lorsqu’on apprend qu’elle y consacre en moyenne au plus 3 heures par jour. Le secret : des outils logiciels qui colligent les news, les tweets, les alertes automatiques de Google, les signalements de correspondants, des discussions sur les réseaux sociaux, les articles de blog… tout ce qui parle de près et de loin d’insectes (au sens large) en français et aussi en anglais – qui vient d’être mis en ligne.
Pour glaner tous ces éléments, des robots fouineurs et organisateurs: outre Google Alerts (puissant et stupide), Speed Dial, Netvibes, Pearltrees… qui sont des assistants efficaces à condition de bien les aider. La masse d’informations est énorme et le tri, le choix, la réécriture, la traduction éventuelle restent l’apanage de la curatrice.

Scoop.it par @collemyria
Bernadette Cassel pratique la curation par le moyen d’une plate-forme de curation. Un mot nouveau (venu tel quel de l’anglais) à retenir qui signifie sélection, édition et partage de contenus. Et une activité indissociable du logiciel Scoop.it qu’elle a découvert et apprivoisé alors qu’il était en expérimentation, aidée par la communauté des curateurs. Une fois bien paramétré (sources internautiques, mots clés), il fonctionne un peu comme un moule dans lequel on coule le texte (souvent un extrait ou une reprise) et l’illustration. Pour l’internaute, ses pages offrent sur 2 colonnes une présentation impeccable et dynamique de son contenu, une sorte de quintessence des informations trop disparates, nombreuses et peu accessibles qui nourrissent l’« infobésité » que l’on reproche à Internet.

Pour un accès facile
Toute l’actualité des insectes  est ainsi proposée bien triée, bien présentée, sur vos écrans, petits et grands, fixes et mobiles. L’adresse directe est  www.scoop.it/u/bernadette-cassel. Les mises à jour des 6 magazines sont annoncées sur Twitter : il suffit de s’abonner à @collemyria ; c’est gratuit et pas invasif. On peut si l’on préfère utiliser Facebook (https://www.facebook.com/bernadette.cassel).
Insectes n° 172      A.F.

Une "tranche" d'
Entomonews sur Scoop.it



Twitter


Bernadette Cassel s’est exprimée en réponse à nos questions.

Comment arrivez-vous à tenir ces 6 "magazines" ?

Cela s’est fait progressivement, en même temps que je me familiarisais avec la pratique de la curation. La curation consiste à sélectionner, éditer et diffuser des contenus.

Scoop.it était en phase d’expérimentation auprès d’un public restreint au moment où je l’ai découvert. C’était en visitant les blogs d’un collègue enseignant et ami que je venais de retrouver sur Twitter. Et cela m’est tout de suite apparu comme l’outil idéal.

J’ai commencé par EntomoNews, une revue de presse sur les insectes, et dans le même mouvement, j’ai créé Variétés entomologiques pour publier les annonces d’événements naturalistes, signaler les différentes publications autour de l’entomologie, bref, tout ce que je faisais déjà sur le site insecte.org.

Puis les « colocs du jardin » sont arrivés, un petit plaisir que je m’accordais, car il s’agissait de mon jardin et de mes insectes, avec l’idée tout de même de faire connaître l’existence du forum et des possibilités qu’il offrait à toute personne désireuse elle aussi de faire connaissance avec ses colocataires. Ce blog n’est pas resté longtemps dans les limites de mon jardin, car de nombreux internautes parlaient eux aussi dans leurs blogs de leur coin de nature avec insectes. Je leur ai fait tout naturellement une place dans le mien. Cette place est devenue de plus en plus grande, puisque maintenant je partage des actualités, des documents, des articles de fond sur l’écologie, les jardins collectifs, la biodiversité en ville, le respect des sols, tout ce qui traite d’environnement, de la prise en compte du vivant et donc des insectes. 

Parallèlement, il y a eu la rencontre avec les blogs scientifiques. L’un d’entre eux, qui faisait une part belle à la biologie, me séduisait particulièrement, et son auteur a accepté que j’édite l’un de ses billets sur les membracides. Je l’ai publié par petits épisodes dans Scoop.it. Il fut suivi par quelques autres. Nous avons choisi ensemble le titre de ce compte. Ce fut EntomoScience. Maintenant le blog est alimenté à partir de nombreuses autres sources, dont, et ce n’est pas la moindre, la revue Insectes qui numérise, comme on le sait, un nombre considérable d’excellents articles et les met à disposition sur son site.

Plus mon activité a pris de l’ampleur et plus je me suis trouvée confrontée à l’abondance des sources d’actualités en anglais. Mes années d’enseignement m’avaient ouverte à beaucoup de pratiques, mais pas à celle de traduire de l’anglais scientifique. Je pouvais bien évidemment choisir d’ignorer tout ce qui était en anglais, et attendre qu’un journaliste le voie et s’en occupe, mais parfois j’attendais longtemps. J’ai alors décidé de créer le cinquième compte que j’ai intitulé « Les insectes ne parlent pas français » ! Je me suis très vite aperçu que ce compte ne correspondait à aucun public… qu’en fait c’est à moi qu’il servait, j’y mettais de côté des articles plus anciens, des liens vers des sites thématiques, des sources de documentation. Il a suffi que je suive cette direction, et ce compte s’intitule à présent Insect Archive. C’est devenu mon lieu d’archivage, je l’alimente avec des articles plus ou moins récents, des sources documentaires pour l’enseignement, des liens vers des bases de données, des fiches thématiques, des synthèses, des sujets de réflexion…

Le compte dernier-né, Au fil des Associations, est destiné à mettre l’accent sur ce qui est omniprésent mais souvent caché derrière l’actualité : l’action associative. J’ai voulu lui réserver un lieu dédié. Ce compte n’en est qu’à ses débuts, mais il devrait me permettre de ne pas surcharger mes autres sujets, tout en valorisant l’aspect citoyen qui émerge de façon parfois trop discrète dans les problématiques liées à la science ou à l’environnement. L’ouverture de ce sixième compte m’oblige cependant à constater que j’atteins une limite, celle de mon temps disponible… Pour l’instant il est donc alimenté de façon sporadique.


Où puisez-vous la matière ?

La matière vient à moi toute seule. Il suffit que je parcoure mes sources. Scoop.it est l’outil idéal de surveillance du web, configurable et utilisable de façon très fonctionnelle.

J’ai aussi quelques autres programmes que j’utilise en parallèle :

-    Speed Dial, un programme de visualisation de pages web dans lequel j’ai créé une trentaine d’onglets. Chaque onglet s’ouvre sur une page remplie de petits rectangles dont la grandeur varie selon le nombre de lignes et de colonnes qu’on y indique. Certains de mes onglets ont 8 ou 9 cases, d’autres 42, 6 lignes sur 7 colonnes… Chacune de ces petites cases est une fenêtre dans laquelle s’affiche un aperçu de la page web que je lui ai attribuée. Une sorte de bibliothèque du web, bibliothèque qui s’actualise automatiquement, puisque les pages se rechargent à la demande ou selon un automatisme prédéfini ;

-    Netvibes, agrégateur de flux RSS bien connu, j’y ai 9 tableaux selon 9 thèmes différents, axés principalement sur la science ;

-    Firefox, et ses onglets de navigation, tous remplis à bloc de liens divers. Je n’ai jamais cherché à savoir combien il y en a, je perdrais trop de temps à les compter ! Car chaque onglet permet d’empiler des sous-dossiers de sous-dossiers de dossiers… C’est très pratique et surtout très modulable, alors je module, je crée, je déplace, je modifie je nettoie en permanence tout ce petit matériau ;

-    Pearltrees, une présentation qui rend visible à l’infini la hiérarchie que l’on donne à ses dossiers de liens. Cela se présente sous formes de perles. Je l’utilise plutôt pour conserver durablement des archives sur toutes sortes de sujets : il y a tout le forum insecte.org, avec son arborescence, il y a de l’enseignement, de la biologie, des MOOC… ;

-    Google Alert, qui fonctionne sur des mots-clés et permet d’être averti par mail pour chaque utilisation de ces mots sur le web, une fois ou plusieurs fois par jour, selon la fréquence désirée. Je l’ai abandonné, car je perdais trop de temps à jeter les liens non pertinents qui m’arrivaient d’après des mots-clés auxquels je ne pouvais pas non plus renoncer s’agissant de noms d’insectes. Il est étonnant de constater à quel point les noms d’insectes peuvent être utilisés dans toutes sortes d’expressions courantes mais aussi  par des entités très diverses qui n’ont rien à voir avec l’entomologie… J’ai remplacé ces alertes mail par une simple page de recherche Google que j’ai placée dans Speed Dial et qui comporte les mêmes mots-clés. C’est plus rapide à parcourir et il n’y a pas besoin de jeter ce qui n’est pas pertinent, il suffit d’appeler une nouvelle page tous les jours pour savoir tout ce qui est arrivé sur les dernières 24 heures.

La matière vient aussi pour une grande part des réseaux sociaux et des partages d’informations qui s’y pratiquent continuellement. C’est une façon très vivante de se tenir au courant de l’actualité. Je finis par connaître les comptes sur lesquels je peux m’appuyer, les personnes sur lesquelles je peux compter, dont je  partage les intérêts ou qui partagent les miens, ce qui est assez  stimulant. 

Sans oublier quelques newsletters qui arrivent dans la boîte mail tous les jours, semaines, quinzaines, mois, ou de façon ponctuelle, selon leur périodicité et leur régularité.


Triez-vous les infos ?

Oui. J’en ai beaucoup trop. Je dois me frayer un chemin parmi toute cette masse d’informations, et il n’est pas question de tout explorer à la fois.

Mon fil conducteur, c’est le thème de chacun de mes cinq comptes principaux (actu insecte / divers actu / science / documentation / environnement). Mon objectif est de trouver au moins une actu par jour dans chacun de ces cinq comptes. Mes deux points de départ habituels, ce sont d’une part les diverses interactions avec ceux de mes abonnés qui ont des centres d’intérêt proches des miens, et d’autre part la page de recherche Google Actualités des dernières 24 heures.

Si un site porte mention d’une interdiction, je l’évite. Si malgré tout il est porteur d’une info qui me paraît importante, j’essaie de trouver l’info équivalente à partir d’une source qui n’empêche pas le partage. Si je vois un site clignoter de partout sans que je ne puisse rien faire, je fuis — étant attentive à mon confort visuel et à celui des lecteurs qui suivront mon lien. Idem pour les vidéos qui s’ouvrent de façon intempestive, les contenus publicitaires un peu trop voyants, etc.


Dans quelle mesure vous intervenez sur leur présentation, qu'apporte l'outil Scoop.it ?

Ce qu’apporte l’outil Scoop.it, c’est avant tout un grand confort technique. Lorsqu’on a fait l’expérience de tout façonner à la main comme je l’ai fait sur le forum insecte.org — recherche, tri, choix, présentation, mise en forme —, on apprécie énormément les possibilités offertes par Scoop.it.

C’est très simple à configurer. Il suffit au départ d’y entrer des mots-clés comme pour un agrégateur. Chacun de mes comptes est paramétré séparément selon les termes que j’y ai entrés et selon les sources que j’ai décidé de sonder, news, blogs, vidéos, flux RSS, Twitter, YouTube, SlideShare ou même… Scoop.it, qui cherche les mots-clés dans lui-même. On peut aussi suivre des listes ou des comptes à l’unité. Je limite la recherche dans le temps, c’est-à-dire que je n’accepte que les résultats de moins d’un mois, on ne peut pas faire moins. Les propositions arrivent automatiquement, il suffit de les faire défiler et de cliquer sur un bouton ‘Publier’ lorsqu’on décide d’en retenir une.

Une fenêtre, alors, s’ouvre. Un cadre pré-formaté s’affiche avec l’article tel qu’il apparaîtra dans le blog. Tous les champs sont déjà remplis automatiquement : le titre, l’image s’il y en a une et un extrait quelconque de l’article. Il est possible d’intervenir sur chacun de ces trois éléments pour les modifier. Ce que je fais généralement. Soit pour mettre en valeur le passage où l’on parle d’insecte, soit pour ajouter des références (l’étude ou la source de l’info), soit pour sélectionner une image adéquate. Bref, pour harmoniser ce nouvel article avec ma ligne éditoriale. S’il s’agit d’un article en anglais, je m’efforce toujours de traduire un petit passage, ne serait-ce que pour le titre.

J’interviens directement sur le corps de l’article (l’extrait) uniquement pour corriger des fautes d’orthographe, des erreurs de saisie, d’espaces, des majuscules, minuscules ou italiques en ce qui concerne les noms d’espèces. Tout le reste est du cas par cas. Si dans l’article que je partage des mentions me paraissent douteuses ou inexactes, je les vérifie. Mais je ne me permets pas de modifier du texte. Je sélectionne simplement les parties utiles et pertinentes de l’article d’origine. Je signale l’endroit de ma coupure avec des crochets, ainsi que mes ajouts éventuels. Lorsque j’ai besoin de compléter un scoop, je le fais dans une partie réservée au curateur appelée insight, placée juste sous la partie texte. Mais cet espace réservé à l’insight n’étant pas accessible au moteur de recherche interne de Scoop.it, je préfère ne pas y insérer des éléments que je pourrais vouloir retrouver ensuite en faisant une recherche. J’interviens donc plutôt dans la zone texte du scoop lui-même que je sépare en deux avec un grand trait et je place mon complément d’info sous le trait.

Scoop.it apporte aussi une dimension sociale. C’est un réseau humain, un lieu de rencontre  avec d’autres curateurs. Ils sont tous à leur manière des passionnés. Ils œuvrent autour d’une thématique en lien, d’après ce que je peux juger, avec leurs intérêts propres, aussi bien dans le cadre de leur métier que par motivation personnelle, parfois les deux. Certains apparaissent comme des indépendants, d’autres exercent un job au sein d’un organisme, d’une association, d’une entreprise, ce sont des community managers  —  terme qui désigne ce qu’on appelait auparavant les chargés de relations publiques, à mi-chemin entre le journalisme et le mécénat d’entreprise. On y croise naturalistes, enseignants, formateurs,  chercheurs — le plus souvent anglophones —, écologistes, apiculteurs, jardiniers, acteurs du monde associatif, experts du numérique, amoureux d’une région, d’un pays, amateurs d’art, d’histoire, de langues, de littérature, et bien d’autres.

Tout cela n’est pas très éloigné finalement de ce que je faisais auparavant, les élèves en moins ! En effet, l’enseignement est un milieu où l’on est habitué à collecter, organiser et mettre en forme des documents de toutes sortes à partir de fiches, revues, ouvrages pédagogiques, manuels… On échange avec les collègues tout ce qu’on glane à longueur de temps pour préparer sa classe, préparer son cours, tout cela circule, se photocopie, se commente. La seule différence étant que maintenant cela passe par le numérique. Et qu’il y en a beaucoup plus à gérer en quantité.

En cela, Scoop.it permet justement d’apporter une réponse à ce que certains nomment l’infobésité. Il y a trop d’informations partout et on ne sait plus quoi en faire. Sur la thématique des insectes, en l’occurrence, il y a une multitude d’éléments de connaissance accessibles sur la Toile. Or chacun d’entre nous dispose d’un temps limité et il n’y a pas toujours de bonne solution face à cette abondance d’informations. Soit on se cantonne à certains lieux que l’on connaît, site, blog, forum, où l’on navigue un peu en milieu clos, soit on s’ouvre à tout en explorant d’un coup le vaste web mais sans trop savoir ce que l’on trouvera ou ce que l’on aura le temps de trouver. La curation se situe quelque part entre les deux. Le curateur joue le rôle d’intermédiaire. Il explore une thématique pour en offrir ce qu’il juge de plus pertinent. Il y apporte son expertise par la connaissance qu’il a de sa thématique, et par le savoir-faire qu’il acquiert au fur et à mesure de son expérience de la curation.


Et Twitter et Facebook ?

J’utilise surtout ces deux réseaux sociaux en lien direct avec ma curation. Les données personnelles que j’y ai ajoutées sont certes d’ordre biographique, mais elles sont utiles dans le sens où elles permettent à ceux qui me lisent et ne me connaissent pas de savoir de façon sommaire mais précise qui je suis.

Pour autant je ne considère pas ces réseaux comme des vitrines, mais avant tout comme des lieux d’échange, où chaque individu peut interagir avec d’autres. Chacun peut entrer en relation privée ou non avec autrui, selon la façon dont  les accès sont configurés de part et d’autre. Il m’arrive ainsi d’avoir des échanges intéressants et parfois pointus avec toutes sortes de personnes qui entrent en contact avec moi ou avec qui j’entre en contact, qu’ils soient entomologistes ou pas. Je suis surprise et ravie de la diversité des gens que j’ai rencontrés de cette façon. Je reçois des avis, des commentaires, des demandes de précisions, des remerciements, et même des compliments ! On me demande parfois de diffuser un événement, une étude, une découverte… Tout cela m’encourage à continuer. Au début je croyais que les insectes n’intéressaient que peu de monde et que mon cercle allait être très restreint.  Or je constate que le nombre de mes abonnés est en progression constante. Début mars, au moment où j’écris, ils sont plus de 900 sur Twitter.


Et quelle charge de travail ça représente ?

C’est très varié, cela dépend de la facilité avec laquelle je trouve des sujets qui me paraissent intéressants. Ensuite, il y a le travail de vérification et d’édition.

C’est plus ou moins rapide selon la fiabilité de la source, selon qu’il faut ou non chercher soi-même l’origine d’une étude ou d’un article, selon que l’on veut vérifier ou non les correspondances avec des sujets identiques sur Google, ou des sujets déjà partagés sur Scoop.it, s’assurer que le sujet n’a pas été traité sous un angle plus intéressant à un autre endroit,  choisir, parfois mêler deux sources qui se complètent l’une l’autre, décider sur laquelle pointera le lien du scoop, éviter les doublons stricts, parcourir d’immenses listes de la même actu en anglais et constater qu’il n’y en a pas une seule en français, se résoudre à l’anglais, chercher l’article le plus clair à comprendre et à traduire, chercher quelle image va le mieux l’illustrer…

Donc, parfois, c’est très long. Mais ce travail est un plaisir pour moi. J’aime lire, j’aime chercher, j’aime partager ce qui m’intéresse, j’aime ce qui est bien présenté et j’aime le sentiment de satisfaction que procure le travail bien fait. Trois heures par jour me paraît une bonne moyenne. Mais le jour où je n’ai qu’une heure à ma disposition, tout sera fait en une heure ! En tout cas, même si le temps est une contrainte, cette activité n’est jamais une charge pour moi, ou alors une charge à laquelle je suis impatiente de revenir tous les jours !


Quel public visez-vous ?

Tout au début, je m’adressais exclusivement à un public d’entomologistes puisque je sévissais sur le forum insecte.org. Mon idée était d’y créer une sorte de lieu généraliste dans lequel auraient été rassemblées toutes les nouveautés et les informations scientifiques sur les insectes, au lieu qu’elles soient éparpillées ici ou là dans chacun des différents sous-forums correspondant aux ordres d’insectes. L’un parlait d’une découverte sur les punaises dans le forum Hétéroptères, l’autre parlait des abeilles dans le forum Hyménoptères. Et quelqu’un comme moi qui aurais voulu tout savoir devait consacrer un temps considérable à lire des contenus non pertinents et souvent bavards avant de trouver telle ou telle actualité intéressante. C’est de cette façon que tout a commencé. J’ai voulu créer ce qui n’existait pas et que j’aurais été contente de trouver moi-même si quelqu’un d’autre avant moi l’avait fait.

C’est exactement la définition que je donne à mes comptes Scoop.it actuels. Ma place normale de fan d’insectes et d’actualités scientifiques, elle est dans le public. Donc si je m’interroge sur le genre de public que je vise, la réponse est facile à donner : le public c’est tous ceux qui ont comme moi envie de savoir ce qui se passe d’intéressant chez les insectes.

Face à ce critère très large, il n’y a pas d’âge, pas de catégorie, d’aucune sorte. Enfant, adulte, public averti ou moins averti, chacun est libre de regarder où il veut, d’éviter ou pas ce qui ne le concerne pas, ce qu’il juge trop simple, ou trop compliqué, chacun peut choisir de ne parcourir que les titres ou les résumés, de regarder juste les images ou de cliquer sur tous les liens pour prendre connaissance des sujets dans leur intégralité.

Aucun public en particulier, donc. Mon souci n’est pas de vulgariser. Je prends les sources comme elles sont, je laisse aux auteurs des articles que je partage, des journalistes, des scientifiques, des vulgarisateurs, des blogueurs, le soin de mettre leur contenu à la portée du plus grand nombre ou au contraire de le destiner à un public spécialisé. Mon parti pris est d’assumer la diversité des sources et d’offrir une veille thématique la plus large possible. Chacun puise ce qu’il veut. La notion de grand public ne représente rien pour moi. Tout le monde a besoin de stimulations intellectuelles, n’importe lequel d’entre nous se lasse s’il se voit rabâcher les mêmes évidences chaque fois qu’une instance quelconque estime devoir le sensibiliser à tel ou tel aspect d’une problématique censée l’intéresser. Il suffit au contraire d’un rien, d’un hasard, d’un détail qui attire notre attention pour que la réflexion s’enclenche d’elle-même et suive des pistes inexplorées. C’est là le genre d’effet que j’apprécie pour moi, c’est celui que je cherche à donner.  


Et que vous en disent les "retours" ? Combien touchez-vous de lecteurs ?

Je dépasse actuellement les 100 000 vus sur l’ensemble des six blogs. Leur consultation quotidienne se situe généralement entre 200 et 300 par jour, parfois 400. C’est une satisfaction. Une autre, c’est voir que mes partages sont à leur tour partagés. Lorsque je diffuse une actualité et que d’autres s’en emparent pour la diffuser à leur tour, cela veut dire que les insectes sont capables d’intéresser ou même de plaire. Il arrive que l’on m’adresse un commentaire enthousiaste en découvrant mes blogs,  ou que l’on me remercie pour telle ou telle actu (il y a la possibilité de communiquer sous chaque scoop). Le nombre total d’abonnements à mes différents comptes dépasse les 400. On s’abonne gratuitement, il suffit de cliquer sur le ou les comptes qu’on veut suivre et de donner une adresse mail.


Quelles étaient au départ et sont maintenant vos motivations et votre satisfaction ?

Le moteur de tout cela, je dirais que c'est ma curiosité. C’est elle qui me guide. Il suffit qu’un mystère surgisse pour que je veuille en avoir la clé. Et plus j’en apprends, plus j’ai envie d’en savoir encore pour comprendre ce que je viens d’apprendre et avoir les réponses aux nouvelles questions que ce nouveau savoir engendre. Le système s’est amorcé très tôt, je ne peux pas dire quand, peut-être dès ma première année de maternelle… et depuis ce temps il s’autoalimente ! Mon besoin de progresser dans la connaissance augmente avec les connaissances que j’acquiers. Je ne connais pas la solution pour arrêter ça, alors je continue. Il n’y a pas de fin…

Les insectes sont arrivés inopinément. Il n’y a encore pas si longtemps, ils ne m’intéressaient absolument pas, j’évitais même de les regarder, aussi bien dans la vie réelle que dans les livres ou les magazines. Je passais les pages. Je les ai enseignés machinalement, sans qu’ils ne retiennent particulièrement mon attention, ni le beau papillon qui s’est un jour envolé dans la classe en sortant de son cocon, ni la mante religieuse trouvée dans le pré devant mon école à la campagne et observée avec les élèves. Cela ne m’a pas laissé plus de trace qu’une leçon de lecture… La nature m’intéressait, mais c’était plutôt le ciel, l’espace, la géologie, les phénomènes physiques, les éléments naturels, ou encore la botanique, tout sauf les insectes.

Jusqu’au jour où en me renseignant sur la pollinisation des primevères auprès d’un entomologiste de profession, j’ai été captivée par son discours. C’était par mail. Il m’a tellement bien expliqué les bourdons qu’un jour en me promenant au parc de la Tête d’or, il y a eu le déclic. Je suis tombée en arrêt devant ceux qui se vautraient dans les pivoines. C’était le début. Les insectes ne m’ont plus quittée.

Alors il y a eu le forum et tous ceux qui m’ont répondu, expliqué, guidée, aidée à identifier les insectes que je photographiais. À mon tour j’ai voulu me rendre utile aux autres. Et je me suis plongée à fond dans l’entomologie. Devenir animatrice de deux petits forums dont personne ne s’occupait m’a donné l’occasion de parcourir des études scientifiques dans le moindre détail sur les Collemboles, sur les Myriapodes, de côtoyer des spécialistes, d’échanger avec eux. Tout cela m’a beaucoup plu.

S’est superposé sans doute aussi le besoin de défendre une cause. Car ce moment où j’étais tombée sous le charme d’un bourdon puis des insectes coïncidait avec les premières grandes alertes autour du déclin des abeilles. Il y avait là les ingrédients d’une Love Story transposée à la nature ! Bien sûr, je peux toujours dire que je veux donner à l’insecte la place qui lui est due et qu’il n’a pas ; qu’il est méprisé la plupart du temps alors qu’il a une énorme importance dans la nature ; etc. Et je sais bien qu’à moi toute seule je ne vais pas réussir à réhabiliter son image dans les actualités. Mais surtout, je crois bien qu’au fond, c’est une histoire entre lui et moi. Et elle dure depuis six ans.


Des projets ?

Continuer, et progresser !

B.C.


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